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25 Auffi pour mon falut que doy je plus attendre,
Et quel fage confeil en mon mal puis-je prendre,
S'il n'eft rien ici bas de doux, & de clement,
Qui ne tourne vifage à mon contentement ?
S'il n'eft aftre éclairant en la nuit folitaire,
30 Ennemi de mon bien, qui ne me foit contraire,
Qui ne ferme l'oreille à mes cris furieux ?

Il n'eft pour moi là haut ny clémence, ny Dieux,
Au Ciel, comme en la terre, il ne faut que j'attende
Ny pitié, ny faveur, au mal qui me commande;
35 Car encor que la Dame en qui feule je vy,

M'ait avecque douceur fous fes loix affervy;
Que je ne puiffe croire, en voyant fon vifage,
Que le Ciel l'ait formé fi beau pour mon dommage,
Ny moins qu'il foit poffible en fi grande beauté,
40 Qu'avecque la douceur loge la cruauté ;

Pourtant toute efperance en mon efprit chancelle:
Il fuffit, pour mon mal, que je la trouve belle.
Amour, qui pour objet n'a que mes déplaisirs,
Rend tout ce que j'adore ingrat à mes defirs.
45 Toute chofe en aimant eft pour moi difficile,

Et comme mes foûpirs, ma peine eft infertile.

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D'autre part, fçachant bien qu'on n'y doit afpirer,

Aux cris j'ouvre la bouche, & n'ofe foûpiter; Et ma peine étouffée avecque le filence, se Estant plus retenue, a plus de violence.

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Trop heureux fi j'avois en ce cruel tourment,
Moins de difcretion, & moins de fentiment,

Ou, fans me relâcher à l'éfort du martire,

Que mes yeux, ou ma mort, mon amour puffent dire! 55 Mais ce cruel enfant, infolent devenu,

Ne peut-être à mon mal plus long-temps retenu,
Il me contraint aux pleurs, & par force m'arrache
Les cris qu'au fond du cœur la réverence cache.

Puis donc que mon refpect peut moins que fa douleur, 60 Jelâche mon difcours à l'éfort du malheur ;

Et pouffé des ennuis dont mon ame eft atteinte,
Par force je vous fais cette piteufe plainte,
Qu'encore ne rendrois-je en ces derniers éforts
Şi mon dernier foûpir ne la jettoit dehors,

65 Ce n'eft pas, toutefois, que pour m'écouter plaindre,
Je tâche par ces vers à pitié vous contraindre,
Qrendre par mes pleurs vôtre oil moins rigoureux.
La plainte eft inutile à l'homme malheureux.

REMARQUES.

Vers 60. Je lafche mon difcours.) | eft la bonne leçon.

Mais

Dans toutes les anciennes éditions, Vers 62. Par force je vous fais même dans celle de 1613. faite cette piteufe plainte. ). Il s'adresse à pendant la vie de l'Auteur, il y a : fa Dame.

ton difcours ce qui eft une faute Vers 64. Si mon dernier foûpir ne qu'on a voulu corriger dans l'é- la jettoit dehors.) C'est ainsi qu'il dition de 1642. en mettant : Je! faut lire, & non pas, Ne la jette, lafche ce difcours. Dans celle de comme portent toutes les édi1645. on a mis; mon discours, qui | tions, avant celle de 1642.

Mais puis qu'il plaît au Ciel par vos yeux que je meure, 70 Vous direz que mourant, je meurs à la bonne heure

Et que d'aucun regret mon trépas n'eft fuivy,
Sinon de n'être mort le jour que je vous vy
Si divine, & fi belle, & d'attraits fi pourvûë.
Ouï, je devois mourir des traits de vôtre vuë,
75 Avec mes tristes jours mes miferes finir,

Et par feu, comme Hercule, immortel devenir.
J'euffe, brûlant là-haut en des flammes fi claires,
Rendu de vos regards tous les Dieux tributaires,
Qui fervant, comme moi, de trophée à vos yeux,
So Pour vous aimer en terre euffent quitté les Cieux.
Eternifant par tout cette haute victoire,

J'euffe engravé là-haut leur honte, & vôtre gloire ;
Et comme, en vous fervant, aux pieds de vos Autels;
Ils voudroient pour mourir, n'être point immortels :
$5 Heureusement ainfi j'euffe pû rendre l'ame,
Aprés fi bel effet d'une fi belle flâme.

Auffi bien tout le temps que j'ay vécu depuis',
Mon cœur gêné d'amour, n'a vêcu qu'aux ennuis,
Depuis, de jour en jour, s'eft mon ame enflamée,
90 Qui n'eft plus que d'ardeur & de peine animée.

REMARQUES.
Vers 70. Vous direz que mou- 1 figne d'indifference.
rant, je meurs à la bonne heure.)
Vous direz que ma mort vous eft
indifferente: car cette façon de
parler: A la bonne heure, eft un

Sus

Vers 76. Et par feu, comme Hercule, immortel devenir.) Hercule fe brula lui même, fur le mont Oeta.

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Sur mes yeux égarez ma trifteffe fe lit, Mon âge, avant le temps, par mes maux s'envieillit, Au gré des paffions mes amours font contraintes, Mes vers brûlans d'amour ne refonnent que plaintes, 95 De mon cœur tout flêtri l'allegreffe s'enfuit;

Er

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mes triftes penfers, comme oyfeaux de la nuit, Volant dans mon efprit, à mes yeux fe présentent, Et comme ils font du vrai,du faut ils m'épouventent: Et tout ce qui repaffe en mon entendement, 100 M'apporte de la crainte & de l'étonnement, Car, foit que je vous pense ingrate, ou fecourable, La playe de vos yeux eft toûjours incurable; Toûjours faut-il, perdant la lumiere, & le jour, Mourir dans les douleurs, ou les plaifirs d'amour. Mais tandis que ma mort eft encore incertaine, Attendant qui des deux mettra fin à ma peine, Ou les douceurs d'amour, ou bien vôtre rigueur, Je veux fans fin tirer les foûpirs de mon cœur ;

105

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Et devant que mourir ou d'une ou d'autre forte, 110 Rendre, en ma paffion, fi divine, & fi forte, Un vivant témoignage à la pofterité,

De mon amour extrême, & de vôtre beauté;

Et par mille beaux vers que vos beaux yeux m'infpirent, Pour vôtre gloire atteindre où les fçavans afpirent; 115 Et rendre memorable aux fiécles à venir,

De vos rares vertus le noble fouvenir.

IE

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