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champ de Mars que les Tribuns militaires tiroient les Tribus au fort l'une après l'autre, & appelloient à eux celle qui leur étoit échue. Enfuite parmi ces citoyens ils faifoient leur choix, les prenant chacun rang, quatre à quatre, à peu près égaux en taille, en âge & en force, & procédoient ainsi de fuite, jufqu'à ce que les quatre légions fuffent complettes.

à fon

Après qu'on avoit achevé la levée, chaque foldat prêtoit ferment entré les mains ou des Confuls ou des Tribuns. Par ce ferment ils promettoient de s'affembler à l'ordre du Conful, & de ne point quitter le fervice fans fon ordre ; d'obéir aux ordres des Officiers, & de faire leur poffible pour les exécuter; de ne point fe retirer par crainte, ni pour prendre la fuite, & de ne point quitter leur rang.

Ce n'étoit point ici une fimple formalité, ni une cérémonie purement extérieure qui n'influât en rien fur la conduite; c'étoit un acte de religion très-férieux, accompagné quelquefois des plus terri

bles imprécations, qui faifoit une forte impression fur les efprits, qui étoit jugé d'une néceffité absolument indispensable, & fans lequel les foldats ne pouvoient point combattre contre l'ennemi.

Les Grecs auffi-bien que les Romains faifoient prêter à leurs troupes ce ferment, ou un pareil, & ils étoient fondés à le faire fur un grand principe. Ils fçavoient qu'un particulier par lui-même n'a aucun droit fur la vie des autres hommes ; qu'il faut que le Prince ou la République, qui en ont reçu le pouvoir de Dieu

lui

mette les armes à la main; que ce n'est qu'en vertu de ce pouvoir dont il est revêtu par fon ferment, qu'il peut tirer l'épée contre l'ennemi ; & que fans ce pouvoir, il se rend coupable de tout le fang qu'il répand, & commet autant d'homicides qu'il tue d'ennemis.

Hift, anc, tom, XI. I. part. pag. 33o.

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T

CHAPITRE X.

De la défertion.

ous les peuples ont eu dans tous les tems la même idée de la défertion, tous l'ont regardée comme une action honteuse & détestable, comme un crime digne des plus grands fupplices. Les Germains, les Gaulois, les Allemands faifoient pendre leurs déferteurs à des arbres. Les Perfes les condamnoient à être crucifiés. Les anciens Orientaux & les Arabes à être empallés avec des broches de bois; & au fupplice de la mangeoire, quand ils étoient arrêtés les armes à la main. Les Athéniens leur coupoient le pouce droit, & leur déchiroient le vifage avec un fer pointu. Les premiers Sarrafins & les anciens Efpagnols leur coupoient le nez & les deux oreilles (fupplice ufité en France fous plufieurs regnes ). Le jeune Scipion l'Africain

fricain les faifoit expofer aux bêtes féroces. L'Empereur Louis II. leur faifoit crever les yeux, & l'Empereur Henri VII. les faifoit tirer à quatre chevaux.

Les Romains mettoient une grande différence du crime & du fupplice, entre les esclaves ou les alliés qui défertoient, & les citoyens transfuges; tous étoient punis de mort; mais la défertion des foldats citoyens & nationnaux leur paroiffoit un crime bien plus énorme ; auffi leur fupplice étoit incomparablement plus grand.

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Les Ambaffadeurs de Carthage ayant rendu à Scipion les transfuges Romains, les déserteurs furent punis plus que les efclaves; car on trancha la tête à tous ceux qui étoient du pays Latin ceux qui étoient Romains furent mis en croix.

Hift. Rom. tom. VI, pag. 486.

&

La République fut toujours inexorable pour la désertion, elle n'accorda jamais

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,

le pardon d'un citoyen transfuge. Jamais d'amniftie chez les Romains. Celui qui avoit abandonné fes drapeaux & quitté fa patrie, n'avoit plus d'espoir d'y rentrer perfonne n'eût ofé lui donner afile; & celui qu'on reprenoit dans les armées ennemies, ou que fouvent les ennemis eux-mêmes renvoyoient (tant on avoit horreur de ce crime chez toutes les nations), l'expioit fur le champ dans les plus grands tourmens. Il arrivoit fouvent auffi que ces déferteurs, conduits au camp, périffoient par les mains des foldats mêmes; le feul Tribun, fans employer ni licteur ni bourreau, n'avoit qu'à donner le moindre signal, & dans l'instant les coupables étoient déchirés par la multitude,

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« Quod fi quis evafiffet, non ideò >> falvus erat, quia nec in patriam ipsi » patebat reditus, nec quifquam è necef» fariis tecto eum recipiebat : ficque ei › pereundum erat, quem tanta premebat » calamitas. Hic lictores nulli adhibiti, » nulli administri, nullus carnifex. Solus

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