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» Ammon, Zenon, Ptolomée & Ingenes, » s'approcherent tout d'un coup avec un » nommé Théophile, & fe préfenterent >> devant le tribunal ».

Fleury, Hift. eccléfiaft. Liv. 6, pag. 212.

CHAPITRE X I.

De la difcipline militaire des Romains.

LE

E gouvernement & la direction des troupes Romaines furpaffa de beaucoup la discipline militaire des Grecs; celleci, quoique fupérieure à celle des Perses, ne comprit jamais, comme chez les Romains, les de févérité pour moyens l'exécution des réglemens & des ordonnances, ni la confervation des loix & des conftitutions précises qui défignoient & marquoient les châtimens & les peines, selon la malice des actions. Chez les Grecs l'équité fut quelquefois févere, mais l'hu

manité toujours trop indulgente. Chez les Romains la juftice fut toujours également auftere, & l'humanité mieux conçue. Si le Dictateur Pofthumius fait mettre à mort fon propre fils, par ce trait d'équité, par ce devoir, par ce principe militaire & patriotique, par cet exemple, en apparence si barbare, il fauve presque toute une légion. La mort d'un seul homme, ou de quelques coupables, tout ensemble, dans certaines circonftances, épargna fouvent beaucoup de fang; & l'impunité, la fauffe clémence (qui est toujours l'humanité mal conçue) eft ordinairement coupable de celui qu'il faut ensuite répandre avec profusion. Voici un exemple dans notre nation même, & dans le fiecle dernier.

Dans un moment de calamité & d'une horrible difette, l'Entrepreneur du pain de munition de la ville de Landau en Alface, forcé par le manque total des denrées, fut contraint d'employer les plus mauvaises farines pour le pain de la gar

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nison; elle étoit nombreuse, & déja mécontente au point qu'un certain jour toutes les troupes, à l'infçu de leurs Officiers, fe trouvent fous les armes avant le lever du foleil, fur les remparts dans tous les ouvrages, & fur la place d'armes; la feule Cavalerie qui fut dans Landau, étoit le Régiment de Villars déja à cheval auffi devant fon quartier fans Officiers, lorfque le Chevalier de Vilanel, qui en étoit Lieutenant-Colonel, arriva; il fit avertir promptement & fourdement les Officiers de fe rendre, & eut l'air de gronder les Trompettes de n'avoir pas fonné à cheval, comme pour faire croire au Régiment même, qu'on ne fe trouvoit en bataille que par fon ordre; il envoya dire en même tems au Lieutenant du Roi, que s'il vouloit s'en rapporter à lui, le laiffer faire, & lui permettre de mener fon Régiment à la distribution, il lui répondoit que le pain feroit pris, & l'émeute bientôt calmée. Le Lieutenant du Roi le permit. Alors

le Chevalier de Vilanel met fa cavalerie

و

en marche la mene au pain, & dit au Commis chargé de la diftribution qu'il

peut

la commencer. On la commence. Le premier Brigadier de la Mestre-de-Camp refuse le pain; fon Lieutenant-Colonel mettant le piftolet à la main, lui dit : La Rofe (c'étoit le nom du Brigadier), je vous ordonne de prendre le pain que le Roi vous donne. La Rofe répond qu'il ne le prendra pas. Le lieutenant-Colonel lui caffe la tête. Il fait avancer le fecond Brigadier, nommé Saint-François, qui le refuse de même; le fecond piftolet est tiré fur lui. Il ordonne à Defmoulins, premier Carabinier, de prendre le pain que le Roi lui donne, fans quoi il aura le même fort. Defmoulins le refufe, & le Lieutenant-Colonel lui paffe fon épée au travers du corps. Il fait avancer le fecond Carabinier, qui prend le pain fans mot dire; tout le Régiment de Villars défile, recevant le pain, & fucceffivement toute la garnifon, qu'on ramene dans fes diffé

rentes cafernes, & la fédition eft appaisée.

L'action de ce Lieutenant Colonel, qui femble d'abord d'une barbarie atroce., eft pourtant dans l'humanité, comme dans la vraie discipline, une conduite des plus nerveufes & des plus admirables, puifque par la feule perte de trois hommes, elle fauve une garnison révoltée, qui alloit fe porter aux dernieres extrémités, & que tout au moins il eût fallu décimer.

La police militaire des Romains ne fe foutint que par des traits femblables, en portant les châtimens militaires jusqu'à la plus grande rigueur, & en ne s'écartant jamais de leurs loix, en tout inexorables.

La fermeté des Romains à maintenir La difcipine militaire contribua plus à leurs victoires que la multitude, que la force. même de leurs armées. Pénétrés de l'amour de la patrie, toujours attachés au bien public, ils fentirent le befoin de la discipline & des peines indispensables, &

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