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Il dit qu'on demeuroit aprés Vêpres dans le cloître, où l'on faifoit quelque lecture; qu'on fonnoit enfuite une cloche pour laver les mains ( que le travail avoit falies) pour enfuite aller boire au réfectoire; qu'on lifoit encore, & qu'on donnoit enfuite le fignal pour la colation. Mais cette boiffon étoit feulement d'eau, dont on ne beuvoit qu'un coup à la mesure d'une taffe, & non à la cruche: aquam non ab urceo, une hauftu, ad calicis bibat menfuram (a). Car il fut inoui d'abord qu'on y ajoûta la moindre chofe à manger exactitude qui subsista jusqu'au tems de faint Bonaventure, puifqu'il ne parle pas de manger à la colation (6). Un des premiers qui a agité la queftion, fi on pouvoit manger à colation, est Toftat ( 6 ) Evêque d'Avila en Efpagne, dans le quinziéme fiecle; mais ce prélat décide qu'on ne peut, fans rompre fon jeûne, úfer de conferve, qu'autant qu'on n'en prendra qu'en très-petite quantité, uniquement par maniere de remede, jamais pour fe nourrir. Ce ne fut donc que dans le feíziéme fiecle, que l'on permit un petit morceau de pain avec

(a) Regul, mag. c. 27. (b) Thoma. p. 324. (c) Toftat, in Matth. c. 6.

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la boillon, pour empêcher qu'elle n'affoiblit l'eftomac, fruftulum panis ne potus noceat, comme il eft porté dans les dernieres conftitutions des Chartreux (a). Cette permiffion n'étoit pourtant pas univerfelle du tems du Cardinal Cajetan, car il témoigne qu'il y avoit encore plufieurs endroits, où on ne s'accordoit qu'un peu d'eau (b) à la colation.

On voit par tout ce qu'on vient de dire, combien cette colation fut peu de chofe d'abord. Ce mot même de colation (c) s'entendit moins du foulagement corporel que les Moines s'accordoient en beuvant, que de l'affiftance aux lectures (d) fpirituelles, pendant lesquelles ils avoient établi de boire, comme s'ils avoient voulu fe diffimuler l'action qu'ils alloient faire, contre l'ufage des anciens Moines, en faifant concourir le moment de ce repas avec les tems de la lecture. Et parce que ces lectures fe tiroient ordinairement des conférences des faints, ils appellerent aller à la colation, ire ad collationem (e), l'action

(a) Diff fur l'hemin. p. 112. (b) Thomass. p. 320. (c) Baillet, p. 147. Thomass. p. 2. c. x1. &c. (d) Diff.fur l'hemin. p. 114. (e) Ibid. p. 109. V. l'explication des ceremonies de l'Eglife, par le cé lebre & Sçavant Benedictin, Dom Claude de Vert. t. 2. p. 102.

d'aller boire un coup en même tems qu'on alloit à la conférence, ou à la lecture des écrits des faints.

L'exemple des Moines paffa dans le monde; celui des Chartreux en particulier, & de Cluny, donna à penfer qu'on pourroit manger en beuvant. Tous ne s'accorderent pourtant pas d'abord l'ufage du pain (a), que ces Religieux avoient trouvé à propos de fe permettre, mais ils fe contenterent de quelques fruits fecs. Saint Thomas les permit, à condition qu'on n'en uferoit que très-fobrement pour la pure néceffité. On ne tarda plus à exceder cette réserve; on fit entrer le pain & le vin (b) dans la colation, qui devint une forte de repas. L'Eglife le toléra encore, & les Evêques ne trouverent plus d'autres remedes pour arrêter cette licence, que de la moderer, & de lui donner les plus étroites bornes (c) qu'il feroit poffible. Quelques cafuites ne les ont, ni aidé en cela, ni imité; ils ont, au contraire, élargi encore la voye, enfeignant qu'on pouvoit fans péché manger à colation toute forte de fruits, d'herbes & de racines. Ils y ont ajoûté

(a) Baillet, p. 148. (b) Id. p. 149. (e) Ibid.

les foupes aux herbes, les amandez, les petits poiffons frits ou rotis, le lait, le fromage, la pâtiferie. Il eft vrai qu'ils n'ont pas été fuivis là-deffus par tout le monde Chrétien; mais de-là eft venue la permiffion du vin, des fruits & des falades. Des Communautez Religieufes adopterent ces indulgences, & ne tarderent pas à faire de la colation une forte de repas en forme, auquel on devoit s'affeoir, & faire la lecture, comme le porte la regle des Théatins: Jejuniorum tempore ad ferotinam canulam fimul accedant, cibum fedentes fumant: fpiritalis lectionis cibo reficiantur (a) Que fi l'on demande après cela à quoi l'on doit s'en tenir en matiere de colation, Gerfon (b) répond qu'il faut fuivre les coutumes des lieux, & fe garder de la fenfualité. Les canoniftes & Bellarmin difent la même chose. Saint Charles (c) Cardinal & Archevêque, eft plus décifif, & réduit ces colations à une once & demie de pain & à un verre de vin, fi on en a befoin à condition qu'on ne fera qu'un vrai repas vers Nones? Semel tantùm in die poft meridiem cibum capiant ; quòd fi aliquid alicui ampliùs opus erit, vef(a) Regle des Théatins. (b) Tom. 2. p. 25. (c) Alta ecclef. Mediol,

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vefperi panis unciam cum dimidia, & vini poculum tantùm capere liceat. Mais c'eft pour des domestiques ( a ), & par conféquent pour des perfonnes obligées au travail, qu'il accorde cette indulgence; par où l'on voit à combien peu de chofe elle fe doit réduire. C'eft fur quoi cependant on ne trouve nulle autre décifion (b) eccléfiaftique; mais comme la raifon de néceffité (c) a fervi de prétexte à la colation, & que ce n'eft que par indulgence que l'Eglife l'a tolérée, on doit comprendre que l'on ne peut s'accorder trop peu de chofe dans ce repas, qu'il ne faudroit même faire qu'en cachete, & à la dérobée, à peu près comme il se pratique en certaines communautez Reli gieufes, où on ne dit, ni benedicite, ni graces à la colation, parce qu'on n'a point encore ofé la faire paffer pour un repas. L'indifcrétion de quelques cafuiftes a été jufqu'à ofer déterminer qu'on pouvoit fe permettre la quantité (d) de dix onces d'alimens folides à la colation: mais c'eft ce qu'il eft impoffible ou dangereux de définir (e). La diverfité des tempéramens, des com

(a) Thomas. p. 325. (b) Pasmans. th. VIII. (Q) Ibid. (d) Baillet, p. 150. (e) Pafmanfth. viii. Tome II.

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