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3 Après avoir passé tant & tant de traverses,
Avoir porté le joug de cent beautez diverses,
Avoir, en bon foldat, combata nuit & jour,
Je dois être routier en la guerre d'Amour;

Et comme un vieux guerrier blanchi deffous les armes, 10 Sçavoir me retirer des plus chaudes alarmes, Détourner la fortune, & plus fin que vaillant, Faire perdre le coup au premier aflaillant ; Et fçavant devenu par un long exercice, Conduire mon bonheur avec de l'artifice, Sans courir comme un fol faifi d'aveuglement, Que le caprice emporte, & non le jugement. Car l'efprit en amour, fert plus que la vaillance, Et tant plus on s'efforce, & tant moins on avance. Il n'eft que d'être fin, & de foir, ou de nuit, 20 Surprendre fi l'on peut, l'ennemy dans le lit.

Du temps que ma jeunesse, à l'amour trop ardente
Rendoit d'affection mon ame violente,

Et que de tous côtez, fans choix, ou fans raison,
J'allois comme un limier, après la venaison,
25 Souvent, de trop de cœur, j'ay perdu le courage;
Et piqué des douceurs d'un amoureux vifage,

REMARQUES.

pureté de fes mœurs, & de la nobieffe de fes fentimens, que de la délicateffe de fon efprit. Horace a

J'ai

traité le même fujet, dans la Satire
feconde du Livre premier, & ne l'a
pas traité avec plus de modestie.
* B

J'ay fi bien combattu, serré flanc contre flanc
Qu'il ne m'en eft resté une goutte de fang.

Or' fage à mes dépens, j'esquive la bataille,

30 Sans entrer dans le champ j'attends que l'on m'affaille Et pour ne perdre point le renom que j'ai eu,

D'un bon mot du vieux tems je couvre tout mon jeug

Et fans être vaillant, je veux que l'on m'eftime. Ou fi par fois encor j'entre en la vieille escrime 35 Je goûte le plaifir fans en être emporté, Et prens de l'exercice au prix de ma fanté. Je refigne aux plus forts ces grands coups de maîtrife Accablé fous le faix, je fuy toute entreprise; Et fans plus m'amufer aux places de renom, 40 Qu'on ne peut emporter qu'à force de canon, J'aime une amour facile, & de peu de défence. Si je voy qu'on me rit, c'est là que je m'avance,

REMARQUES.

le

Et

Vers 18. Qu'il ne m'en est resté | 83, & 84. ce qui fait connoitra une goutte de fang.) Il y a un hia qu'on prononçoit alors j'ay eu, & tus dans l'hémiftiche. L'Auteur non pas j'ai û, comme on propouvoit aisément sauver cette né-nonce aujourdhui. On retrouve gligence, en mettant : Qu'il ne encore les mêmes rimes ci-après m'en eft refté nulle goutte &c. dans le Dialogue, vers 47, & 48, & 124. Vers 29. Or fage à mes def- & vers 123, pens.) Or', pour ores, maintenant. Vers 41. J'ayme un amour facile, Vers 3 1. Le renom que j'ai eu. ) ¡ & de peu de défense.) Horace, L Notre Poëte fait rimer ce dernier | 1. Sat. 2. mot eu, avec jeu, qui est à la fin du vers fuivant. Les deux mêmes gimes font répetées dans les vers

Namque parabilem amo Vene rem, facilemque.

Et ne me veux chaloir du lieu, grand, ou petit.
La viande ne plaît que felon l'appétit.

45 Toute amour a bon goût, pourvû qu'elle récrée ;
Et s'elle eft moins loüable, elle est plus affurée :
Car quand le jeu déplaît, fans foupçon, ou danger
De coups, ou de poifon, il eft permis changer.
Aimer en trop haut lieu une Dame hautaine,
so C'est aimer en foucy le travail, & la peine,

C'est nourrir son amour de respect & de foin.
Je fuis faoul de fervir le chapeau dans le poing;
Et fuy plus que la mort l'amour d'une grand' Dame.
Toûjours, comme un forçât, il faut être à la rame,
55 Naviger jour & nuit, & fans profit aucun,
Porter tout feul le faix de ce plaifir commun.

