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générale, ne faffent prefque aucun ufage de ces excellentes difpofi- xXXVIII tions, & qu'ils s'oppofent par leur précipitation aux defirs que la grace infpire aux pénitens de n'être réconciliez qu'après avoir été convertis. Soutenez, Monfieur, ces pénitens quand vous en trouvez de tels, contre les confeils de leurs guides, & ne craignez point de leur inspirer de la défiance de leur conduite foible, indifférente, dangereuse, pour leur conferver à euxmêmes le fruit de leur confeffion & de leur pénitence qu'on s'efforce de leur ravir. Mais alors, ménagez autant comme vous le pourrez, l'honneur des Confeffeurs, qu'il ne vous eft pas permis de changer, & qui font les meilleurs entre ceux qui restent ; & prenez de fages précautions contre leur relâchement, fans décrier leur miniftere.

VI. La tentation où font expofez les jeunes Clercs ou les Etudians dont vous me parlez, eft trèspreffante, & capable de renverfer

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les plus fermes. Contentez-vous XXXVIII de les confoler & de les foutenir par vos confeils ; & ne prenez aucune part à leurs réfolutions, ou d'interrompre leurs études, ou de s'engager dans un Monaftere. Il y a dans ces deux partis une efpece de découragement que vous ne devez pas autorifer; & d'un autre côté, il n'eft pas en votre pouvoir de foutenir des perfonnes dont l'état n'a plus d'iffue, & qui font à charge à leurs familles.

VII. Il eft difficile de juger de ce qu'il y a de férieux dans le Religieux dont M. l'Abbé de V. vous a parlé; s'il eft obfédé, ou infenfé ; s'il eft innocent, ou criminel. Je confulterois moi-même fon Supérieur, fi j'étois chargé de fa conduite; & je fuis très-éloigné de penfer que j'aye fur cela aucune vûe qui ait pû échaper à fa lumiere. Voici néanmoins ce que je croirois devoir faire.

Avant tout, je tâcherois de connoître le fond de la confcience de

ĉe Religieux, & d'être inftruit de toute la vie. Car le Démon n'est à craindre que lorfqu'il eft le maître du cœur; & c'eft quelquefois une miféricorde de Dieu qu'il le devienne alors du corps même, pour le falut de l'ame.

J'éxaminerois après cela le caraЄtere naturel de l'esprit, la fanté, le tempéramment; & fi je soupçonnois de la folie, ou de noires vapeurs, je tenterois quelques remedes naturels propres à les guérir. Si j'avois lieu de croire que fon mal fût l'effet d'une caufe naturelle, & d'une autre spirituelle à qui la premiere fervît de voile, je demanderois à la Communauté quelques prieres publiques pour lui, & je ferois fur lui en fecret quelques éxorcifmes, mais courts, & précédez & fuivis par des profternemens un peu longs, avec la plus profonde humilité & la plus inftante priere dont la grace de Dieu me rendroit capable.

Au lieu de difpenfer ce Religieux de quelques obferyances commu

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nes,j'éxigerois de lui une plus gran XXXVIII de éxactitude, à moins qu'il n'en troublât l'ordre par quelques indécences: car le Démon craint infiniment la ferveur & l'obéiffance; & le moyen le plus fûr d'être délivré de fes véxations, eft de les regarder comme un châtiment de la pareffe & de la tiédeur, & comme un éguillon pour la pénitence & pour la régularité.

Plus j'aurois lieu de regarder son état comme extraordinaire, plus je l'exhorterois au jeûne & à la priere, felon le confeil de Jefus - Chrift. Car il y a des Démons qui ne cedent qu'à ces deux moyens, & à la foi qui leur communique fon activité & la force.

Une entiere retraite, femblable à celle de la prifon, ne conviendroit pas, fi l'on foupçonne avec quelque fondement l'opération du Démon. Il ne faut pas le livrer à fon ennemi, en l'abandonnant; & il faut au contraire le confoler, le protéger & le garder à vûe, en op:

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pofant la charité & la compaffion de fes freres, à la malice de l'efprit XXXYII qui l'agite, & qui peut être mis en fuite par les Pleaumes & par de faints Cantiques.

On doit tenir ce Religieux continuellement occupé, & par des travaux un peu pénibles, quoique proportionnez à fes forces, & il eft bon que ces travaux foient en même tems humilians.L'efprit d'orgueil qui eft auffi un efprit de négligence & de pareffe,ne peut fouffrir des éxercices qui lui font direcement oppofez, & il fe laffe de tourmenter ceux qui regardent fes véxations comme une exhortation à l'humilité, au travail & à la tience.

pa

Tous ces confeils font inutiles, s'il n'y a rien de réel que la folie. Mais ils peuvent avoir lieu, fi la folie eft feinte, la diffimulation n'étant pas à l'épreuve des travaux & des humiliations qui durent long

tems.

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