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Verè miles, femper amor militum femper nomine cordeque miles.

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Quand les Romains vouloient former l'affiette d'un camp, les triaires & la cavalerie étoient en avant, en ordre de bataille pendant la construction, & ne rentroient, que le camp formé & presque affis. Un de ces camps, lors de fa conftruction, fe trouvant infulté par l'ennemi dans une partie latérale, & avant l'ouverture du foffé qui devoit en faire l'enceinte, un Centurion prit l'épouvante dans cette furprise, & dans ce premier moment de terreur donna à fa troupe un ordre qui alloit peut-être entraîner la fuite de la légion entiere. Le foldat Claudius Mummius, qui voit que déja l'on s'ébranle, que cet ordre abominable va être exécuté, sort de son rang, se détache de fa troupe, fe jette fur le Centurion, le terraffe, le perce de fon glaive, lui difant : Arrête, miférable traître, arrête ! faut-il qu'un citoyen, que ton propre foldat t'arrache une vie infame?

Sifte traditor horrende! cur non hoftis enfe, cur civis gladio periturus es!

Au siege de Bourges, le foldat Marcus Alucius reçut d'un de fes premiers Chefs la couronne obfidionale pour avoir embrafé le bélier qui frappoit & détruifoit une muraille de la ville, du côté de l'Orient; Vincengentorix qui défendoit la place, trouvant que ce n'étoit pas affez d'une couronne, lui décerna deux fefterces de terre fa vie durant. Marcus Alucius dit alors à fon Gouverneur, qu'il aimeroit bien mieux qu'on lui donnât en propre, au lieu de deux fefterces de terre, les deux drapeaux qu'il avoit pris & gagnés au commencement de la campagne, & avant le siege, & qu'on lui avoit fait l'affront de lui dénier, ajoutant ces mots fi remarquables Cara vita, cara merces fed magis cara vexilla. Vincengentorix ordonna fur le champ qu'il eût tout-à-lafois les trois récompenfes ; la couronne obfidionale qu'il avoit d'abord reçue, les deux fefterces de terre que le Gouverneur

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lui avoit décerné enfuite, & les deux drapeaux qu'il avoit gagnés, & qu'on avoit eu l'injustice de lui refuser à fon infçu. Que d'actions étonnantes! que de faits prefqu'incroyables de tant de foldats dans

les

guerres de Céfar contre Pompée, particulièrement dans la défense de Salone! L'un fe fait descendre au bas d'un mur, & traverse le foffé pour aller égorger des fentinelles de l'armée de Pompée qu'il juge être endormies; l'autre, fuivi de quelques efclaves, va furprendre, étouffer & noyer dans la fource même ceux qui alloient empoifonner les eaux qui abbreuvoient la ville de Salone: celui-ci fe jette au-devant d'un de fes Commandants, pour lui parer & recevoir à sa place la grêle de flêches qui alloit le percer, & lui dit en mourant: Je t'ai fauvé, fauve la ville:

Salvum te feci, falvam fac civitatem. Cet autre, enfin, coupe fes beaux & longs cheveux, pour en former une corde dont il avoit befoin pour ajouter à

celle qui doit conduire fur la brêche un traîneau chargé de cailloux & de pierres. Exemple fi admirable, qu'il fut suivi sur le champ par toutes les femmes qui fe trouvoient dans la ville de Salone, qui toutes donnerent leurs cheveux, dont on fit les cordages néceffaires.

La façon dont Montaigne décrit ce fiege, fes réflexions fon ftile, m'ont femblé embellir encore cette finguliere & admirable défenfe; voici ce qu'il en dit:

« Il ne faut pas oublier le trait de » ceux qui furent affiégés à Salone, ville >> partifane pour Céfar contre Pompeius, » pour un rare accident qui y advint. » Marcus Octavius les tenoit affiégés; >> ceux de dedans étant réduits en extrême » néceffité de toutes chofes, en maniere » que pour fuppléer au défaut qu'ils » avoient d'hommes, la plupart d'entr'eux y étant morts & bleffés, ils avoient » mis en liberté tous leurs efclaves, & » pour le fervice de leurs engins avoient

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» été contraints de couper les cheveux de » toutes les femmes, afin d'en faire des » cordes; outre une merveilleufe difette » de vivres ; & néanmoins réfolus de ne » jamais se rendre. Après avoir traîné ce siege en grande longueur, d'où Octavius » étoit devenu plus nonchalant & moins >> attentif à son entreprise, ils choisirent » un jour fur le midi; & comme ils eu» rent rangé les femmes & les enfans fur » leurs murailles pour faire bonne mine, » fortirent en telle furie fur les affiégeants,

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qu'ayant enfoncé le premier, le fecond » & tiers corps de garde & le quatrieme, » & puis le refte, & ayant fait du tout » abandonner les tranchées, les chafferent jufques dans les navires, & Octavius » même se sauva à Dyrrachium où étoit Pompeius. Je n'ai point mémoire pour >> cette heure d'avoir vu aucun autre exem-, ple, où les affiégés battent en gros les » affiégeans, & gagnent la maîtrise de la » campagne; ni qu'une fortie ait tiré en

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