Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

Puis, voftre amour qui s'abandonne,

Ne refufa jamais perfonne,

Tant elle eft douce à l'amitié,

Aucun refpect ne vous retarde ;

Et fût-il crieur de moutarde 18 Vous en avez toûjours pitié. St

Voftre poil, que le temps ne change, Et auffi doré qu'une orange, Et, plus qu'un chardon, frifotté, Et voftre treffe non confuse, Semble à ces mefches d'arquebufe, 4 Qu'un Cadet porte à fon cofté. ០២

Voftre face eft plus reluifante

Que n'eft une table d'attente,
Où l'on affiet de la couleur ;
Et voftre œil a telle étincelle,
Que le Soleil n'eft, auprès d'elle,
30 Qu'un Cierge de la Chandeleur.

La Mufe autour de votre bouche,
Volant ainfi comme une mouche,
De miel vous embrène le bec:

Et vos paroles nompareilles,

* F 4

Refone

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

Vénus, autour de vos œillades,
En cotte, fait mille gambades;
Et les Amours, comme pouffins,
Ou comme oyfons hors de la muë,
Qui ont mangé de la ciguë,
Semblent dancer les mataffins.
Jb

Voftre ceil chaud à la picorée,

L'esbat de Vénus la dorée,

Ne laiffe rien paffer fans flus ;
Et voftre mine de poupée,

Prend les efprits à la pipée, 54 Et les appétits à la glus.

Je ne m'eftonne donc, Macette, Eftant fi gente, & fi doucette,

Voftre œil fi faint & fi divin :
Si vous avez tant de pratique ;
Et s'il n'eft Courtaut de Boutique
60 Qui chez vous ne prenne du vin.
Jt

Car, fans nulle mifericorde,
Je ferois digne de la corde,
Si d'un caprice fantastic,

Je n'allois chantant vos loüanges; Priant Dieu, les Saints, & les Anges; 66 Qu'ils vous confervent au Public.

[ocr errors]

Ce n'eft pas pourtant qu'il me chaille. Que chez vous la vendange fai lle; Mais je craindrois dorefnavant, Qui voftre vin, qui fe difperfe, Veu le long temps qu'il eft en perce 72 Se fentift un peu de l'évent,

DIALOGUE.

CLORIS ET PHILIS.

P

CLORI S.

HILIS,œil de mon cœur,& moitié de moi mesme,
Mon Amour, qui te rend le vifage fi blefme?
Quels fanglots, quels foufpirs ; quelles nouvelles pleurs,
Noyent de tes beautez les graces & les fleurs ?

S PHIL. Ma douleur eft fi grande,& fi grand mon martyre,
Qu'il ne fe peut, Cloris, ny comprendre ny dire.
CLOR. Ces maintiens égarez, ces penfers efperdus,
Ces regrets, & ces cris, par ces bois efpandus, .
Ces regards languiffans, en leur flames diferettes,
10 Me font de ton Amour les paroles fecrettes.

PHIL.Ha! Dieu, qu'un divers mal diverfement me point!
J'ayme; helas! non, Cloris, non, non, je n'ayme point.
CLOR. La honte ainfi dément, ce que l'Amour décelle,
La flame de ton cœur par tes yeux eftincelle,

15 Et ton filence mefme, en ce profond malheur,

N'eft que trop éloquent à dire ta douleur,

Tout

Tout parle en ton vifage; & te voulant contraindre, L'Amour vient, malgré toi, fur ta lévre fe plaindre. Pourquoy veux-tu, Philis, aimant comme tu fais 20 Que l'Amour fe démente en fes propres effets? Ne fçais tu que ces pleurs, que ces douces œillades, Ces yeux, qui fe mourant, font les autres malades, Sont theatres du cœur, où l'amour vient jouer

Les penfers que la bouche a honte d'avoüer?
25 N'en fais donc point la fine, & vainement ne cache
Ce qu'il faut, malgré toy, que tout le monde fçache;
Puifque le feu d'Amour, dont tu veux triompher.
Se montre d'autant plus qu'on le penfe étouffer.
L'Amour est un enfant, nud, fans fard & fans crainte 3
Qui fe plaift qu'on le voye, & qui fuit la contrainte.
Force dont tout refpect, ma chere fille, & croy
Que chacun eft fujet à l'Amour, comme toy.
En jeunelle j'aimay, ta mere fit de même,
Licandre aima Lifis, & Félifque Philelme;
35 Et fi l'âge efteignit leur vie & leurs foûpirs,

Par ces plaines encore on en fent les Zéphirs.
Ces fleuves font encor tout enflez de leurs larmes,

Et ces prez tout ravis de tant d'amoureux charmes ;
Encore

REMARQUES.

Vers 34. Licandre aima Lifis, Félifque Philefme.) La cadence du vers demandoit qu'il fûr tourné ain; Licandre aima Lifis, Felif

que aima Philême.

Vers 3 6. Par ces plaines encore on en fent les Zéphirs.) Toutes les éditions portent, Par ces plaintes.

« AnteriorContinuar »