Grêcs & Latins qui en ont parlé. Jérufalem que nous nous imaginons avoir été détruite J'an 891. de Rome, l'avoit été plus de 130. ans plutôt, l'an 687. de Rome, trois ans avant que Pompée la prit, & avant même que les armées Romaines euffent mis le pied en Syrie. Toute l'Hiftoire Romaine eft fauffe, ou tout cela eft vray, fi Rome n'a été bâtie que 617. ans avant l'ère Chrétienne. XII. Ce n'est pas feulement dans l'Hiftoire Romaine que le nouveau Syftême porte le trouble & la confusion. Elle paffe par une fuite néceffaire dans celle de tous les Etats de l'Europe & dans l'Hiftoire Eccléfiaftique. Un feul exemple fuffira. La Monarchie Françoife que l'on fait commencer environ l'an 419. de l'ère Chrétienne, & par conféquent l'an 1036. de Rome, fuivant le nouveau Systême; se fera formée non pas fous Honorius, comme nous l'avons cru jufqu'icy, mais fous Conftantius père du Grand Conftantin qui commandoit en effet dans ces pays-cy vèrs l'an 1036. de Rome, & ce fera à lui, & non pas au célébre Aëtius que les prémiers Francs auront eu affaire. XIII. Je fai que M. Newton a fenti ces difficultez, & que pour y parer, il ôte 134. ans aux prémiers Rois de Rome, & qu'au lieu de 243. ans que la Monarchie dura, ainfi que toute l'Hiftoire nous l'apprend, il ne lui accorde que 109. ans, & fait commencer le Confulat & la République dès l'an 110. de la Fondation de Rome: Par là tous les Confulats font rétablis, tous les grands hommes rendus à leur fiéce, tous les événemens reprennent leurs places; en un mot toutes les difficultez que nous propofions tout à l'heure s'évanouiffent. Mais fi M. Newton fe réconcilie d'un côté avec l'Hiftoire, ce n'eft qu'en la combattant de l'autre. D'ailleurs à qui nous en rapporterons-nous? M. Newton eft-il plus croyable fur la durée de la Monarchie des prémiers Rois que Florus, qu'Eutrope, que Tite-Live, que Plutarque, que Denys d'Halicarnaffe & tous les Hiftoriens plus anciens & les monumens d'après lefquels ceux-ci travailloient? Eft-il probable que fur des tems qui n'étoient pas fort éloignez des prémiers Hiftoriens, fur un auffi petit efpace de tems, fur fept régnes feulement, on fe fût trompé de 134. ans, c'est-à-dire, de plus de la moitié? XIV. Cependant j'y confens, ôtons 134. ans aux Rois de Rome, & réduifons-les à 109. Tout en ira-t-il mieux pour le yftême de M. Newton Point du tout; & ce n'eft plus l'Hiftoire feulement, c'eft lui-même qu'il contredit. Car enfin quelque effort qu'il ait fait dans fa Préface pour nous perfuader que les Anciens avoient trop donné d'étendue à chaque Régne en l'égalant à la génération qu'ils faifoient de 33. ans environ, il ne le réduit pourtant qu'à 18. ans, & mênie dans l'ouvrage & dans l'éxécution il y don de Rome, il n'y aura qu'environ 109. ans 7 Rois If ans pour chaque régne. Pourquoi ceux-ci feront-ils exceptez de la régle générale? La nature avoit-elle pour eux des loix particulières ? Pourquoi dans ce petit espace de tems & fur les fept collines les générations n'auront-elles été que de 15. ans & pendant qu'elles étoient de 20. ou 22. ans dans tout le reste de l'Universa En leur rendant à châcun l'un portant l'autre les 18. ans que M. Newton pèrmet dans fa Préface de donner au régne, ou à une fucceflion, on retombe dans les inconvéniens que j'ai marquez, on retarde les Confulats, & l'on déplace tous les événemens; & quoiqu'il n'y ait que 18. ans à dire, ce n'eft que trop pour déranger toute l'Hiftoire, & la mettre en defordre. Ce fera bien pis fi l'on donne à ces Princes 20. ou 22. ans, comme il eft prouvé qu'il le faudroit faire dans les principes mêmes de M. Newton, & comme il le pratique lui-même dans fon ouvrage. C'en eft affez pour les Hiftoriens. Venons à des monumens de l'Hiftoire encore plus authentiques. XV. J'entends ces marbres trouvez à Rome l'an MDXLVI. dans le lieu où fe tenoient autrefois les Comices, & placez au Capitole. Grævius les rapporte pag. CCLXXXIX. & fuivantes, & l'on y trouve des reftes précieux des Fastes, Confulaires. Quelques maltraitez que ces marbres fameux ayent été par le tems, cet ennemi cruel de nos nos études & de nos connoiflances, il les a pourtant affez refpectés encore