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L'AIGL E,

ET LE VAUTOUR.

FABLE

XIV.

N jour l'Oifeau de Jupiter,

UN

Cotoïant les bords de la mer,

Fit rencontre d'une huitre. Il l'auroit dévorée

Très-volontiers: mais l'huitre tenoit bon Contre les coups de bec, & fe tenoit ferrée Sans vouloir ouvrir fa maison.

Toute huitre qu'elle étoit, elle avoit bien raison.
Il ne faut point chez nous donner entrée
A gens pareils. L'Aigle ne fçavoit plus
Comment s'y prendre. Après maints efforts fuperflus,
Il confulta fur cette afaire

Un Docteur du canton : c'étoit un vieux Vautour,
Maître gonin, qui fçavoit plus d'un tour.
Ouvrir l'huitre, Seigneur, est chose aisée à faire,
Répondit le fubtil efcroc.

Faites-la tomber fur un roc,

Mais de bien haut: voilà tout le mistére.
L'Aigle le croit. Il vole au haut des cieux

Sans fe douter de la furprise,

Laiffe tomber l'écaille, qui se brife, Et fait voir en s'ouvrant un mets délicieux.

Mais d'en tâter qui des deux eut la joïe? Ce fut nôtre Larron. Il fondit fur la proïe

Dans le moment; & l'Aigle de retour Vit qu'il avoit ouvert l'huitre pour le Vautour. журби

L'efcroc à nos dépens cherche à faire ripaille. Défions-nous de fes avis:

Car fi fes confeils font fuivis,

Pour lui nous ouvrirons l'écaille.

LE

SINGE,

ET LE PER ROQUET

FABLE

X V.

UN Singe étoit jaloux de certain Perroquet,

L'objet de la tendresse

De fon Maître & de fa Maîtreffe.
Je ne voi pas, dit Bertrand, le fujet
Pourquoi l'on te careffe.

Nourri de mets friands, tu n'as point d'autre nom
Que Petit fils, ou Perroquet mignon.

Moi, jouet des Laquais, j'ai des coups d'étriviéres.
Avec moi ces Meffieurs ont d'étranges maniéres.
Amusez-les, fervez-leur de boufon :
On vous païe à coups de bâton.

Les Animaux, qu'on nomme raisonnables,
Devroient du moins refpecter leurs femblables.
J'ai de leur air affurément.

Qui pourroit le nier? Malheureux garnement!
Répond le Perroquet, ta plainte eft ridicule.
L'homme peut à coup für t'étriller fans fcrupule.
Tu l'as toujours trop mérité.

Croire lui reffembler eft une extravagance.

Tu n'as que la malice & la diformité

De quelques-uns d'entr'eux : la belle reffemblance!
C'est moi qui lui reffemble & par le beau côté.
Je parle comme lui. La voix eft l'interpréte
De fa raison, son plus bel ornement.
Ne t'étonne donc plus, ami, fi l'on me traite
Avec tant de ménagement.

Le Singe ne fut pas content du compliment.
Maudit caufeur! dit-il, dont le babil afsomme,
Tu parles,il eft vrai, mais non pas comme l'homme.
Penfes-tu que l'on faffe cas

De ces vaines fornettes,
Que fans ceffe tu nous répètes,
Et que toi-même n'entens pas ?

Sur fes défauts chacun fe flate.
On ne voit bien que ceux d'autrui.
Tel fe croit un fecond Socrate,

Pour être chauve comme lui,

!

L'A VAR E.

FABLE

XV I.

pour l'Avare;

L'or eft fans couleur

Et fon plaifir eft fans doute bizarre

D'entaffer écus fur écus,

Qui lui font affez fuperflus.

Ce métal n'eft un avantage
Que pour celui qui fçait en faire ufage.

UN Homme avoit au fond de fon apartement
Un cofre rempli d'or, meuble fort inutile :
Il n'ofoit y toucher, & l'ouvroit rarement.
Quoiqu'il fût foupçonneux, cependant cet afile,
De plus le cofre bien ferré

Le raffuroient: mais certain fils madré

Lui joua d'un tour d'homme habile.

Mon père, difoit-il, est esclave de l'or.
Au lieu de s'en fervir, le bonhomme l'enterre.
Emparons-nous de fon tréfor.

Ce fils étoit homme de guerre,
Aimant le faste, & n'aïant pas un fou:

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