Imágenes de páginas
PDF
EPUB

roles, comme dans toutes vos actions. Plus on a mérité de la patrie, plus on lui doit, & le refte de ses jours & la derniere goutte de fon fang. L'inftant où l'on obtient des honneurs & des récompenfes, eft le dernier & le plus indiffoluble des liens ; l'ingrat, l'infidele seul a a pu le rompre, fon courage hipocrite, fa fauffe vertu le déshonorent, & le replongent dans fon premier néant femblable au foldat d'Antigonus (1), qui, guéri d'une maladie,

(1) « L'ancien Caton répondit un jour à quel» ques-uns, qui haut-louoyent un personnage hafardeux outre mefure, & hardi fans discrétion

aux périls de la guerre, qu'il y avoit grande » différence entre eftimer beaucoup la vertu & >> peu fa vie : qui fut fagement dit à lui :. & à ce » propos on raconte que le Roi Antigonus avoit >> à son service un foudard, entr'autres fort avan»tureux mais au demeurant, mal fain de fa perfonne, & gâté dedans le corps. Le Roi lui » demanda un jour d'où procédoit qu'il étoit » ainfi pâle, & avoit fi mauvaise couleur. Le » foudard lui confeffa, que c'étoit pour une ma

כל

perd

perd toute fa valeur; il n'est plus, comme lui, qu'un être inutile & méprifable. Malheur aux foldats couronnés, difoit un Lacédémonien, malheur à ces guerriers parvenus qui flétriffent dans la paresse, ou par la tiédeur, les lauriers dont on

[ocr errors]

» ladie fecrette, qu'il ne lui osoit bonnement » déclarer. Quoi entendu, le Roi commanda expreffément à fes Médecins & Chirurgiens qu'ils >> avifaffent que c'étoit, s'il y avoit aucun moyen » de le guérir, qu'ils y employaffent toute la dili » gence qu'il leur feroit poffible à le bien panfer, » comme ils firent : tellement que le foudard recou » vra fa fanté : mais guéri qu'il fût, il ne fe montra » plus fi gentil compagnon, ne fi avantureux aux » dangers de la guerre, comme il faisoit aupara→vant: de maniere qu'Antigonus même s'en étant » apperçu, l'en reprit un jour, en lui difant qu'il » s'émerveilloit fort de voir un fi grand change» ment en lui: dont le foudard ne lui céla point » l'occafion ains lui dit, vous m'avez, Sire, » vous-même rendu moins hardi que je n'étois, » en me faisant panser & guérir des maux pour lefquels je ne tenoye conte de ma vie ».

[ocr errors]

,

Plutarq, in Pelopidas, pag. 179.

C

ceignit leurs fronts pour lors glorieux ; ils ceffent de l'être par l'oubli monftrueux de la récompense, & par celui de la patrie ! Qu'on n'hésite point à les retrancher du nombre des citoyens.

La preuve d'un mérite conftant & d'un vrai courage, eft de ne fe laiffer ni élever par les bons fuccès, ni abattre par les mauvais, de résister fur-tout à l'orgueil que la profpérité souvent inspire, & enfin de redouter alors plus que jamais le repos & la molleffe, qui ne font que trop inféparables du bonheur. Défenfeurs de l'Etat, foldats heureux, dignes & vaillants athletes, bien loin que l'inaction, la tiédeur & l'indigne amour du repos puiffent vous corrompre, le feu de votre courage, on n'en fauroit douter, fe ranimera dans le sein du bonheur même par celui de la reconnoiffance; vous redoublerez, s'il eft poffible, de volonté, de vigueur & d'activité; vous porterez plus que jamais dans toutes vos fonctions, dans tous les fervices, dans tous les dangers, cette gé

nérofité, cette grandeur d'ame & cette bravoure qui vous diftinguerent; le souve-. nir de la récompense s'y joindra, les aug mentera! Que ne peut fur des cœurs comme les vôtres l'éternelle mémoire des. bienfaits! Soldats heureux, voici l'action remarquable d'un de vos pareils, & la réponse mémorable qu'il fit à fon Général; la plus célebre antiquité n'a pas de plus grand exemple: Ce foldat heureux fe nommoit Prudhomme, il étoit devenu Officier au Régiment du ColonelGénéral de la Cavalerie. M. le Vicomte de Turenne lui donne un détachement de foixante hommes dans le pays de Heffe; ce détachement avoit pour objet l'enlevement des farines, & l'incendie des fourrages de l'ennemi. Prudhomme part, brûle tous les magasins, enleve & mene bien plus de farines qu'on n'en attendoit, trente prifonniers, dont quatre Officiers, cent chevaux de trait ou de cavalerie, & deux efpions, qui, avoir la vie fauve, lui apprennent,

pour

chemin faifant, une marche de l'ennemi la nuit fuivante, & un dépôt d'armes dans les fépulchres ou catacombes d'une église Luthérienne, que Prudhomme va fouiller fur le champ, & dont il enleve deux mille fufils. Prudhomme rend compte de tous ces prodiges à M. de Turenne, qui lui dit avec tranfport: Brave homme, demandez tout ce que vous voudrez; quelle récompense voulez-vous ? je ne puis vous en refufer aucune. Comment avez - vous pu faire tant de merveilles avec fi peu de monde, & en fi peu de tems? Mon Général, répond Prudhomme, en me fouvenant qu'on m'avoit fait Officier, fans l'avoir prefque mérité, il a bien fallu effayer de m'en rendre digne. M. de Turenne l'embraffa, & lui renouvella fa promesse des plus grandes récompenfes. Prudhomme n'eut le tems d'en recevoir aucune, il fut tué quatre jours après aux environs de Caffel. M. le Vicomte de Turenne le pleura, fit prendre foin de fa veuve & de fes enfans, & ne ceffa le reste de sa

« AnteriorContinuar »