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accorder quelque grace pécuniaire à un Dragon de ce Régiment, Sellier de profession, qui venoit de faire des prodiges de valeur dans une action de guerre trèsrécente. Eh! pourquoi de l'argent, dit le Roi, pourquoi ne l'avoir pas fait Officier fur le champ, dès que fon action étoit éclatante? vous fçavez que cela doit être, & que je le veux ainfi. Sire, répondit le Colonel, j'ai craint de faire cette promotion, vu la compofition de votre Régiment de Numance, où nous fommes tous Chevaliers des Ordres de Malthe, de S. Jacques, de Calatrave & d'Alcantara. Et moi, dit le Roi, je le crée Officier dans l'inftant & parmi vous dans mon propre Régiment de Numance; il vous honorera tous & tous nos ordres ; fa Chevalerie vaut bien la nôtre.

Rien n'eft plus ordinaire que ces promotions dans le militaire d'Espagne, dans. lequel depuis très-long-tems aucune profeffion n'exclut un brave foldat du grade d'Officier, ni d'arriver aux plus hauts

grades, dès qu'il est une fois parvenu; en voici un exemple.

Au blocus de Namur fous Louis XIV, un Maréchal de Camp, Efpagnol, chargé de faire une partie de l'inveftiffement, marchoit à la tête de la colonne de la Cavalerie qu'il commandoit; le cheval qu'il montoit vint à fe déferrer; le Maréchal de Camp mit pied à terre tranquillement, demande à fes gens fon tablier & fes outils, & travaille à relever le pied de fon cheval. La colonne pendant ce tems-là fait halte; les Officiers François des divisions prochaines s'approchent infenfiblement, & fe portent jusques à la tête de la colonne, pour fçavoir quelle pouvoit être la raifon de cet arrêt fur les plus belles chauffées du monde ; ils l'apprennent en voyant leur Général ferrer son cheval; ils en témoignent toute leur furprise. Le Maréchal de Camp, qui s'en apperçoit, dit qu'on ne fera plus étonné lorfqu'on fçaura qu'il eft Maréchal ferrand de profeffion, qu'il eft parvenu de grade

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en grade, qu'il eft devenu Capitaine, & enfuite Lieutenant-Colonel de la même Compagnie, qu'il avoit ferré pendant 20 ans; qu'arrivé au grade d'Officier Général, il n'avoit jamais difcontinué de ferrer fes chevaux de monture; qu'il le faisoit maintenant, parce qu'il avoit ses ordres de marche, & qu'il ne craignoit pas de la retarder, & que d'ailleurs il étoit

enchanté de faire connoître fa véritable origine aux foldats François.

que

Ce que firent à Marignan François I. & le Comte de Tavannes; la réponse de ce Monarque au Chevalier Bayard; ce firent Henri IV & M. de la Tourd'Auvergne avant la bataille d'Arques ; & enfin ce que répondit au Colonel Espagnol Philippe V, en créant Officier fur le champ le Dragon pour lequel on lui demandoit une récompenfe pécuniaire ; les Rois, les Généraux d'armée, les Généraux du fecond ordre, & les premiers Chefs des Corps, foit Meftres-de-Camp, foit Capitaines des plus anciennes bandes

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ou des compagnies de cent hommes d'armes, le pratiquerent toujours dans le plus ancien tems; les Hiftoriens font auffi inexcufables de n'avoir pas recueilli & confacré tant de noms & tant de hauts faits leurs promptes & si glorieuses récompenfes, que le font maintenant les premiers Officiers d'ignorer ou de négliger leur droit le plus magnifique, leur plus honorable, leur plus cher privilege.

N'eft-il pas de toute injustice, n'est-il pas criant, qu'on ne trouve que dans des mémoires épars & bien rares, de ces grandes & fi importantes anecdotes! encore faut-il avoir fenti fortement la néceffité de ces admirables découvertes pour se réfoudre à chercher & fouiller par-tout, & pour parvenir enfin à former un commencement de recueil, toujours trop peu confidérable. L'hiftoire ne devroit-elle pas les fournir en foule ces actions, ces récompenfes, ces noms glorieux aux armées, aux nations, à l'humanité ?

Ce fut toujours une des meilleures

maximes du Roi de Pruffe, non de ne manquer jamais à confirmer les Officiers créés par fes Généraux, ou le dernier de fes Commandants, dans l'inftant d'une action brillante ( ayant cela de commun avec les autres Souverains), mais de faire toutes fes promotions fur le champ de bataille même dans toutes celles où il s'eft trouvé, foit après la victoire, foit, dans le cas d'un défavantage, après la retraite, & l'entier ralliement de ses troupes. C'eft dans ces différens moments là qu'il a toujours promu fes feldt-Maréchaux, fes Généraux de tous les ordres, Sergents Majors, Colonels, LieutenansColonels, Majors, Capitaines, Lieutenants, Officiers fubalternes, & bas-Officiers; c'eft pour lors qu'il a toujours accordé, avec les éloges mérités, les plus grandes & les plus petites récompenfes, décorations, grades, retraites, pensions, invalides auffi a-t-on vu dans fes armées les avancements les plus furprenants & les plus juftes on y a vu un foldat fait

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