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l'obfcurité, mais l'éxagération, & XIX. fur quoi je defire que vous vous condamniez moins févérement.

LLTTRE

I. il n'eft pas étonnant que vous foyez peu touchée des véritez, ou terribles, ou confolantes ; que tout faffe une impreffion également promte & fenfible, excepté ce qui devroit en faire une profonde & continuelles que les moindres occafions d'impatience,d'inquiétude, de crainte, ayent toujours quelque effet, pendant que les plus grands objets ne vous donnent aucun mouvement, ou n'en caufent qu'un trèsléger & très fuperficiel, qui femble n'aller point jufqu'au cœur qui demeure froid & immobile; que rien ne paroiffe capable de fixer votre efprit, qui paffe rapidement d'une yérité à une autre fans fe nourrir d'aucune que les réfléxions vous mettent à la gêne, & deviennent, contre votre deffein, une fource de diftractions qui vous laffent & vous épuifent; & que vous ne trouviez de facilité à penfer, que lorfque

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vous le faites fur les fautes de votre

vie paffée, qui font alors plutôt la matiere d'une profonde rêverie que d'un gémiffement falutaire, & qui en affoibliffant l'efpérance, vous ôtent la force & le courage.

II. Ces difpofitions qui font en partie des épreuves, & en partie des châtimens, font comme une fuite naturelle d'une vie passée dans le crime, malgré la lumiere & l'inftruction qu'on avoit reçue; mêlée de conversions & de rechutes, avec des deffeins de fe délivrer de toute inquiétude par rapport au falut, en l'oubliant: amusée & diftraite par un commerce de confcience, de curiofité, de vanité, où rien n'étant visiblement criminel, tout étoit pourtant contraire à l'humilité, à la charité, au recueillement, à la priere, à la pénitence: d'une vie enfin couverte de l'apparence de la vertu, fans en avoir l'efprit ; & différente, par des dehors modeftes & religieux; d'une vie mondaine,dont elle confervoit les fentimens.

LETTRE

XIX.

XIX.

III. Chacun de ces caracteres LETTRE établit dans l'efprit & dans le cœur une oppofition à la piété intérieure, & aux confolations dont un retour fincere vers Dieu eft ordinairement accompagné; & quand ils font tous réunis dans une feule perfonne, comme ils l'ont été en vous, il est naturel que l'oppofition dont je parle, & que vous éprouvez, foit beaucoup plus grande.

IV. Le moyen de la faire ceffer, eft de reconnoître avec humilité qu'on l'a méritée ; & qu'il est juste que de grands péchez commis, non dans l'ignorance, mais dans la lumiere, foient punis par le peu de fuccès de ce qu'on fçait & de ce qu'on lit,puifqu'on l'a fi long-tems méprifé; qu'une conversion, après tant d'efforts inutiles, après tant de rechutes, après tant de fecrets defirs de vivre fans crainte & fans joug, ne doit pas reffembler à celle d'une perfonne qui renonce pour premiere fois à fes péchez: que la punition dûe à un commerce d'ef

la

LETTRE

prit, de vanité, d'amusement, est la ftérilité d'efprit pour les bonnes XIX. penfées,fon inconftance, fa légereté, fon impuiffance pour fe fixer dans la vérité ; & qu'il eft de la bonté de Dieu, auffi-bien que de fa juftice, d'accorder lentement la confolation & la joie, qui font les fruits d'une fincere piété, à une personne qui n'en a voulu que le dehors.

V. Si Dieu par une conduite différente vous rempliffoit de fentimens vifs & confolans, s'il vous rendoit tous les éxercices de la piété faciles, & s'il joignoit à chaque vérité falutaire une impreffion vive & profonde, il vous cacheroit le fond de votre mifere dans le tems que vous devez gémir; il ôteroit à votre pénitence le facrifice d'un efprit affligé, & d'un cœur également humilié & brifé de douleur, & il vous laifferoit ignorer l'intervalle que vous aviez mis entre lui &

vous.

VI. Il vous a rappellée par une maladie & par la crainte, dans un

LETTRE

tems où vous vous aimiez uniqueXIX. ment. Votre converfion, quoique fincere, fe reffent de ces foibles commencemens: quand vous aimerez beaucoup, vous ferez plus confolée; & vous devez regarder comme une preuve que vous n'aimez pas affez, & comme une puiffante exhortation à le faire davantage, le peu de confiance & le peu de fentiment de confolation & de ferveur dont vous vous plaignez.

VII. Si vous vous contentiez de vous
en plaindre & d'en gémir, rien ne fe-
roit plus jufte qu'une telle difpofi-
tion: mais vous y ajoutez un doute
inquiettant fur votre falut, & vous
en tirez des conféquences contraires
à l'efpérance; parce que vous con-
fondez des chofes qu'il faut féparer,

&
que les foibleffes qui vous ref-
tent, vous cachent ce que Dieu fait
en vous. Tout n'est pas désespéré,
parce que tout n'eft pas rétabli. Vo-
tre efprit eft encore inconftant &
léger, mais votre cœur eft dans une
fituation plus égale & plus ferme.

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