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parade ( à blanc). Un foldat, homme trèseftimable, & hors du fervice, lui dit avec respect, & comme en badinant, que rien ne figuroit plus mal que la tête blanche & l'eftomach creux, & qu'il lui paroisoit fâcheux de mettre toute la fleur du froment fur la tête, n'ayant que le fon dans le corps. Le bas-Officier, loin d'en rire, loin de s'attendrir même d'un propos qui n'avoit rien de rebelle, mais très-fage au contraire & fort intéreffant, s'emporta jusqu'à ofer frapper le foldat, qui ne répliqua plus, qui ne se plaignit pas même, penfant qu'en pareil cas, le feul déshonoré eft celui qui frappe. Les Supérieurs, inftruits de cette double barbarie, cafferent le bas-Officier, & bien-tôt après le renvoyerent.

Portez, rendez les ordres que vous recevez dans leur plus grande netteté, à la lettre, dans la précision la plus exacte, & quels qu'ils puiffent être, rendez-les d'une façon à les faire respecter; gardezvous de les jamais trouver & montrer

comme durs, ou extraordinaires; trouvezles toujours convenables, nécessaires & à propos; applaudiffez, on applaudira; obéiffez, on obéira: on n'a vu que trop fouvent rire ou murmurer dans les chambrées des ordres qu'on y portoit, & à la honte de quelques bas-Officiers, on n'en a vu que trop fouvent profaner ce moment augufte par le confentement criminel qu'ils y donnoient, peut-être même par leurs propres rifées.

Cachez les fautes légeres de vos compagnons autant que vous le pourrez, pourvu que le fervice du Roi n'en fouffre point; fouvent une femonce douce & fecrette fait plus d'effet que le châtiment encouru, & ces petites graces vous gagneront le cœur des foldats. Quand pour l'exactitude & le bien du fervice, vous ferez forcés de les reveler & d'en rendre compte, diminuez-les tant que vous le pourrez, fans altérer le vrai, & fans trop vouloir excufer, vos Supérieurs vous fauront toujours gré de ne vouloir nuire, pourvu que vous foyez fideles.

pas

Ne faites que les rapports d'ufage & de votre ministere; & fur le chapitre de la plainte, n'allez jamais au-delà de votre devoir, à moins que ce ne fût pour quelque cas grave, dont les Chefs duffent être néceffairement inftruits. Votre fonction eft

de rendre compte, & de ne jamais fervir la paffion des Supérieurs, qui pourroient être coleres, méfiants ou foupçonneux.

S'il étoit poffible qu'aucun d'eux vous méprisât affez pour vous croire capables de rapports & d'efpionage, qu'il vous chargeât d'éclairer la conduite de vos autres Supérieurs, de vos égaux ou des inférieurs qui ne vous font point confiés, refusez promptement avec respect & noblesse, ajoutez même vous le pouvez, que l'ambition ne vous portera jamais à parvenir par des moyens bas & honteux.

N'ayez jamais celle de vous élever aux dépens des autres par la médifance & par la calomnie; vous vous égareriez du chemin de l'honneur & de la vertu. Méritez 'les grades, fans les envier à vos concur

rens; évitant cet écueil honteux, vous y arriverez, & vous en ferez dignes; l'envie, la jaloufie, en vous rendant injuftes, pourroient vous en éloigner; l'honneur & l'émulation vous les affurent.

Soldats intermédiaires, vous êtes précifément dans nos troupes ce qu'étoient autrefois dans les armées Romaines, les vétérans, & les Chefs conducteurs des manipules; votre ordre, votre ministere est le même; vous tenez le même rang parmi nous, vos fonctions font également importantes, & acceffoires à tout le détail du fervice; vous en tenez, vous en embraffez les innombrables branches; vous êtes comme eux les premiers moteurs, les inftrumens journaliers & toujours actuels, les vrais confervateurs de la difcipline, les véritables gardiens des loix & de toutes les conftitutions militaires.

Servatores difciplinæ, cuftodes rei militaris, veterani, & manipulorum Duces.

Faites-vous refpecter de vos compa

gnons, ils vous aimeront fans vous craindre, ou leur crainte fera celle de l'amour ; fréquentez-les fans habitude & fans orgueil; ayez toujours avec eux (ce qu'il eft fi facile & fi néceffaire d'allier) le ton de Supérieur & celui de camarade, hors du fervice, comme dans le commande

ment.

Quoiqu'il n'y ait jamais que la guerre & les combats effectifs qui faffent les hommes guerriers, les vrais foldats, exercez les vôtres à tous les travaux militaires, & parmi les images des combats; ne leur demandez jamais dans ces exercices (autant qu'il pourra dépendre de vous) que ce qu'ils devront faire un jour devant l'ennemi: d'ailleurs obéiffez, c'eft votre premiere loi, & la plus sûre leçon que vous puiffiez faire à ceux qui vous obéissent ; montrez la plus grande activité & le plus grand zele pour tous les exercices & pour l'exécution de tous les ordres en général; n'en interprétez jamais aucun, demandez toujours l'explication de ceux que vous

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