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Sergent en 1757, devenu Major en 1760, fortune bien plus rapide & plus finguliere encore que celle du Général Daun dans les armées de l'Empereur, Major d'Infanterie au commencement de la guerre de 1756, feldt-Maréchal avant la fin de cette même guerre.

CHAPITRE VII.

De l'amitié.

L'AMITIÉ paroit être ce qu'il y a de plus doux au monde. Elle eft l'ame de notre vie & de tous nos travaux; elle eft l'appui naturel & le plus fecourable de notre être, que l'abandon de fes femblables ne manque jamais de mettre en proie à l'ennui & au malheur. L'homme fans amis, l'homme infenfible à l'amitié eft tout ce qu'il y a de plus malheureux fur la terre ; il ne voit plus que fa misere, il ne fait plus que fentir l'énorme poids,

la trifte condition de l'humanité; les richeffes, rien ne peut remplacer l'abandon des hommes, rien ne peut remplacer le premier, l'unique bonheur, la confolation Encyclo- naturelle d'un mortel. C'eft l'infuffifance pedie. de notre être qui fait naître l'amitié. Elle eft l'habitude d'un commerce tendre & agréable, une charité, une disposition à faire du bien à tous. Elle suppose la charité naturelle, qui embraffe tout, même au-deffous de l'homme.

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Un moineau, pourfuivi par un épervier, vint fe refugier dans le fein de Xenocrate; il lui fauva la vie, en difant qu'il ne falloit pas trahir un fuppliant. Point d'amitié fans vertu; l'union de deux amis fans mœurs n'est point de l'amitié, c'est une association odieuse qui les fait entrer en commerce de vices, & établit entr'eux une complicité réciproque. Cette union pure, ce faint nœud, ce nom fi respectable, selon la loi fondamentale de l'amitié, ne peut être donné qu'à une liaison qui n'a rien de vicieux.

<< Hæc prima lex in amicitiâ fanciatur, >> ut neque rogemus res turpes, nec facia>> mus rogati >>.

Ciceron.

Valere Maxime rapporte cette belle réponse de Rutilius à un de fes amis, qui lui demandoit une chose injufte, & qui offenfé de fon refus, le menaçoit de la perte de son amitié. Quel befoin ai-je de votre amitié, lui répondit Rutilius, s'il faut que pour la conferver j'agisse contre les loix de la vertu?

Valer. Maxim. VI. 4.

On demanda à Ariftote ce que c'étoit qu'un ami. Il dit que c'étoit une ame qui animoit deux corps : & fon grand disciple Théophrafte, que la fainte amitié eft le lien dont les cœurs des hommes unis enfemble peuvent embraffer la vertu.

L'amitié eft faite pour le fage, les cœurs vils & corrompus n'y ont aucun droit. Il faut des esclaves à l'homme puif

des

fant, des flatteurs à l'homme riche, admirateurs à l'homme de génie. Le fage feul a des amis, qui ne s'acquierent ni par les armes, ni par l'or, mais par des fervices réels & par une fidélité inviolable. Les bienfaits de Claude, difoit Paffienus me font plus précieux que fon amitié; mais l'amitié d'Augufte m'étoit bien plus précieufe que fes bienfaits.

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Senec. lib. 10, de benef.

« Il n'eft rien à quoi il femble que >> nature nous aye plus acheminés qu'à la » fociété, &, dit Ariftote, que les bons Légiflateurs ont eu plus de foin de l'a» mitié, que de la juftice. Or le dernier »point de fa perfection eft celui-ci. Car » en général toutes celles que la volupté » ou le profit, le befoin public ou privé, » forge & nourrit, en font d'autant moins » belles & généreuses, & d'autant moins » amitié, qu'elles mêlent autre cause & » but & fruit en l'amitié qu'elle-même.

Effais de Montaigne, tome 1, liv. z, chap. 27, pag. 182.

<< Somme, ajoute encore Montaigne, » ce font effets inimaginables à qui n'en » a goûté, & qui me font honorer à mer» veille la réponse de ce jeune foldat à » Cyrus, s'enquérant à lui pour combien >> il voudroit donner un cheval, par le » moyen duquel il venoit de gaigner le » prix de la courfe; & s'il le voudroit échanger à un Royaume. Non certes, » Sire, mais bien le lairois-je volontiers » pour en acquérir un ami, si je trouvois » homme digne d'une telle alliance ».

>>

Cyropedie, liv. VIII, chap. 3, S. 22. 22..

Les plus petits États croiffent par Pu nion, & les plus grands fe détruisent par la difcorde: il en eft de même de toutes les fociétés, de tous les corps, de toutes les congrégations d'hommes, de toutes les familles ; leur unique force est dans l'union, comme leur véritable union dans l'amitié.

Une armée toute compofée d'amis, dit Chambor, pourroit envahir l'univers, fans

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