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la continence. Efdras (a) jeûna & pria pour fe rendre le Ciel favorable. Les Prophétes (b) eux-mêmes ne parlent guéres de jeûne, fans ordonner la priere, l'humiliation & les larmes, tel que fut celui des Macabées (c). Les reproches enfin qu'Ifaie (d) fait aux Juifs qui jeûnoient mal, font affez voir qu'il faut autre chose pour bien jeûner, que de s'abftenir du boire & du manger; car il y joint les œuvres de charité de justice, de mifericorde, le renoncement à fa propre volonté, & tout ce qui peut rendre le jeûne fpirituel & intérieur. La defcription que Tertullien (e) fait des jeunes des Payens, montre manifeftement qu'ils fe condamnoient auffi dans leurs jeûnes, à bien d'autres chofes qu'à fe priver du boire & du manger. Il rapporte que dans les occafions graves, telles que font les calamités publiques, les Païens alloient nuds pieds, qu'ils quittoient

(a) L, 1. c. 8. v. 21. (b) Joel, c.a. v. 12. (c) L. 2. C. 13. v. 12. (d) C. 58. v. 3. &c. (e) Omnem tapinophronefim ethnici agnofcunt, cùm cœlum ftupet, & aret annus, nudipedalia denuntiantur, magiftrotus purpuras ponunt, fafces retro averaunt, precem indigitant, hoftiam inftaurant.... faccis velati & cinere confperfi... Cafto Ifidis & Cybeles xerophagias adæquat, &c. Tertul de jejunio ethnicorum, c. 16.

toutes les marques de dignité, qu'on ordonnoit alors des prieres & des facrifices; que d'autres fe couvroient de facs. & de cendre, & que quelques-uns imitoient les xérophagies des Chrétiens.

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L'opinion que M. Daillé avoit du jeûne auroit épargné toutes ces corvées à ces pauvres malheureux, qui se tourmentoient mal-à-propos le corps, faute d'être mieux inftruits de la grammaire. Mais cette prétendue fimplicité, où cette ignorance fe trouvoit répandue parmi des nations qui n'en ont jamais été accufées. Plutarque rappor te que les femmes en certaines fêtes des Athéniens, fe contentoient fi peu de ce jeûne grammatical, que l'on fait confifter dans l'abftinence du manger, qu'elles couchoient encore fur la dure, en quoi elles imitoient les Egyptiens plus anciens que les Grecs, & non moins éclairés. Les Prêtres de Crete (4) s'interdifoient tout ce qui étoit cuit, Cette mere dans Horace (b), comme on l'a déja dit, ajoûtoit un vœu au jeûne, pour engager Jupiter à guérir fon fils. Cette autre mere, dans TiteLive (c), s'engageoit à la continence,

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(a) Polyd. Verg. p. 190, (b) Satyr., 1. 2. Sat. 3. (c) Apud Polyd. Vergil. P. 431...

pour obtenir des Dieux une autre grace encore pour fon fils. Numa leur en permettoit autant pour obtenir d'héureufes récoltes. Les Turcs (a) encore aujourd'hui ne féparent point la continence du jeûne. Ajoûtez à tout ceci, les exemples de Zoroaftres (b), qui ne fe permettoit que l'ufage du fromage; de Diogene, qui ne s'accordoit que du pain; de Pithagore, qui craignoit tout, même jufqu'aux féves; d'Apollon de Tyane, qui ne vivoit que de fruits & de légumes; & on aura de quoi fe perfuader que les plus grands efprits ont fenti, que la perfection du jeûne dépendoit d'autre chofe, que de la fimple privation du boire & du manger, puifque la plupart y ont au moins ajoûté le choix des viandes, & d'autres femblables moyens de fe mortifier.

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Il est aifé de conclure de tout ce qu'on vient de rapporter, que l'intention du jeûne, eft bien moins de faire mourir de faim & de foif, que d'affliger l'efprit, & de l'humilier en mortifiant le corps, pour rendre hommage à la Divinité, & fe la rendre propice ou favorable. En effet, ce ne fut pas en vûe

(a) Boemus Aubanus, p. 126. (b) Apud..Viring..

P. 29.

du jeûne & de l'abstinence, que Dieu fe laiffa fléchir par l'impie Achab, mais parce qu'il le vit humilié. N'avez-vous pas vi, dit Dieu (a) lui-même à Elie, Achab humilié devant moi? Puis donc qu'il s'eft humilié à cause de moi, je ne ferai point tomber sur sa perfonne les maux dont je l'ai menacé. Cette même idée paroît avoir été celle de tous ceux qui ont jeûné dans la religion Juive, & dans le Paganifme, à en juger par toutes les pratiques humiliantes qu'on joignoit à l'abstinence du boire & du manger. Les Chrétiens qui font venus depuis, ont encheri de beaucoup fur les Juifs & fur les payens, tant par les auf térités qu'ils ont ajoûtées à leurs jeûnes, que par les vûes humbles & pieufes dont ils les ont accompagnés.

On dira peut-être que l'efprit du jeune n'eft pas du reffort de la Médecine, qui ne doit connoître que de ce qu'il a de corporel. Nous en convenons, & nous nous renfermerons dans ces bornes mais il ne meffied pas à un Médecin Catholique de prendre les intérêts de la véritable Eglife fa mere quand ils fe trouvent mêlés avec ceux de fa profeffion.

(a) Rois, l. 3. C. 21, V. 29.

CHAPITRE VI I.

Ce que c'est que le jeûne Ecclé-
fiaftique.

Lehulen certains tems, ne font que Es jeûnes qu'on obferve aujourd'hui

de foibles reftes (a) de celui que les premiers Chrétiens obfervoient tous les jours. La mort encore récente du Sauveur, l'exemple de fa vie, la fainteté de fa morale, le fang des Martyrs qui fumoit encore, la fin de la vie que la perfécution annonçoit, celle du monde que l'on croyoit déja proche; toutes ces confidérations defoccupoient tellement de la vie les premiers fidéles que tout pleins des années éternelles ils ne s'occupoient guéres des jours de l'homme. De fi faintes difpofitions, nourriffoient en eux d'autres efpérances; ils n'en avoient que pour l'éternité; rien de paffager n'intéreffoit leurs cœurs ni leurs affections; les commodités mêmes & les plaifirs étoient moins des appas pour eux, que des fujets de

(a) Thoma. p. 296.

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