Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Croi-moi, tu ferois mieux de labourer la terre
Que d'aler là chercher la mort;

Et qui périt a toujours tort.
Vil animal, lui dit le Bucéphale,

Un auffi lâche sentiment

Eft bien digne de toi, qui dans un bourbier fale
Paffes tes jours honteusement.
Manger, dormir, & te veautrer en fomme
Jufqu'au moment que l'on t'affomme,

Voilà ce que tu fais. Tu ne vis qu'à moitié ;
Et c'eft ton fort qui fait pitié.

Pour moi, je partage avec l'Homme
Et fes travaux, & fes lauriers:

Car c'est par mon fecours que les plus grands guer

riers

Remportent fouvent la victoire.

Adieu, l'on ne meurt point, quand on meurt avec gloire.

LA LUNETTE.

FABLE X X.

UN Aftrologue en un fixième étage

Etoit logé fuivant l'usage.

Un Rat gîtoit auprès, deux fortes d'animaux
Souvent voifins & même commenfaux.
Un matin celui-cy fortant de fa taniére,

Trouve dans la goutiére,

Où la nuit l'Aftrologue aloit prendre le frais,
Une Lunette claire & belle.

Il en veut faire effai, chofe affez naturelle:
Un Rat eft curieux comme un Homme, à peu près.
Il lorgne donc ; & la prémiére image

Qui s'offrit à fes yeux, ce fut celle d'un Chat.
Il le crut à deux pas. A l'instant nôtre Rat
Fuit dans un trou du voisinage.

Y refter étoit le plus für:

Mais s'ennuïant bien-tôt dans fon manoir obscur,

Il met la tête à la fenêtre,

Et ne voïant aucun Matou paroître,

S'enhardit, fait cinq ou fix pas,

Retrouve la Lunette; & transporté de joïe,

Oui, dit-il, le Ciel me l'envoïe:

C'est un préfent des Dieux. Je fais la nique aux

Chats

Avec cette machine; & je veux tout à l'heure
La transporter en ma demeure.

Mais par précaution il faut avoir le foin
De regarder encor, fi nul Chat ne nous guête.
Alors imprudemment aïant pris la Lunette

Par l'autre bout, il voit, mais de fort loin, Son ennemi. Le Rat fe crut en affurance,

Et s'en moqua, bien loin d'en avoir peur. Voïez-vous, difoit-il, cette humble contenance?

ᎪᏂ que je plains les Rats fans connoiffance, Qui n'ont pas obfervé comme moi l'Imposteur! Le Matou cependant, plus proche qu'il ne penfe, prouva qu'il étoit lui-même fans prudence,

Lui

Et de plus un mauvais railleur.

Souvent ce qui peut être utile,

S'il tombe entre les mains d'un homme malhabile,

Ne fert qu'à hâter son malheur.

LIVRE TROISIEME.

L'ABEILLE

ET LA FAUVETTE.

FABLE

I.

A République, à mon fens, eft femblable

A ces parterres, dont les fleurs

De diverses couleurs

Forment un émail agréable.

Les uns font d'illuftres Guerriers.

D'autres fçavent chanter les Héros, la victoire.
D'Oby* dans le Barreau cueilloit d'autres lauriers:
Par des fentiers divers chacun court à la gloire.
Ici l'humble Artifan dans fon obfcurité,
Mais pourtant néceffaire, à fon travail s'aplique.
C'est dans cette variété

De Sciences & d'Arts que toute République

• Feu M, d'Oby, Avocat General au Grand Confeil.

Trouve fon agrément & fon utilité.

UNE Abeille du mont Hymette',

Rendant vifite aux fleurs, rencontre en fon chemin
Sous des ombrages verds une jeune Fauvette,
Qui joïeufe chantoit fans foin du lendemain.
En paffant nôtre Ménagére,

Sans fe laiffer toucher par des accens fi doux,
Lui dit : Vraiment le Monde a bien afaire
De fainéantes comme vous.

Tous les jours de vos chants vous laffez nos oreilles:
Beau talent, pour mourir de faim!

Atendez-vous à ce deftin,

Trop ordinaire à vos pareilles.

Mais foïez déformais plus fage, croïez-moi,
Travaillez, & laiffez un inutile emploi.

Eft-ce donc pour toi que je chante,
Dit la Fauvette mécontente
De fes pédantefques leçons?

Je te connois trop ignorante.

Va, paffe ton chemin : car je hais les fermons. Mon enjoûment vaut mieux que ta fombre sagesse. En vain tu veux le contefter.

Mes chanfons en tous lieux répandent l'alégreffe,

« AnteriorContinuar »