:

En 1763 M. le Marquis de Broc, Maréchal des camps & armées du Roi, chargé des ordres de la Cour pour aller inspecter le Régiment d'Infanterie du Comte de Provence, en garnifon à Breft, avant d'interroger fur fes fonctions un Caporal de ce Régiment, & voulant parcourir tous les devoirs de fon escouade, lui demanda Camarade, par où commencez-vous le matin ? Mon Général répond le Caporal, par prier Dieu. M. le Marquis de Broc renvoya fur le champ ́ce brave soldat, & dit: Qu'on m'en fasse venir un autre, penfant, & bien convaincu qu'un tel foldat ne pouvoit négliger aucune de fes fonctions, & qu'un tel commencement de journée affuroit l'accompliffement de toute efpece de de

voir.

S. Augustin écrivit une lettre au Comte Boniface pour fon édification, comme il l'en avoit prié; il lui montre que l'on peut plaire à Dieu en portant les armes, par l'exemple de David, dú Centenier de

l'évangile, de Corneille; par les inftructions que S. Jean-Baptiste donnoit aux de gens guerre, fans les obliger à quitter leur profeffion. Mais, dit-il, quand vous vous armez pour le combat, vous devez premierement penfer que votre force corporelle eft un don de Dieu; vous devez garder la foi, même à l'ennemi; vous devez toujours defirer la paix, ne faire la guerre que par néceffité; n'ufer de violence contre l'ennemi, que quand il réfifte; garder la chafteté conjugale, la fobriété, la frugalité. Il eft bien honteux à celui qui n'eft pas vaincu par les hommes, de l'être par fes paffions; l'affluence ou la difette des biens temporels ne doit ni élever ni abbatre le courage d'un homme & d'un chrétien.

Lettre à Boniface, Ep. 189. Al. 205, n.4.

CHAPITRE

I X.

De l'enrôlement des Romains & de leur

ferment de fidélité.

ES Conquifiteurs & les Triumvirs étoient chargés d'aller dans les Tribus avertir, raffembler & faire conduire tous les citoyens en état de porter les armes, aux endroits & lieux marqués pour les levées, & le choix des foldats. L'examen & l'élite faite, on' inscrivoit les élus dans le livre militaire, & on les marquoit à la main, ce qui confommoit l'enrôlement. Les prifonniers de guerre ou les captifs qui fe donnoient enfuite à la République, étoient également infcrits dans le registre des auxiliaires, & marqués de même fur la peau & à la main, mais d'une lettre différente, pour qu'ils fuffent comme confacrés à la milice.

«

Captofque compungebant, & figna

» bant in cute, ut quafi confecrati militiæ >> viderentur cognofcique poffent, nec la» titarent; quid quod & olim nomen Im» peratoris in fcutis, haftis, vexillis fo>> lebant infcribere, atque ex eo exemplo, » poftmodum in cute fignarunt, etiam & >> in manibus >>.

De militia Roman. pars III. Lib. 22, cap. ?, pag. 87, de militum delectu.

M. le Maréchal de Saxe propofa de marquer les Officiers, pour y engager les foldats, d'un chiffre à la main droite d'une compofition comme font les Indiens, & comme faifoient les Romains avec un fer chaud, pour empêcher la défertion; ils en faifoient une fête.

Les citoyens des villes, des campagnes, & généralement de toutes les Tribus ne manquoient jamais d'arriver au jour & au lieu de la convocation, & de répondre avec empressement aux appels qu'on faifoit des lieux de leur naiffance, ou de leur habitation, de leur profeffion & de

leurs noms. Il n'étoit jamais arrivé que fous le Confulat de M. Curius Dentatus II, & de L. Cornelius Lentulus, qu'on eût montré de la mauvaise volonté, & qu'on eût hésité à répondre à l'appel du Conful, ou de tout autre Officier préposé pour faire le choix & le tirage de la milice. C'eft que la guerre duroit depuis plu fieurs années, & qu'on en étoit bien las ; l'exemple n'en fut pas moins terrible.

Curius Dentatus voulant faire les levées à l'ordinaire dans le Capitole, & faifant appeller par leur nom, selon l'ufage, les citoyens qu'il jugeoit à propos d'enrôler, aucun ne répondit. Il crut que pour arrêter ce défordre, le bien public demandoit qu'on fît un exemple. Il fit mettre dans une urne les noms de toutes les Tribus, & le fort tomba fur la Tribu Pollia, & enfuite par une feconde opération femblable à la premiere, fur un certain citoyen de cette Tribu; il le fit citer à plusieurs reprises. Comme il ne se préfentoit point, il ordonna qu'on vendît