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95 Ou fi

Et comme un Marinier échapé de l'orage,
Du havre feurement contempler le naufrage.
par
fois encor je me remets en mer,
Et qu'un œil enchanteur me contraigne d'aimer,
Combattant mes efprits par une douce guerre;
Je veux en feureté naviger fur la terre ;

Ayant premierement visité le vaisseau,

100 S'il eft bien calfeutré, ou s'il ne prend point l'eau
Ce n'eft pas peu de cas de faire un long voyage,
Je tiens un homme fou qui quitte le rivage,
Qui s'abandonne aux vents, & pour trop préfumer,
Se commet aux hazards de l'amoureuse mer.
105 Expert en les travaux, pour moi je la détefte,
Et la fuy tout ainfi comme je fuy la peste.

Mais auffi, Forquevaus, comme il eft malaifé,
Que nôtre efprit ne foit quelques fois abufé
Des appas enchanteurs de cet Enfant volage;
110 Il faut un peu baiffer le cou fous le fervage,

Et donner quelque place aux plaifirs favoureux;
Car c'eft honte de vivre, & de n'être amoureux.
Mais il faut, en aimant, s'aider de la fineffe,

1

Et fçavoir rechercher une fimple maîtreffe, 115 Qui fans vous affervir, vous laiffe en liberté, Et joigne le plaifir avec la feureté ;

1

Qui ne fçache que c'eft que d'être courtisée,
Qui n'ait de mainte amour la poitrine embrasée,

Qui

Qui foit douce, & nicette, & qui ne fçache pas; 120 Apprentive au métier, que valent les appas.

Que fon œil & fon cœur parlent de même forte
Qu'aucune affection hors de foi ne l'emporte ;
Bref, qui foit toute à nous, tant que la paffion
Entretiendra nos fens en cette affection,

25 Si par fois fon efprit, ou le nôtre fe laffe,
Pour moi, je fuis d'avis que l'on change de place,
Qu'on fe range autre part, & fans regret aucun
D'absence, ou de mépris, que l'on aime un chacun
Car il ne faut jurer aux beautez d'une Dame,

130 Ains changer, par le temps, & d'amour, & de flame.
C'est le change qui rend l'homme plus vigoureux,
Et qui jufqu'au tombeau le fait être amoureux.
Nature fe maintient pour être variable,

Et pour changer fouvent, fon état eft durable: $35 Auffi l'affection dure éternellement,

Pourvû, fans fe laffer, qu'on change à tout moment.
De la fin d'une amour l'autre naît plus parfaite,
Comme on voit un grand feunaître d'une bluette,

REMARQUES.

Vers 129 Car il ne faut jurer | expreffion eft imitée du Latin : M aux beautez d'une Dame. ) Cette rare in verba magiftri. Horace,

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EPISTRE III. *

ERCLUS d'une jambe, & des bras
Tout de mon long entre deux dras
Il ne me refte que la langue

Pour vous faire cette harangue,
S Vous fçavez que j'ay pension,
Et que l'on a prétention,
Soit par fottife, ou par malice,
Embarraffant le Benéfice,

Me rendre, en me torchant le bec
10 Le ventre creux comme un rebec.
On m'en baille en difcours de belles,
Mais de l'argent, point de nouvelles
Encore, au lieu de payement,
On parle d'un retranchement,
15 Me faifant au nez grife mine

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་་

Que l'Abbaye eft en ruyne,

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REMARQUES.

A

Et

dant une maladie qui le retenoit au lit: Velut agri fomnia.

*Cette Epitre, en Vers de huit fyllabes, étoit la Satire XIX. dans les éditions qui ont précedé celle-1 Vers 5. Vous savez que j'ay ci. Le Poëte y décrit les divers ca-penfion.) Le Roi lui avoit accordé prices, & les idées extravagantes unc penfion de deux mille livres, qui lui paffoient par l'efprit, pen- fur l'Abbaye des Vaux-de-Cernay.

Et ne vaut pas, beaucoup s'en faut,
Les deux mille francs qu'il me faut ;
Si bien que je juge, à fon dire,
29 Malgré le feu Roy noftre Sire,
Qu'il defireroit volontiers

Lafchement me réduire au tiers.
Je laiffe à part ce fafcheux contes
Au Printemps que la bile monte
25 Par les veines dans le cerveau,
Et que l'on fent au renouveau,
Son efprit fécond en fornettes,
Il fait mauvais fe prendre aux Poctes.
Toutesfois, je fuis de ces gens

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Qui dans fes caprices s'égaye,

Et fouvent fe donne la baye,

45 Se feignant, pour paffer le temps, Avoir cent mille écus contans.

Avec cela large campagne :

Je fais des châteaux en Espagne ;
J'entreprens partis fur partis.
fo Toutesfois, je vous avertis,

Pour le Sel, que je m'en déporte,
Que je n'en fuis en nulle forte,
Non plus que du droit Annuël;
Je n'aime point le Cafuël.
ss J'ay bien un avis d'autre étoffe,

Dont du Luat le Philofophe,

REMARQUES.

Défi

Vers 51. Pour le Sel, que je Cappel, Avocat General, fpus les m'en déporte.) La ferme des Ga-Rois François I. Henri II. &c.

belles.

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Cet Ange Cappel, Sieur Du Luat, Secretaire du Roi, étoit connu dés l'an 1578. par fa traduction Françoife du Traité de Sénèque, de Clementia. Il traduifit divers autres ouvrages de Sénèque & entre autres fon Traité de la Colere, en 1585. ce qui acquit au Traducteur le titre de Philofophe, & fervit en même tems à le diftinguer d'avec fon frere le Medecin, nommé Guillaume Cappel. Du Luat étoit attaché à Mr. de Rosny, enfuite Duc de Sully, comme on le

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