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>> cher un esclave pour faire ma cuisine, » que pour cultiver mon champ. Tout » cela eft vrai; j'en conviens volontiers. » J'ai appris de mon pere & d'autres per-. » sonnes vertueuses, que la parure eft le » partage des femmes, comme le travail >> eft celui des hommes; que les gens de » bien doivent plutôt afpirer à la gloire, » qu'aux richeffes; que de belles armes » font plus d'honneur, que les vêtemens » les plus magnifiques. Puifqu'ils penfent » tout autrement, qu'ils fuivent leur goût. » Qu'ils paffent leurs jours dans le vin & » dans la débauche; qu'ils finiffent leur » vie comme ils l'ont commencée; qu'ils » nous laissent à nous autres la pouffiere, » la fueur & les autres fatigues militaires, » que nous préférons à toutes leurs délices. » Mais ils n'en ufent pas de la forte. » Après qu'ils fe font plongés dans de >> honteux plaisirs, ils viennent nous en» lever les récompenfes de la vertu. Ainsi » il arrive par une injustice intolérable, » que le déréglement des mœurs & une

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» molle oifiveté, qui devroient les exclure » de toutes les places, ne leur nuifent en >> rien, & ne font funeftes qu'à la Répu» blique, en lui donnant d'indignes Chefs. » Après avoir répondu à mes envieux, » non autant que leur infame conduite le » mérite, mais autant qu'il convenoit à » mon caractere, j'ajouterai un mot fur » ce qui regarde les affaires publiques. » Avant tout Romains vous devez » attendre, avec une espece d'affurance, » un bon fuccès de la guerre de Numidie. » Vous avez écarté tous les obstacles qui >> faifoient toute la force de Jugurtha, » je veux dire, l'avarice, l'ignorance, la >> hauteur. Vous avez une armée en Afri- ' » que qui connoît parfaitement le pays, » qui a tout le courage néceffaire, mais » qui jufqu'ici n'a pas eu de bonheur ; » une grande partie des troupes a péri par > l'avarice, ou par la témérité des Com» mandants. O vous donc, qui êtes en » âge de porter les armes, venez joindre » vos efforts aux miens, & foutenir avec

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» moi l'honneur de la République : ne » vous rebutez point par l'exemple des » malheurs paffés, & ne craignez point » que vos Généraux vous traitent avec >> hauteur & avec orgueil. Après que je >> vous aurai donné les ordres, vous me » verrez dans la marche, dans le combat, » partager avec vous le travail & le péril. » Au commandement près, je ne mettrai » point de différence entre vous & moi. » Vous pouvez vous flatter qu'avec l'aide » des Dieux, la victoire, le butin, la >> gloire vous attendent, & femblent vous » inviter. Mais quand vous n'auriez pas » tous ces avantages à espérer, l'intérêt » feul de la République fuffiroit pour por » ter de bons citoyens, comme vous êtes, » à la défendre avec courage. La lâcheté » n'a exempté perfonne de la mort. Jamais » pere n'a fouhaité que fes enfans fussent » immortels, mais bien qu'ils devinssent » des hommes pleins d'honneur & de pro» bité. J'en dirois davantage, Romains, > fi les paroles pouvoient donner du cœur

» aux lâches; car pour les vaillants, je > crois en avoir dit affez ».

Salluft. Hift. Rom. tom. IX, pag. 305, 306, 307, 308, 309, 310, 311, 312, 313, 314, ·315& 316.

CHAPITRE I I.

Aux Soldats parvenus.

SOLDATS

OLDATS heureux, dont on éprouva la valeur dans la guerre, & la fidélité dans la paix ! foldats glorieux, fi le mérite seul fit votre élévation, fi vos bras & vos épées, fi votre courage & vos armes firent seuls votre destinée ! n'en soyez jamais orgueilleux; fi dans votre profpérité vous alliez user de fierté & d'arrogance, vous ne feriez plus ces bons & fideles ferviteurs que la patrie aima & couronna, vous fembleriez vous élever contr'elle vous paroîtriez abufer de fes propres récompenfes, qu'elle accorda toujours,

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moins pour des fervices paffés, qu'en vûe des fervices à venir, qu'en vûe d'un zele, d'un amour égal, d'une conftance, d'une difcipline femblables! Soldats heureux, fans le favoir, fans le vouloir, un efprit vain, l'air de préfomption & d'audace seroit une révolte, une ingratitude! Vous dont le fang ne se renouvella sans cesse que pour elle, voudriez-vous être ingrats envers elle? Habiles dans le métier de la guerre, l'expérience vous a appris, en obéiffant, ce que c'eft que de commander. Souvenez-vous d'avoir obéi, vous commanderez comme vous obéiffiez, vous aimerez autant ceux qui vous obéiffent, que vous chériffiez ceux qui vous commandoient, & ce grand art ne vous fera plus difficile: votre profeffion eft votre paffion (pour me fervir des termes de Polybe au jeune Scipion), votre profefsion eft votre unique étude, votre unique paffion! qu'elle le foit conftamment, & jufqu'à l'entiere diffolution de vous-mêmes; qu'elle éclate dans toutes vos pa

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