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un tems auffi néceffaire à la fanté, que propre à la pénitence; car l'eftomac moins chargé d'alimens les broyera plus parfaitement, & les fucs nourriciers moins abondans, mieux pétris & plus léger, iront moins remplir les vaiffeaux, & les combler de fang, que délayer celui qui y eft déja amassé, le tempérer, le détremper, l'affiner enfin, & par là en faciliter la circulation. Par le même moyen la dépuration du fang deviendra plus parfaite, fes fecrétions plus aifées, & la tranfpiration mieux accomplie. Tous les organes d'ailleurs trouvant moins de réfiftance, & plus de legereté dans les fucs qu'ils auront à travailler, les dompteront parfaitement, & fe les foumettront au point qu'ils fe laifferont broyer fans réfiftance, qu'ils fe diftribueront fans peine, & s'échaperont fans violence, laiffant dans le corps cette uniformité & cet équilibre entre toutes les parties, qui fait la bonne conftitution & la fanté.

Il n'eft plus poffible après cela de regarder le jeûne du Carême comme dangereux à la fanté; il en fera au contraire l'affermiffement & la fûreté comme l'éprouvent tant de particu

liers, lefquels n'ayant commencé le Carême qu'en tremblant pour leur fanté, fe trouvent guéris après Pâques & de leurs frayeurs & de leurs infirmitez. Ce qu'on pourroit même le plus justement craindre du jeûne, fe trouve prévenu par la fageffé du commande-ment de l'Eglife; elle ne l'ordonne que de quarante jours; un fi court intervalle de tems eft plus propre à délaffer, pour ainfi dire, les refforts qui opérent les digeftions, qu'à les affoiblir; & il eft moins capable de trop vuider les vaiffeaux, que de les foulager de leur fuperflu.

Ajoutez à ces avantages corporels que procure le jeûne, ceux qui reviennent à l'efprit & au cœur. Le fang retenu dans une jufte mefure, & réglé dans fon cours, ne remue & ne follicite plus l'imagination, l'efprit s'entretient calme, & le cœur tranquille: l'homme penfe librement, & les paffions foumifes n'ont plus la force d'en troubler les idées ou d'en fuggérer d'importunes. Ce ne font plus les faillies d'un tempéramment impétueux qui agitent & qui emportent le cœur, une jufte médiocrité dans le fang, & le calme dans les efprits en reglent les mou

vemens.

vemens. L'homme enfin, maître de fon efprit & de fon cœur, & rendu à luimême, fe trouve en pouvoir de difpofer de fes inclinations, & la religion écoutée peut les régler. Il s'en faut donc beaucoup que le jeûne foit auffi nuifible qu'on le croiroit; car fans intéreffer la fanté il aide à la Religion, & fans trop gêner la créature, il la foumet parfaitement auCréateur.

CHAPITRE III.

Qu'il vaut mieux pour la fanté manger peu que beaucoup, & faire deux repas qu'un feul. Que le repas du foir doit être plus ample que celui de midi.

qu'on vient d'avancer

Tfeconfirme, parce que la santé se

conferve d'autant mieux quel'on mange moins. En effet, on ne peut s'accorder un peu trop d'alimens, fans s'exposer à groffir le volume du fang, & par conféquent à rompre l'équilibre entre les liqueurs & les folides, en quoi confifte la fanté. Pour s'en perfuader, il fuffit

Tome 11.

B

de fe fouvenir que l'intention de la nature eft, qu'il n'y ait qu'un très-petit volume de fang dans l'état naturel. L'homme le plus fort n'en doit avoir que 24. livres, le furplus paffe en maladie. Or 24. livres en comparaison du volume de tout le corps, & au plus, comme d'un à huit, c'eft-à-dire, dans une proportion très-inférieure, telle qu'elle fe trouve entre huit & un, Mais un adulte n'ayant plus à croître ni à groffir, doit amaffer d'autant moins de fang, qu'il a moins de volume à fe donner, fe met par conféquent en danger de remplir fes veines au-delà du néceffaire, & de tomber malade, pour peu qu'il mange trop. Le fecret pour prévenir ce malheur eft de fe tenir audeffous du néceffaire, & de s'accorder moins que ce que l'appetit demanderoit, pour fe conformer à cette régle de fanté, qu'il faut encore sentir la faim en fortant de table. La raifon de cette maxime paroît d'abord, en comparant la force de l'eftomac avec celle des autres organes, La nature pour ne pas manquer au néceffaire dans une affaire de cette importance, a donné à leftomac une force fupérieure à la puif

,

fance de chacune des autres parties. Il n'eft donc pas impoffible que l'eftomac digére tout ce qu'on lui préfente; mais il ne fera pas. fûr que les autres parties perfectionnent cette digeftion, parce qu'elles font inférieures en force. Les diftributions, les fécrétions & les dépurations en ce cas deviendront imparfaites, parce que les fucs abordant en foule dans les organes, qui doivent achever de les travailler, leur oppofent trop de volume & trop de réfiftance; ils demeurent donc groffiers & mal paîtris, & deviennent les fources de mille maux. Il n'en eft pas de même, fi l'eftomac fournit moins de fucs, car le jeu de toutes les parties & leurs ofcillations fe confervent plus promtes, plus legeres & plus libres; & la trituration étant plus parfaite, il ne s'amaffe point de mauvais reftes, & la tranfpiration eft mieux accomplie.

Mais on demande s'il eft plus à propos de faire deux repas, qu'un feul, dans le jour. L'antiquité étoit partagée fur cette question, fuivant le témoigna ge d'Hippocrate, qui rapporte ( a ) que de fon tems les uns mangeoient deux

(a) Hippocrat. 1. 11. de vict. rat.

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