pour nous laiffer des preuves contre lefquelles je ne croi pas que toute la capacité & toute la réputation de M. Nevvlon puiffe tenir. que Il tache de prévenir, comme j'ai dit, les inconvéniens & le trouble que fon Système jette dans l'Hiftoire en ôtant 134. ans aux fept prémiers Rois de Rome. Par là il reconnoît autant de Confulats que nous, y rétablit le même ordre, & il donne à la République autant de durée les anciens Hiftoriens, & qu'aucun autre Chronologifte. En quoi differe-t-il donc des autres? C'eft que ceux-ci font commencer le gouvernement confulaire à l'an 244. & M. Nevvton à l'an 110. de la Fondation de Rome. Cela pôfé, voyons à quelle année de la Fondation de Rome cha châ que Confulat tombe dans le Systême de M. Nevvton. Le 1 eft de l'an 110. Donc le 47° eft de l'an 156. le 57r de l'an 166. & ainfi des autres. Sur les fragmens des marbres Capitolins l'année de Rome refte encore marquée en plufieurs endroits vis-à vis, & avant le nom des Confuls. Ces Confulats, où l'année de Rome reste encore marquée, font ceux qui eft le 47c. dans la fui De P. Servilius Prifcus, & de te des Confuls, & marqué L. Ebutius Elva. De Sextus Quintinus, & de P. De Cn. Servilius Cæpio, & de De C. Fundanus Fundulus, & de C. Sulpicius Gallus. De Q.Fabius Maximus Verrucofus, & de M. Pomp. Matho. D. M. Flaminius Nepos, & de P. Furius Philus. à l'an de Rome 290. fur les marbres Capitolins. C'eft le 57. & ii eft mar qué à l'an 300. qui eft le 197. l'an de Ro De Cn. Servilius Cæpio; & de Voilà donc dans l'efpace d'environ 400. ans 14. Confulats où l'année de Rome eft marquée sur les marbres Capitolins. Voyons fi ces années fe rapportent avec celles où ces mêmes Confulats doivent fe trouver dans la Chronologie de M. Newton, & comparons les Faftes du Chronologifte Anglois avec ceux des marbres du Capitole, c'eft-àdire, avec ceux que les Romains eux-mêmes ont autrefois gravez fur ces marbres. de 134. La différence eft toûjours, comme on le voit, ans. Qui fe trompe ? Et qui en croirons-nous? M. Nevvton ou les Marbres Capitolins ? Le Mathématicien Anglois du XVIIIe. fiétle, ou les Magiftrats de Rome ancienne & floriffante qui oht fait autrefois graver leurs Faftes fur le marbre; tout le peuple qui les a vû exposez à fes yeux & qui les a lus; tous les Savans de Rome qui ont pû les examiner dans les fiècles les plus inftruits, les plus cultivez & les plus polis, & qui les fuivent tous; tous les Etrangers Grecs & autres qui ont pû les contredire, & qui s'y conforment entièrement, ou s'y conforment affez pour ne laiffer à M. Nevvton aucune reffource dans leurs Ecrits, & dans leur autorité. XVI. M. Nevvton disa qu'Hérodote, que Tite-Live, que Paterculus, que Denys d'Halicarnaffe x que Florus, qu'Eutrope, que Dion, que ceux qui ont fait graver les marbres Capitolins, que tous les Anciens en un mot fe font trompez. C'est avoir une forte partie en tête ; & cela est bien-tôt dit : mais le prouvera-t-on ? Le perfuadera-t-on ? Jus qu'à ce qu'on l'ait prouvé, je fuis en droit de dire que M. Nevvton eft prèfque par tout en contradiction avec l'hiftoire, & que c'est lui qui fe trompe. D'ailleurs quelles nouvelles lumières a-t-il fur ces tems reculez que les Anciens n'euflent pas ? D'où lui font-elles venues ? Où a-t-il pû les puifer? Quel autre moyen d'établir des faits que le temoignage de ceux qui les rapportent, & des faits anciens que le témoignage des Anciens qui les racontent? Sauf toûjours les droits de la Critique, pourvû qu'on en ufe fobrement, avec prudence & modération, & dans le cas feul de la néceffité; pourvu qu'éclairée, judicieufe, & fage elle n'entreprenne point témérairement de contredire, de détruire tout ce que les Anciens ont dit, mais de l'établir ou de le rétablir, & de leur faire dire ce qu'effectivement ils ont dit ; pourvû qu'on refpecte toûjours ceux que leur tems, leur érudition, leur caractère, & le confentement de tous les fiécles & de tous les vrais Savans ont mis de tout tems en poffeffion de nous enfeigner & d'être nos arbitres. & nos juges, qu'on n'abandonne que ceux qu'on ne peut concilier avec les autres, & dans les endroits où l'on ne peut abfolument les concilier. |