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véritables animaux, des Polypes à bras, logés dans des cellules fituées au fommet & le long des branches du Corail. Je ne m'arrêterai pas à prouver une vérité qui l'a été fi bien par MM. Peyffonnel, Ellis, Donati, &c.; mais je hafarderai mes conjectures fur la formation de la fubftance intérieure & durcié du Corail, & je les appuierai fur les observations que j'ai été à portée de faire fur les différens états du Corail, fortant des eaux de la mer.

Quel que foit l'âge où la grandeur du Corail, tant qu'il eft couvert par des animaux vivans, on y remarque la fubftance intérieure, qui eft dure, compacte, très-propre à recevoir le poli, & Pecorde extérieure, qui eft molle, fpongieufe, peu épaisse, qui fe sèche & devient friable lorsqu'elle eft reftée quelque temps à l'air, C'est dans cette écorce que se trouvent les loges d'un grand nombre de Polypes mols & blancs, fixés & logés dans de petits tubes membraneux. Il eft encore effentiel de remarquer que les branches du Corail font très-fortes à leur base, & diminuent en groffeur à mesure qu'elles s'élèvent; que dans le Corail vivant l'extrémité des branches eft tendre, friable, qu'il y a très-peu de fubftance intérieure, que la matière de l'écorce y eft en très-grande abondance, que l'on y voit de forts tubercules, & un bien plus grand nombre de Polypes, qui, de temps à autre, découlent le long des branches fous la forme d'une liqueur blanchâtre.

Cette liqueur eft probablement un compofé de jeunes Polypes, ou d'oeufs de Polypes. Ces oeufs, ou s'attachent aux corps étrangers qu'ils rencontrent & y forment de nouvelles générations, ou bien ils reftent fixés fur la branche paternelle, y vivent & y meurent, après avoir produit des milliers d'autres Polypes, qui à leur tour fe multiplient, fe defsèchent, & forment, avec le temps, ces branches magnifiques, l'ornement des cabinets, & fi longtemps l'écueil des conjectures. C'eft cette formation dont je viens de préfenter une idée, qu'il est intéreffant d'obferver; c'est cette goutte de lait convertie en un fuperbe arbriffeau, & métamorphofée, par le laps des temps, en une matière dure, pierreuse, fufceptible du plus beau poli, dont il faut développer la génération, quoiqu'elle fe cache à nos yeux dans les abîmes de la mer.

Le Polype meurt; mais en mourant, il n'eft pas, comme le grand nombre des animaux, foumis à une diffolution qui en fait un objet de corruption & d'horreur. La mort du Polype eft une espèce d'offification. Il fe defsèche, durcit, & refte avec fa postérité attaché à la branche où il a pris naissance, pour ne faire, par la fuite, qu'un tout de même nature. Il paroît, d'après cela, aifé de concevoir com. ment le Corail peut former infenfiblement des branches très-étendues par des couches tant horizontales que perpendiculaires de Polypes durcis & offifiés.

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Le Polype eft mort, & il ne refte de lui, après La mort, qu'une matière pierreuse, mais tendre. Cette matière eft augmentée par les fecrétions abondantes des Polypes vivans, par leurs propres enveloppes, c'est-à-dire, par les loges qu'ils fe font. formées, lesquelles, entaffées les unes fur les autres, groffiffent les branches, en forment de nouvelles, qui d'abord font grêles, foibles, & quelquefois creuses. Elles fe brifent avec la plus grande facilité, & fe réduisent fous les doigts en une poudre très-fine& même en pâte, lorfqu'elles fortent de la mer. Ce fecond état eft encore bien éloigné de celui où ce même Corail va devenir auffi dur que le marbre. Suivons une métamorphofe fi intéressante.

Du fommet des branches de cette extrémité où habite le plus grand nombre des Polypes vivans, il découle de temps à autre une espèce de liqueur vifqueufe, qui paroît remplir les interftices des loges, & contribue à former autour des branches un épiderme, une véritable écorce, une couche excentrique qui en augmente l'épaiffeur. Etendue fur toutes les branches, elle s'y sèche; mais elle ne fe durcit, elle n'acquiert la folidité de la fubf tance intérieure, elle ne s'identifie avec elle qu'autant qu'elle a été recouverte par plufieurs autres couches. C'eft ainfi que le liber des arbres n'obtient la dureté du bois que par l'addition de plufieurs autres couches de liber. Si cette liqueur de Polypes, coulant le Part. II.

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long des branches, rencontre quelque corps étranger, elle les recouvre, & on les trouve enfuite renfermés dans la fubftance intérieure.

Il est donc très-effentiel de diftinguer le Polype du Corail, d'avec ce que l'on appelle le Corail proprement dit. Le premier croît felon les règles de la génération, d'une génération, il est vrai, particulière aux Polypes. Le Corail, au contraire, produit par les Polypes, n'augmente, comme les minéraux, que par juxta pofition, à-peu-près comme la coquille du Limaçon, par de nouvelles couches appliquées fucceffivement fur les premières. Ces obfervations, que j'ai fuivies avec toute l'attention poffible, que l'on ne peut trop s'appliquer à vérifier, & qu'il est même aisé de reconnoître fur certains morceaux de Corail hors de l'eau ; ces obfervations dis-je, expliquent comment le Corail achève de fe durcir, pourquoi le tronc & les premières branches font fortes, très-groffes, tandis que les dernières font petites, grêles, friables. Plus une branche est ancienne, plus elle a multiplié fon épiderme, plus elle l'a renouvellé, & toujours en augmentant en groffeur ainfi qu'en dureté.

Une branche de Corail n'eft donc plus une pierre, ce n'eft plus une plante, ce n'eft pas non plus un animal, mais une fimple production animale, c'est la métamorphofe d'un millier de Polypes; c'eft un très-bel ́arbre généalogique où le Polype aïeul eft

recouvert par la nombreuse postérité de fes enfans, où le fils devient le tombeau du père, & où tous ensemble ne perdent l'existence que pour retrouver, fous une forme nouvelle, & dans ces générations confondues & réunies, un état plus durable, plus brillant, acquérant par la vieilleffe, & fe fortifiant avec les années.

Parmi tous ces Polypes, les uns, fidèles à leurs aïeux, n'abandonnent jamais la branche paternelle; ils y vivent, ils y meurent. D'autres, jaloux d'être les auteurs d'une nouvelle génération, s'arrachent de cette antique fouche, & jettent fur un rocher, fur un corps dur quelconque, fur du bois, fur des os, les fondemens d'une nombreuse famille. Si une branche se brife, & qu'elle retombe fur d'autres branches, elle s'y fixe, & se trouve comme entée fur fes aïeux les plus reculés.

Le meilleur, Corail eft toujours le plus vieux, le plus dur, celui que la vafe a recouvert, & qui ne fort de l'eau que chargé de fange. Quand le Corail n'a plus de Polypes, il n'augmente plus en étendue, il ne produit plus de branches; mais il se bonifie, il se durcit. Celui que l'on retire en cet état est beaucoup plus ferré, plus pefant que celui où il y a des Polypes. Les Corailleurs l'apprécient bien davantage.

Le Corail, fur-tout dans fon état de vieilleffe eft fouvent carié. Quelquefois aucune ouverture

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