ont fait vous éclairera plus sûrement dans vos études militaires. Ecoutez-les furtout, ils vous aimeront, ils s'attacheront à vous, & vous verrez tout ce qu'on peut en apprendre. N'allez point, en commençant votre carriere, prendre le ton du fçavoir & de la décision. Scuffiez - vous quelque chofe (ce qui eft hors de toute vraisemblance), l'air de fuffifance à votre âge vous couvriroit d'un ridicule qui fans doute ne s'effaceroit jamais; il vous feroit auffi funefte, qu'il feroit effectivement rifible. M. le Vicomte de Turenne, que la feule fimplicité d'air & de caracteré prévinrent toujours, & qui déteftoit à l'excès l'air d'audace & d'effronterie, même à tout âge, disoit un jour, parlant d'un de ces jeunes arrogants: Nous allons entendre un jeune Officier qui vient de voir un camp de paix; vous verrez, ajoutoit-il, qu'il va mieux parler guerre que nous. En effet on ne voit que trop de jeunes militaires bouffis d'un petit orgueil & d'un air d'importance & de capacité, qui prêteroient

à rire, fi on ne gémiffoit avec raison fur ce qu'ils vont devenir; car cette petite espece est désespérée, elle est perdue à jamais; cela doit être, elle est par trop fuffifante & par trop ignorante. Pourroiton compter un jour fur des écoliers indociles & vains (par la feule raison qu'ils font incapables)? Non, ils le feront de plus en plus ; le vuide & la feule préfomption s'accroîtront journellement en eux. On a dû le remarquer de tout tems, un caractere de modeftie, un air doux avec tout le monde, & refpectueux pour les anciens, une envie demefurée de s’instruire avec eux, la plus intime persuasion de ne rien sçavòir, l'application, le recueillement, la fageffe, ont toujours dé· célé les vrais talents, & toujours annoncé des militaires d'espérance : tout ce qui n'a pas eu ce caractere, s'il est resté dans le métier, y a croupi dans la médiocrité la plus obfcure, dans une efpece de néant; je finis par ces deux exemples.

Deux jeunes Officiers arrivent en mê

me tems dans le même corps, tous deux, en apparence, avec la même envie de réuffir & de plaire. Leur fuccès fut pourtant bien différent. L'un recherchant l'amitié générale du corps, s'attache plus particuliérement à ces hommes d'expérience (fi précieux dans tous les corps), avec lefquels il ne ceffe de s'inftruire de tous fes devoirs ; on les lui voit remplir tous avec zele, avec cette fi heureuse méfiance de foi-même, & toujours dans' la crainte de faire moins bien que fes égaux, que fes jeunes compagnons, qu'il aime, mais qu'il fçait éviter quelquefois. Plein de déférence & de refpect pour l'âge & pour les Chefs, on ne voit en lui qu'un efprit de foumiffion & d'obéiffance; il parle peu, il queftionne difcrétement fans importunité, fe renferme & travaille ; quelques années s'écoulent; voilà un fujet qui fe montre il perce, & arrive infenfiblement aux premieres places.

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L'autre croit fort au-deffous de lui de

marcher fur les mêmes traces, il tient

une conduite totalement différente; oifif & pareffeux, il commence par fe lier avec les jeunes gens de fon âge, & les plus diffipés; il ofe avec eux fronder, murmurer trouver des ridicules à tout le

monde, fur-tout aux anciens; il n'épargne pas fes propres Chefs, il s'en éloigne il les fuit, il leur rend peu ; & quand le devoir l'y force, rien n'est moins docile, rien n'est plus altier & hautain avec eux; il dispute fans raison, fans égard, il ne cede point, il a le ton moqueur, il rit, il décide, il parle volontiers de lui, de fa naiffance (qui ne fçauroit être plus ordinaire), de fa fortuné, en un mot, de tout ce qui exifte & ne peut exifter que dans fa petite & folle imagination. Qu'arrive-t-il enfin? Ce petit être ignorant & revêche devient insupportable à tout le corps, on le mortifie journellement, mais inutilement; on l'abandonne. Le voilà fans efpoir d'avancement. S'il ne fort point de fon corps, du moins il ne

fortira

fortira jamais de fon grade. Quelle honte! quels exemples! quelle leçon !

Jeunes Officiers, tendres éleves, la profeffion que vous commencez n'eft plus qu'un métier infupportable & fans gloire, quand il n'a pour base & jusqu'à la fin l'étude, le zele & l'obéiffance, quand l'autorité du commandement n'est pas regardée comme inviolable & facrée, & lorfqu'enfin la discipline militaire & les ordres fupérieurs ne font pas toujours refpectés comme des oracles: écoutez pour la derniere fois le fameux Dictateur Papirius Curfor, lorfqu'il cite Fabius, maître de la Cavalerie, à fon tribunal, & veut. le faire mourir, parce que pendant son absence il a combattu, malgré fa défense, & quoiqu'il ait remporté une illuftre victoire, citant l'exemple de Manlius, & la tendreffe paternelle facrifiée à l'Etat, & s'autorisant encore du fupplice que Brutus, fondateur de la République, avoit fait fouffrir à fes deux enfans; écoutez: