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Quand je vis en furfaut une Beste effroyable,
Chofe eftrange à conter, toutesfois veritable!

Qui plus qu'une Hydre affreufe à fept gueules meuglant, 10 Avoit les dents d'acier, l'œil horrible & fanglant; Et preffoit à pas torts une Nymphe fuyante,

Qui, réduite aux abbois, plus morte que vivante,
Haletante de peine, en fon dernier recours,

Du grand Mars des François imploroit le fecours,
IS Embraffoit fes genoux, & l'appellant aux armes,
N'avoit autre difcours que celuy de fes larmes.

Cefte Nymphe étoit d'âge, & fes cheveux melez, Flottoient au gré du vent, fur fon dos avalez. Sa robe étoit d'azur, où cent fameufes villes 20 Ellevoient leurs clochers fur des plaines fertiles; Que Neptune arrofoit de cent fleuves efpars, Qui difperfoient le vivre aux gens de toutes pars. Les villages efpais fourmilloient par la plaine, De peuple & de beftail, la campagne étoit pleine,

REMARQUES.

25

Vers 7. Quand je vis en furfaut.) | Piéce, il demanda à Regnier, en Quand je fongçay que je voyois en quel tems cela étoit arrivé : difant furfaut, avec frayeur. qu'il avoit toûjours demeuré en

Même vers. Une Befte effroya-France depu's cinquante ans, & ble.) La Ligue., I qu'il ne s'éto't point aperçu que la France fe fut enlevée hors de fa place. Vie de Malherbe, p. 14.

Vers 11.

Une Nymphe fuyante.) La France. Malherbe avoit de l'averfion pour les fictions poëtiques; & après avoir lû cette | François.) Henri le Grand,

Vers 14. Du grand Mars des

25 Qui s'employant aux arts, mefloient diverfement
La fertile abondance avecque l'ornement.
Tout y reluifoit d'or, fur la broderie

Efclattoit le brillant de mainte pierrerie.

La mer aux deux co ftez ceft ouvrage bordoit, 30 L'Alpe de la main gauche en biais s'efpandoit, Du Rhein jufqu'en provence ; & le mont qui partage D'avecque l'Espagnol le François heritage,

35

De Leucate à Bayon ne en cornes fe haussant,
Monftroit fon front pointu de neiges blanchiffant,
Le tout étoit formé d'une telle maniere,
Que l'art ingenieux excédoit la matiere.
Sa taille eftoit augufte, & fon chef couronné,
De cent fleurs de Lis d'or eftoit environné.
Ce grand Prince voyant le foucy qui la greve;
40 Touché de piété, la prend, & la releve;
Et des feux eftouffant ce funefte animal,
La délivra de peur auffi-toft que de mal;
Et purgeant le venim dont elle eftoit fi pleine,
Rendit en un instant la Nymphe toute faine.

REMARQUES.

Vers 25. Qui s'employant aux | Vers 3 1.

45

Et le mont qui

arts, mefloient diverfement.) C'eft partage &c.) Les Pyrénées.

ainfi qu'on lit dans la premiere édition de 1608. Dans celles de

16 12. & 1613. il ya : Qui s'em

ployoient aux arts, mefloient fement.

3. De Leucate à Bayonne.)

éditions faites pendant portent l'Au

he.

45

Ce Prince, ainsi qu'un Mars, en armes glorieux,
De palmes ombrageoit fon chef victorieux,
Et fembloit de fes mains au combat animées,
Comme foudre jetter la peur dans les armées.
Ses exploits achevez en fes armes vivoient :
50 Là les champs de Poictou d'une part s'eflevoient,
Qui fuperbes fembloient s'honorer en la gloire.
D'avoir premiers chanté fa premiere victoire.

Dieppe, de l'autre part, fur la mer s'allongeoit,
Où par force il rompoit le camp qui l'affiegeoit ;
55 Et pouffant plus avant les troupes espanchées,
Le matin en chemife il furprit les tranchées.
Là Paris délivré de l'Espagnole main,

Se deschargeoit le col de fon joug inhumain.
La campagne d'Ivry fur le flanc cizelée,
Go Favorifoit fon Prince au fort de la meflée ;

REMARQUES.

