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LETTRE

turs, & la certitude que tout obéit
également à Dieu; qu'il n'arrive xiv.
que ce qu'il lui plaît, & que la ré-
fiftance des hommes eft un moyen
qu'il choifit pour accomplir les def-
feins mêmes qu'ils combattent. On
ne peut trop fe le dire, parce que
l'on ne le croira jamais affez. Nous
ne pouvons honorer Dieu, qu'en
refpectant fon fuprême pouvoir, fa
fageffe infinie, & l'attention de fa
bonté fur fon Eglife & fur nous.
Sans une ferme foi, on ne fçait plus
fi l'on efpere,ou fi l'on aime. On ne
voit qu'incertitudes & ténebres;
& au milieu des éxercices les plus
faints, on fent que tous les princi-
pes de la Religion font ébranlez.
L'épreuve alors qui affermit les fi-
déles, renverse ceux qui n'ont pas
bâti fur la pierre. Elle n'eft trop
violente, qu'à caufe de notre foi-
bleffe ; & nous ne fommes foibles,
que parce que nous manquons dè
foi. Dieu fe manifeftera quand il
lui plaira.Il en connoît le moment,
& rien ne peut le retarder. Mais
Tome IX.

F

LITTRE

1

c'eft dans l'intervalle, c'e ftpendant XIV. fon filence qu'il faut l'attendre. La foi des Juifs ne duroit jamais jusqu'à la manifeftation. Le besoin attiroit le murmure, & jamais la patience & la foi. Cependant Dieu étoit toujours attentif au besoin ; mais attentif en Dien, c'est-à-dire, en maître absolu du fecours, & de la maniere dont il vouloit secourir. Phit à Dieu qu'avec toutes nos lumieres, nous ne foyons pas auffi infidéles, Demandez-lai, s'il vous. plaît, pour moi, Madame, l'efprit de Religion & de pénitence, & faires-moi la grace de croire que rien n'eft égal au refpect avec lequel je fuis votre très-humble & très-obéiffant ferviteur.

XV. LETTRE.

A un Ecclefiaftique qui lui avoit expofe fes difpofitions. Il lui repréfente qu'il confond les dons de Dieu avec fes imperfections, & qu'il oublie ce qu'il a reçû parce qu'il fent trop ce qui lui manque.

MONSIEUR,

J'ai eu beaucoup de joie d'apprendre par vous-même de vos nouvelles après deux ans de filence; & il faudroit que ma fanté fût bien plus foible qu'elle n'eft, pour m'empêcher de vous en témoigner ma reconnoiffance.

Après une lecture éxacte de votre Lettre, je crois, Monfieur, devoir vous repréfenter que vous confondez trop les dons de Dieu avec vos imperfections & vos défauts que vous oubliez ce que

LETTRE

XV.

LITTRE

AV.

vous avez reçû, parce que vous fentez trop ce qui vous manque; & que vous devenez ingrat fous prétexte de déplorer votre mifere. L'humilité & la pénitence ne font pas contraires à la vérité : elles n'éxagerent rien, & elles mêlent toujours l'action de graces à l'accufation des fautes & des foibleffes, & à l'aveu d'une indignité toujours plus grande que ce qu'elles en connoiffent & ce qu'elles en a

vouent.

Les graces que Dieu vous fait en empêchant que la longueur de votre éxil ne vous laffe, & en vous le rendant même si aimable que vous craignez qu'il ne finiffe, font des dons précieux, & non des fuites naturelles, comme vous le penfez, de votre indifférence pour toures choses. C'est lui qui vous foutient dans votre folitude, qui en écarte l'ennui, qui la remplit d'une fuite d'éxercices férieux que les vifites & les forties n'interrompent point. C'est lui qui vous affermit

contre toutes les craintes de l'avenir, & contre celle de la perte de vos revenus & de votre Bénéfice, dont vous lui avez fait dans la difpofition de votre cœur un facrifice. fi volontaire & fi parfait. C'eft lui qui par une grace encore plus fignalée vous empêche de vous repofer fur le bien extérieur que vous faites, & qui vous porte à examiner fi la racine en eft pure, & fi des motifs étrangers ne fe mêlent point à celui de fon amour.

Tout cela & mille bienfaits qui en font des fuites & des ruiffeaux, méritent une profonde reconnoiffance; & vous devez vous affliger d'avoir fouvent manqué à ce devoir, & d'avoir par cette dangereufe omiffion retardé la guérifon de deux grands maux dont vous vous plaignez, l'orgueil & la fenfualité.

Je ne refufe pas de croire ce que vous me dites de leur perfécution importune, ou même de la foible résistance que vous leur faites. Mais à qui devez-vous la prote

LETTRE

XV.

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