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C'étoit un Sçavant vénérable,

Qui vivoit, dit-on, retiré

Dans un lieu de tout temps aux Muses confacré.
Ce lieu devint plus cher aux Filles de Mémoire,
Quand Achille l'eut habité.

Le double Mont fut prefque déferté.
Toutes fe difputoient la gloire

D'inftruire un fi cher Nourriffon,

Jaloufes de l'emploi qu'on donnoit à Chiron.

Ainfi Thétis jugeoit avec prudence
Qu'il faut que la science

S'uniffe à la valeur

Pour former d'un Héros & l'efprit & le cœur.

נו

LE CORBEAU

ET LE RENARD.

FABLE I I.

C'Eft toi feul que j'invoque, illuftre LA FON

TAINE,

Quand je remets après toi fur la fcêne Compére le Renard avec maître Corbeau. Sans le fecours de ton génie

Comment pourroient-ils plaire? En vain dans mon

cerveau

Je chercherois un tour nouveau.
C'est par la divine harmonie,

L'enjoûment de ton stile & sa naïveté

Qu'un Lecteur peut être enchanté.

Voilà le charme de la fable;

C'est par-là que ton livre aimable,
Egaïant la moralité,

Sera toujours chéri de la postérité.

Mais comment marcher fur tes traces,

Me dira-t-on, fi ce n'eft de bien loin?

Auffi j'ai feulement befoin

De quelques-unes de tes graces.
C'en eft affez pour orner mes écrits.
Inspire-moi dans cet Ouvrage :

Mes vers plairont. C'est à ce prix
Que les neuf Sœurs m'ont promis leur fufrage.
MAÎTRE Corbeau voïant maître Renard,
Qui portoit un morceau de lard,

Lui dit: Que tiens-tu là, compére?
A mon avis c'est un très-mauvais plat.
Je te croïois le goût plus délicat.

Quand tu peux faire bonne chére,

T'en tenir à du lard ! Tu n'es qu'un pauvre haire.
Regarde près d'ici ces poules, ces canards.
Voilà le vrai gibier de Meffieurs les Renards.
As-tu donc oublié ton antique proüeffe ?

Je t'ai vu cependant jadis un maître escroc.
Croi-moi, laiffe ton lard : ces poules te font hoc,
Si tu veux emploïer le quart de ton adreffe.
Maître Renard ainfi flaté,

Comme un autre animal fenfible à la loüange,

Met bas fa proïe, & prend le change :

Mais fa fineffe & fon agilité

Ne fervirent de rien : car la gent volatile
Gagna le Poulailler, fon ordinaire azile.

Nôtre Renard retourne à fon prémier morceau :

Mais il fut bien honteux de voir maître Corbeau

Qui le mangeoit, perché fur le branchage
D'un arbre fec, & qui lui dit : Ami,

A trompeur trompeur & demi.

Te fouvient-il de ce fromage

Que tu m'efcroquas l'autre jour ?

Je fus un fot alors ; & tu l'es à ton tour.

LA PERDRIX,

LA CAILLE ET LA CORNEILLE.

FABLE

I I I.

CErtaine Perdrix ingénuë

Dit à la Caille au Printemps revenuë:
Pourquoi quiter vôtre lointain féjour?

Vous n'y penfez pas, ma commére.

Ne vous fouvient-il plus de l'extrême misére
Où nous réduit ici l'Autour?

Inquiétudes éternelles !

Rien ne peut nous fauver de fes ferres cruelles.

L'Homme nous fait la chaffe ; & pour comble de

maux,

La nuit il nous tend des réseaux.

Que ne puis-je quitter cette maudite terre,
Et paffer les mers comme vous !

guerre

La Caille répondit : Tout doux.
Vous auriez tort ; & l'on nous fait la
Aux climats d'où je viens du moins autant qu'ici.
On n'y voit qu'Eperviers. L'air en est obscurci.
Ils règnent en tous lieux. C'est ce qui me désole.
Le tems heureux n'eft plus. Ma mére m'a conté
Que ces cruels oifeaux n'ont pas toujours été.
Abus, & vôtre mére eft fole,

Reprit une Corneille écoutant ce difcours.
J'ai vêcu trois cens ans ; & j'en ai vû toujours.
Rien ne change dans la Nature.

De tout temps la Brebis du Loup fut la pâture.

Dès qu'il fut des Perdrix, on a vû des Autours,

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