Imágenes de páginas
PDF
EPUB

> conféquence une pure & entiere victoire » de bataille ».

Effais de Montaigne, tom. II. liv. 2, chap. 34, pag. 488.

On fait l'époque & la naiffance de l'ordre de Calatrava. Les Templiers ayant abandonné cette ville à l'approche des Maures deux Religieux de l'Ordre de Citeaux s'offrirent de la défendre ; ce futlà l'origine & le commencement de cet ordre militaire : remarquons les choses admirables qui fe pafferent pendant ce fiege.

Un foldat en faction venoit de recevoir un coup de feu à la cuiffe gauche d'un Maure qui croyant l'avoir tué, chantoit & fautoit, & reftoit toujours à fa même place, qui étoit en-deçà de la paliffade d'un chemin couvert vis-à-vis de lui: le foldat bleffé n'ayant qu'un moufquet ordinaire, peu de poudre, manquant absolument d'autre munition, & fentant la balle qu'il venoit de recevoir roullante dans les chairs, & d'un calibre fupérieur

à fon arme, pose son moufquet dans la guerite, arrache du parapet un gros moufquet de rempart, prend fon couteau

acheve

d'ouvrir & de dilater fa bleffure, fouille dans fes chairs, & en extrait la groffe balle, charge fur le champ avec fon refte de poudre & cette balle fon nouveau moufquet, tire fur le Maure, le tue demande de nouvelles munitions & un Chirurgien, quand on le pourra, pour venir le panfer, & fur-tout la grace être relevé.

ne pas

[ocr errors]

de

Un autre foldat, auquel un des deux Religieux propofe de donner une trèsgroffe fomme, s'il veut aller volontairement s'oppofer à une efcalade qu'on avoit déja commencé de tenter, refuse la fomme, difant que ce n'eft pas fon tour, & qu'il a besoin de fommeil ; mais il ajoute à ce Religieux, que s'il veut prendre foin pour la vie, de fa femme, de fa fœur & de trois enfans en bas âge qu'il a dans la ville même de Calatrava, il n'est rien qu'il ne foit prêt à faire pour lui

marquer fa bonne volonté. Le Religieux lui promet tout ce qu'il demande, ainsi que la protection de tout fon Ordre. Sur le champ le foldat marche au lieu où fe faifoit l'efcalade, poignarde en arrivant deux Maures deja montés fur l'ouvrage, renverse l'échelle & tous ceux qu'elle portoit dans le foffé, crie, victoria, victoria, ranime quelques compagnons qui l'avoient comme abandonné, les mene à une petite porte de fecours par où ils fortent, & traversent le foffé, faifant un feu d'enfer fur tous ceux qu'il avoit précipités, ou qui fe montrent, leur donne la chaffe, & portant la terreur dans toutes les tranchées, & jufques dans l'armée des affiégeans, il va s'emparer, en faisant nombre de prifonniers fur fon paffage, de plufieurs timballes & attabales de l'autre côté du chemin couvert, & rentre dans la ville de Calatrava avec ces premiers & les plus grands trophées qu'on puiffe remporter fur les Maures.

CHAPITRE

CHAPITRE XI V.

SOLDATS ILLUSTRES DE LA NATION.

Actions de vertu & de courage de quelques Soldats François.

UN

N foldat du Régiment de Rohan, bleffé d'un coup de feu à la tête dans la campagne de 1734, quoique hors d'état de fervir par cette bleffure, demanda à refter à fes drapeaux, où il languit jusqu'en 1739, efpérant cependant toujours de guérir. Au mois de juillet de ladite année, il s'apperçut qu'un poids fort confidérable qu'il avoit toujours dans la tête depuis fa bleffure, defcendoit, & qu'à mefure qu'il defcendoit, il se trouvoit fort foulagé. Le Chirurgien Major du Corps, ceux de la garnison & celui de l'Hôpital militaire de Charleville furent appellés. On lui fit de toutes les opérations la plus

P

extraordinaire & la plus heureuse. On lui tira, par l'oreille gauche, deux balles qui faifoient ce poids énorme, & qu'on avoit oublié d'extraire dans le trépan qui lui avoit été fait. Les balles forties, on les lui montra; il s'en empara auffi-tôt, les arrachant vivement des mains des Chirurgiens, & dit: Je vais les garder bien précieufement, ce feront les premieres que je renverrai aux ennemis à la premiere occafion.

En 1741 Théodore, Roi de Corse, pour lors réfugié chez le Comte de Neuhof fon oncle, dans une de ses Commanderies de l'Ordre Teutonique en Weftphalie, près de la ville de Duffeldorp, rencontrant dans fes promenades un vieux foldat François, courbé fous le poids de fon havrefac, & fans armes, dont il fe croyoit très-inconnu, lui demanda, en fouriant, où étoit fon fufil. Sire, répondit le foldat qui avoit vu le Roi Théodore pendant la guerre de Corfe, mon fufil eft à nos drapeaux que je vais rejoindre ; je fçaurai

« AnteriorContinuar »