Ce n'eft pas, Forquevaus, cela que je demande ;
Car fije donne un coup, je veux qu'on me le rende,
Et que les combatans, à l'égal colérez,
So Se donnent l'un à l'autre autant de coups
C'est pourquoy je recherche une jeune fillette,
Experte dés long-temps à courir l'éguillette;

REMARQUES.

Vers 53. Et fuy plus que la mort l'amour d'une grand' Dame.) Horace, L. 1. Sat. 2. v. 5 4.

fourez.

Quare, ne paniteat te

Define matronas fectari.

Vers 61, C'est pourquoi je rec

-Matronam nullam ego tango. che une jeune fillette, &c.)

Et v. 77.

étoit la Quartilla de Petro.

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Qui

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Qui foit vive & ardente au combat amoureux,
Et pour un coup reçû qui vous en rende deux.
65 La grandeur en amour eft vice infupportable,
Et qui fert hautement, eft toûjours miferable,
Hn'eft que d'être libre, & en deniers contans
Dans le marché d'amour acheter du bon temps,
Et pour le prix commun choifir fa marchandise,
70 Ou fi l'on n'en veut prendre, au moins on en devise,

R EM A R QUE S.

L'on

gnierait eu en vue l'Epitaphe, qui, guillettes. L'Auteur des Remar commence ainfi dans Clement Ma- ques fur Rabelais cite Jean Michel, de Nifmes, p. 39. édition d'Amfterdam 1700. de fon Em

fot:

Ci git, qui eft une grand' per-baras de la Foire de Beaucaire, qui

te

it.

parle de cette courfe, comme d'un ufage qui fe pratiquoit encore de Vers 62. Experte dés long-temps fon tems. Pafquier, dans fes Reà courir l'éguillette.) Rabelais, cherches, Liv. 8. ch. 36. donre Livre 3. ch. 32. De maniere que fi un autre origine de cette façon de nature ne leur euft arrofé le front parler. Il dit qu'anciennement on dung peu de bonte, vous les voyr- avoit défendu aux femmes publiriez comme forcenées, courir l'aguil- ques de porter ceintures dorées ; lette. Rondeau, de la Coureuse & qu'en même tems on voulut d'efguillettes, fol. verfo 162. du,, qu'elles euffent quelque fignal Recueil manufcrit de P. de Vitri,, fur elles, pour les diftinguer & Villon. Les habitans de Beaucaire en Languedoc, avoient inftitué une courfe où les Proftituées du lieu, & celles qui y viendroient à la foire de la Madeleine, courroient en public, la veille de cette foire; & celle des filles qui auroit le micux couru auroit compenfe quelques pacquets d'ai

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pour

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reconnoiftre d'avec le refte des prudes femmes ; qui fut de porter ,, une Efguillette fur l'épaule: couftume que j'ai vû, dit-il, encore fe pratiquer dedans Tholoze, ,, par celles qui avoient confiné leurs vies au Chastel-verd, qui eft le bordeau de la ville.

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دو

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L'on tafte, l'on manie, & fans dire combien,
On fe peut retirer, l'objet n'en coûte rien.
Au favoureux trafic de cette mercerie,

J'ai confumé les jours les plus beaux de ma vie,
75 Marchand des plus rufez, & qui, le plus fouvent,,
Payoit fes créanciers, de promeffe, & de vent.
Etencore, n'étoit le hazard & la perte,

J'en voudrois pour jamais tenir boutique ouverte
Mais le rifque m'en fafche, & fi fort m'en déplaît,
fo Qu'au malheur que je crains', je paftpofe l'acquêt
Si bien que redoutant la verolle, & la goutte,
Je bannis ces plaisirs, & leur fais banqueroutte,
Et refigne aux mignons, aveuglez en ce jeu,
Avecque les plaifirs, tous les maux que j'ai eu,
85 Les boutons du Printemps, & les autres fleurettes,
Que l'on cueille au jardin des douces amourettes.,
Le Mercure, & l'eau fort me font à contre cœur,
Je hay l'eau de Gayac, & l'etouffante ardeur
Des fourneaux enfumez, où l'on perd fa fubftance,
90 Et où l'on va tirant un homme en quinteffence;
C'est pourquoi tout à coup je me fuis retiré,
Voulant dorénavant demeurer affeuré;

REMARQUES.

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Et

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