cre une telle conftance, ordonna de les faire tous mourir, & fit marcher des troupes pour les environner, & les tailler en pieces. Ils ne firent aucune réïìstance mais ils mettoient les armes bas, & préfentoient le col aux perfécuteurs. La terre fut couverte de leurs corps; on voyoit couler des ruiffeaux de fang. On croit qu'ils étoient environ fix mille; car c'étoit le nombre ordinaire des légions. Eutrop. l. g. Diocl. Acta mart. finc. pag. 290. Fleury, Hift. eccléfiaft. liv. 8, p. 397. L'ancien Conful Servilius fut affez heureux de pouvoir arrêter la licence des foldats de Paul Emile, & de calmer une révolte prefque générale, en employant avec fuccès le moyen fuivant : Servilius pria les Tribuns de lui permettre de parler au peuple, auquel il s'étoit mêlé le plus grand nombre des foldats en rumeur, ce qui lui fut accordé. Plutarque nous a confervé ce discours en entier, je n'en rapporterai qu'un fragment bien fingulier par l'adreffe & par l'ironie, dans lequel Servilius femble d'abord ne rendre compte qu'au peuple de la conduite & des raisons des foldats, & qu'il termine en s'adreffant à eux, par une courte apoftrophe, qui continuant l'éloge de leur Général, ne pouvoit manquer de les ramener à la soumission & à la difcipline. Ce difcours fit tant d'impression fur l'efprit des foldats, que le tumulte fut appaisé sur le champ, & l'obéiffance entièrement rétablie. Servilius s'expliqua de la forte : « Mais quelles plaintes font-ils donc » de leur Général ? Il nous a obligé » difent-ils, à garder nos poftes avec une » févérité extrême; il nous a fait faire » les fentinelles & les rondes avec plus » de rigueur qu'aucun de ceux qui ont » commandé avant lui; il a exigé de nous plus d'affiduité au travail, qu'on en avoit » demandé auparavant, fe trouvant par>> tout en perfonne, & ne nous donnant au» cun relâche: enfin pouvant nous enrichir » du butin que nous avions fait, il a mieux 1 » aimé garder les tréfors du Roi pour les » expofer dans fon triomphe, & les faire >> enfuite porter dans le tréfor public. >> Vous auriez honte, foldats, de vous » exprimer en ces termes ! Voilà pourtant » les feuls reproches que vous puiffiez >> faire à votre Commandant ». Plutarq. in Emil. liv. XLV. 37. 39. Finiffons par les deux exemples les plus frappans de l'hiftoire & de la discipline militaire; l'un eft la condamnation de T. Manlius, fils du Conful Manlius Torquatus, que fon pere fait mourir, parce qu'il avoit combattu contre fa défense; l'autre eft la grace de Fabius, maître de la cavalerie, que le Dictateur Papirius n'accorde qu'aux prieres du peuple: T. Manlius, fils du Conful, s'étant avancé à la tête d'un efcadron presque jufqu'aux portes du camp des Latins, fut défié à un combat fingulier par un des principaux de l'armée ennemie, qui l'in fulta même avec hauteur & fierté. Le jeune Romain, plein de feu & de courage, ne put fe contenir; foit colere, foit honte de refufer le combat, foit enfin, dit Tite-Live, qu'il fût pouffé par la néceffité inévitable de fa malheureuse deftinée, il oublia dans ce moment le respect & la foumiffion qu'il devoit à la majesté paternelle & aux ordres des Confuls, & courut aveuglement à un combat, dont le fuccès ne pouvoit être que funeste pour lui, & où il lui étoit égal de vaincre, ou d'être vaincu. Il tua fon ennemi, & après l'avoir dépouillé, il s'en retourna comme en triomphe avec fa troupe. Arrivé au camp, il va droit à la tente de fon pere, ne fçachant gueres ni ce qu'il venoit de faire, ni ce qui alloit lui arriver; comptant fur des éloges, lorsqu'il ne devoit s'attendre qu'au fupplice. Il fe préfente donc avec confiance. Mon pere, dit-il, pour faire connoître à tout le monde que je fuis fort. de votre fang, je vous apporte ces dépouilles d'un ennemi qui m'a ofé défier, & qui j'ai mis à mort. Dès que le Conful eut entendu les pa roles de fon fils, il détourna de deffus lui fes regards, le repouffant en quelque forte des yeux & de la main, & fit fur. le champ affembler l'armée. Alors adreffant la parole à fon fils : « Manlius, lui » dit-il, puifque fans refpecter ni la majefté confulaire, ni l'autorité paternelle, » vous avez ofé combattre hors de rang » contre notre défense, & que par-là vous » avez aboli autant qu'il a été en vous la » difcipline militaire, qui a été jusqu'à préfent le foutien & l'appui de l'Empire, » de forte que vous m'avez réduit à la » trifte néceffité, ou de trahir les intérêts » de la République, ou de me facrifier » moi-même avec tout ce qui devoit m❜ê» tre le plus cher : il eft jufte que nous portions la peine de notre faute, plutôt » que de la faire retomber fur la patrie in» nocente. Nous allons donner un exem»ple trifte & funefte, mais falutaire à la >> jeunesse |