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» jeuneffe pour tous les fiecles à venir. Če » n'eft pas que la tendreffe paternelle, & » même ce premier effai de vertu & de >> courage que vous venez de donner en » vous laissant séduire par une vaine image » de gloire, ne me follicitent en votre » faveur. Mais puifqu'il faut, ou affermir » par votre mort le respect dû à la puif>> fance confulaire, ou en autorifer le mépris en laiffant votre faute impunie, je

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crois que vous-même, fi vous avez quel>> que goutte de mon fang, vous ne refu>> ferez point de rétablir par votre fupplice » la difcipline militaire que vous avez ren» versée par votre défobéiffance. Appro» che, Liceur, attache-le au poteau » !

Un arrêt fi cruel coûta fans doute des larmes à celui qui le rendoit; & fi en cette rencontre l'amour du bien public triompha de la tendreffe paternelle, on doit croire qu'il n'en étouffa pas les fentimens.

Hift. Rom. tom. III, pag. 221, 222 & 223.

Le peuple Romain tira d'embarras les

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Tribuns, en prenant le parti de prier & de conjurer le Dictateur de lui accorder la grace du Maître de la cavalerie. Les Tribuns, fuivant l'exemple du peuple, joignirent leurs prieres aux fiennes. Le pere de Fabius, Fabius lui-même, fe jetterent aux pieds de Papirius, le fuppliant avec larmes de fe laiffer fléchir. Alors le Dictateur ayant fait faire filence :

<«< Je fuis content, dit-il, la difcipline » militaire, la majesté du fouverain Com>> mandement, qui ont couru rifque aujour» d'hui d'être abolies pour jamais, ont enfin » triomphé. Fabius, qui a ofé combattre >> contre l'ordre de fon Général, n'eft point » défendu comme innocent, mais reconnu » pour coupable. Il obtient le pardon de >> fon crime par les prieres du peuple Ro>> main & des Tribuns, qui demandent pour » lui la vie comme une grace, & non » comme une juftice. Vivez, Q. Fabius, plus heureux mille fois par ce confente» ment unánime de tous vos concitoyens à

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s'intéreffer pour vous, que par la victoire

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» qui vous causoit tant de joie ! Vivez » après avoir commis un crime que votre » pere lui-même n'auroit pu vous pardon» ner, s'il eût été en ma place ! Vous vous >> reconcilierez avec moi quand il vous » plaira. Mais pour le peuple Romain, à >> qui vous devez la vie, fçachez que la plus >> grande marque que vous puiffiez lui don» ner de votre reconnoiffance, c'est d'ap

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prendre par ce qui s'eft paffé aujourd'hui à >> obéir avec foumiffion tant en paix qu'en à ceux qui auront fur vous une

» guerre
» autorité légitime ».

Ainfi fe termina cette grande querelle. Le Sénat & le peuple, pleins de joie, reconduifirent Papirius en foule, félicitant avec une égale effusion de cœur & le Dictateur & le Maître de la cavalerie. Tout le monde jugea que la difcipline militaire n'avoit pas été moins affermie

par

le danger qu'avoit couru Fabius, que par le fupplice funefte du jeune Manlius. Il en coûta pourtant à Fabius la perte de fa charge. Le Dictateur le déposa, &

nomma un autre Maître de la cavalerie à.

fa place.

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Hift. Rom tom. III, pag. 168, 169 & 170.

Qu'eft devenu cet ancien précepte

» s'écrie Montaigne : Que les foldats ont plus à craindre leur Chef, que l'ennemi? » Et ce merveilleux exemple, qu'un pom» mier s'étant trouvé enfermé dans le » pourpris du camp de l'armée Romaine, » elle fut vue le lendemain en déloger, » laiffant au poffeffeur le compte entier » de fes pommes, mûres & délicieuses! » J'aimerai bien que notre jeunesse, au » lieu du tems qu'elle emploie à des pé»régrinations moins utiles & apprentiffages moins honorables, elle le mît >> moitié à voir de la guerre fur mer, fous

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quelque bon Capitaine, Commandeur de » Rhodes, moitié à reconnoître la discipline des armées Turkefques; car elle a beaucoup de différences & d'avantages » fur la nôtre. Ceci en eft, que nos foldats » deviennent plus licentieux aux expédi» tions; là, plus retenus & craintifs ; car » les offenfes ou larcins fur le menu peu

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»ple, qui fe puniffent de bastonades en » la paix, font capitales en la guerre : » pour un œuf prins fans payer, ce font, » de compte prefix, cinquante coups de bâtons; pour toute autre chofe, tant » légere soit-elle, non nécessaire à la nour» riture, on les empalle, ou décapite, » fans déport. Je me fuis étonné, en » l'histoire de Selim, le plus cruel conquérant qui fût onques, voir que lorf» qu'il fubjugua l'Egygte, les beaux jar» dins d'autour de la ville de Damas tout » couverts, & en terre de conquête, fon » armée campant fur le lieu même, furent » laiffés vierges des mains des foldats » parce qu'ils n'avoient pas eu le figne » de piller

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Effais de Montaigne, tome 3, liv. 3, chap. 22, pag. 294.

Bajazet I., fils d'Amurat, fit éventrer un foldat accufé d'avoir pris de la bouillie à une pauvre femme qui en fuftentoit fes petits enfans.

Freiffart, vol. 4, chap. 87.

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