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autre intention, que celle d'avoir le plaifir de la promenade, mais la mienne étoit de bien connoître ce Port & d'en tirer le plan, ce · que je fis. J'y ramaffai divers coquillages, qui me parurent beaux & rares; mais ce qui me furprit, fut de voir dans ce Port des champignons petrifiés, des épon ges petrifiées, des herbes & des arbriseaux avec leurs racines, tellement endurcis par un fuc lapidifique, que la nature & l'art fe font fervis de ces petrifications comme de materiaux, pour former ce Port & fon Mole.

Je crois, mon R. Pere, que vous verrez avec plaifir ces productions curieufes de la nature. J'ai fait un choix des plus belles. A mon retour au Caire j'en remplirai une caifle, & j'y joindrai ces jolis coquillages qu'on appelle en ce Pays des Ourfins, on

en fait des tabatieres, dans lef quelles le tabac fe conserve, diton, très-fraichement.

J'ai trouvé differentes efpeces d'Idoles, que les Egyptiens adoroient comme autant de Divinités. Les plus communes font des figures d'Ifis & d'Ofiris; ils en mettoient dans les Sepulchres, vous en trouverez de toutes fa çons dans la caiffe que j'aurai l'honneur de vous envoyer, avec un fac de Médaille, dont on m'a fait prefent. Je laiffe à Meffieurs de l'Académie des Sciences à vous donner l'explication des Jerogliphes, dont ces figures font couvertes; ils verront de plus avec curiofité un vase d'airain en forme de benitier, qui fera dans la même caiffe, il eft pareillement couvert de figures qui y font gravées, & dont l'explication demande une grande connoiffance

de l'Antiquité Egyptienne.

Je fouhaite, mon R. Pere, que tout ce qui fera contenu dans cette caifle arrive à bon port, & vous foit agréable.

Du Port de Tour nous allâmes à Sués, je cueilli fur notre route des herbes, qui me parûrent fingulicres, je fuis perfuadé qu'elles ont toutes des vertus fpécifiques; mais il s'agit de les connoître.

Nous ne pûmes aller jufqu'à la ville d'Ariongaber, tout ce que nous pûmes faire, fut d'interroger des Arabes, qui ont un commerce continuel avec cette ville, & d'apprendre d'eux fa fituation, & tout ce que les tems y ont confervé: l'Hiftorien Joseph prétend qu'un des Prolomées Roi d'Egypte, avoit nommé cette ville Berenice, mais les Arabes lui donnent celui de Minet & Iddahad, qui veut dire le Port de l'or;

ce

h ce nom convient à l'ancienne tradition, qui eft que cette Ville étoit autre-fois l'Arcenac des flo. tes de Salomon,lefquelles étoient destinées pour aller chercher de

l'or à Ophir.

"

En chemin faisant nous paffames par un vallon, où nous fumes agréablement furpris d'y voir une cascade naturelle d'une eau très claire, qui fe précipite du haut de plufieurs rochers dans une vaste prérie, & qui eft reçue dans deux larges baffins de granit, qui en font continuellement remplis, & dont le fuperflu fe perd dans une ver dure, qui les environne : cette cafcade feroit honneur dans les plus beaux jardins de France.

Sortant de cette belle prérie, nous entrâmes dans des terres pleines de mines de talc, d'albatre & de fel; nous y vîmes auffi

C

deux grands bains d'eau chaude & minerale, où l'on vient de fort loin pour s'y baignér. Tout ce Pays eft fertile en toutes fortes de gibiers; les Arabes nous appor terent des Gazelles & des Martres fans queue, qu'on appelle Oubers.

Je parlerai plus au long dans mes Mémoires, de tout ce que je ne fais ici que toucher.

Je finis cette Lettre, mon R. Pere, en vous repétant, que la feule vue des côtes de la Mer Rouge confirme la démonftration du chemin, que les Ifraëlites ont dû nécessairement tenir pour paffer cette Mer de la maniere,, que nous l'avons dit.

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J'ai eu l'avantage d'avoir pour témoin de mes obfervations Mr Chaudevin, gendre de Mr le Maire notre digne Conful. Comme il a un grand ufage de tout

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