Imágenes de páginas
PDF
EPUB

1

pourriez ne pas entendre ; que votre conduite foit en tout l'exemple de la volonté & de la foumiffion la plus parfaite; ménagez dans ces exercices, comme dans tous les momens, vos anciens compagnons; foyez patients & indulgents pour les nouveaux ; c'est particulierement à vous à plaindre, à confoler, à dédommager les uns; à fecourir, à encourager les autres; à leur montrer tout facile, tout honorable, tout beau; à les endurcir aux peines, aux fatigues; à les rendre propres à foutenir tous les travaux fans plainte & fans murmure, fouples & dociles aux loix de la discipline, toujours contents & joyeux, & toujours déterminés à vaincre, ou à mourir dans le combat; c'eft à vous principalement à leur dire & à les convaincre, que périr les armes à la main, fur un champ de bataille, au milieu des ennemis, eft la fin la plus douce & la façon de fortir de ce monde la plus heureuse, comme la plus glorieuse.

<< La mort eft plus abjecte, plus lan◄

guiffante & plus pénible dans un lit » qu'en un combat: les fievres & les >> cauteres, autant douloureux & mortels qu'une harquebuzade; qui feroit fait à » porter valeureufement les accidents de » la vie commune, n'auroit point à groffir >> fon courage pour se rendre gendarme ».

Effais de Montaigne.

C'est à vous à conferver & à former des hommes, des foldats dignes de votre patrie & de vous; c'eft à vous à leur арprendre & à leur montrer un jour, par votre propre exemple, qu'il n'eft point de barrieres que la vertu ne force, & qu'elle fe fait rendre tôt ou tard, indépendamment des races & de la naiffance, les honneurs qui lui font dus.

CHAPITRE V.

Aux Officiers.

COMPAGNONS

,

OMPAGNONS des foldats ! foldats d'un autre grade, quelque élevé qu'il foit, n'oubliez jamais ce titre honorable; il est votre effence; honorez, chériffez vos compagnons d'armes, vos patriotes, vos vrais amis; ils font tous vos camarades, & dignes de l'être par tous les facrifices qu'ils ont fait comme vous, avec vous & plus que vous; conciliezvous leurs efprits, & gagnez leurs cœurs par des manieres douces, honnêtes & prévenantes. On ne peut pas faire du bien, le même bien à tous, mais on peut témoigner de la bonté à tous. C'est une monnoie, dit un ancien, dont plufieurs Se contentent, & qui n'épuife point les tréfors de l'Officier, ni du Général. Traitez-les avec politeffe, faites valoir leurs

fervices,

fervices, relevez leurs belles actions, comblez-les de préfents, & toujours de louanges (fi fouvent au-deffus des préfents); affaifonnez vos reprimandes mêmes d'un air de bonté & de cordialité. Ce ton les temperera, les rendra aimables; l'effet n'en fçauroit être douteux. Tous les ménagemens de l'amitié s'allient avec la nobleffe & la dignité du commandement; ils font plus, ils l'assurent, ils l'embéliffent. L'air de dureté, de fierté, le rendent insupportable. Compagnons des foldats qui que vous foyez, voici le plus grand modele ; écoutez, imitez Scipion. Sa bonté éclatoit jusques dans les châtimens ; il ne les employa qu'une fois & bien malgré lui; ce fut dans la fédition de Sucrone, qui demandoit néceffairement qu'on en fît un exemple. Il avoit cru, dit-il, s'arracher à lui-même fes entrailles, lorfqu'il fe vit obligé d'expier par la mort de trente hommes la faute de huit mille.

Tum fe haud fecùs quàm viscera fecan

E

tem fua, cum gemitu & lacrymis triginta hominum capitibus expiaffe octo millium feu imprudentiam, feu noxam.

Capitol. lib. 8, no. 32.

Céfar étoit doux & affable, mais ferme & févére; la neuvième légion s'étant mutinée auprès de Plaifance, il la caffa, plein de douleur, mais avec ignominie. Comment. de César ( 2 ).

Soyez juftes. L'exercice de la juftice eft proprement la fonction de ceux qui font conftitués en dignité & en autorité; c'eft par elle feule qu'on peut être digne de commander aux hommes ; c'eft par cette vertu c'est à proportion du zele pour la juftice, que les peuples, les nations regarderent comme leurs protecteurs & leurs peres, ou comme leurs

*( 1 ) Les Commentaires de Célar devroient être le breviaire de tout homme de guerre, comme étant le vrai & fouverain patron de l'art militaire. Effais de Montaigne.

« AnteriorContinuar »