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Vers 56. Le matin en chemise il la mort d'Henri III. furprit les tranchées.) Henri IV. s'étant campé fous le canon de Dieppe, avec quatre mille cinq cens hommes, empêcha la prise de cette Place, & battit le Duc de Mayenne, qui vouloit l'attaquer avec dix-huit mille hommes dans fes retranchemens. Ce fut un Mardi matin 20. de Septembre , 1589. fix femaines après

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Et

Vers 57. Là Paris délivré de l'Espagnole main.) Le Roy d'Efpagne s'étant déclaré ouvertement pour la Ligue, le 8. Mars is 90. Henri IV. affiégea Paris au mois de May fuivant ; & cette ville fut remife au pouvoir de la Majefté, par le Comte de Briffac, qui en étoit Gouverneur, le 22. Mars 1594.

Et de tant de Ligueurs par fa dexte vaincus,
Au Dieu de la bataille appendoit les efcus.

Plus haut étoit Vendofme, & Chartres, & Pontoile,

Et l'Espagnol desfait à Fontaine Françoife, 65 Où la valeur du foible emportant le plus fort,

Fift voir que la vertu ne craint aucun effort.

Plus bas, deffus le ventre, au naïf contrefaite,
Eftoit, prés d'Amiens, la honteufe retraite
Du puiffant Archidue, qui craignant fon pouvoir,
70 Creut que c'eftoit en guerre affez que de le voir.
Deça, delà, luitoit mainte trouppe rangée,
Mainte grande çité gémiffait affiégée.

REMARQUES.

Où,

trains d'avoir recours à la clémence du Roy.

Vers 59. Ea campagne d' Iury. I en étoient les chefs, furent conLa bataille d'Ivry, près de Mante, fut gagnée par le Roy, fur le Duc de Mayenne, le 14. Mars 1590. Du Bartas a fait un Cantique fur la victoire d'Ivry.

Yers 68. Eftoit, prés d'Amiens, la honteuse retraite

Du puiffant Archiduc. La ville d'Amiens ayant esté surprise par les Espagnols, Henri IV. en forma le fiege. L'Archiduc d'Autriche parut pour la fecqurir, avec un armée de dix-huit mille hommes de pied, & de quatre mille

Vers, 64. Et l'Espagnol desfait à Fontaine Françoife.) Ville de Bourgogne, près de laquelle Henri IV. avec environ deux cens chevaux, défit quinze mille hommes, commandez par le Duc de Mayenne, & par le Connêtable de Caftille, | chevaux; mais il fut vigoureusele 3. de Jun, 15 9.5. Cette vic- mert repouffé à les Afliégez capi toire acheva de déconcerter la L-, tulèrent, & cette place revint au gue : le Duc de Mayenne, & le pouvoir du Roi, en 15 9 7. Duc de Nemours fon frere, qui]

Où, fi tôt

que le fer l'en rendoit poffeffeur,

Aux rebelles vaincus il ufoit de douceur :

75 Vertu rare au vainqueur, dont le courage extrefme
N'a gloire en la fureur qu'à fe vaincre foi-mefme!
Le chefne, & le laurier ceft ouvrage ombrageoir,
Où le peuple devot fous les loix fe rangeoit ;
Et de væuz & d'encens, au Ciel faifoit priere,
80 De conferver fon Prince en fa vigueur entiere.
Maint puiffant ennemy,
domté par fa vertu,
Languiffoit dans les fers fous fes pieds abbatu,
Tout femblable à l'Envie, à qui l'eftrange rage
De l'heur de fon voifin enfielle le courage;
Hideufe, bazanée, & chaude de rancœur,
Qui ronge fes poulmons, & fe mafche le cœur.
Aprés quelque priere en fon cœur prononcée,
La Nymphe, en le quittant, au Ciel s'eft eflancée,
Et fon corps dedans l'air demeurant fufpendu,
50 Ainfi comme un Milan, fur fes aifles tendu,

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