eux feignirent de vouloir embraffer le Chriftianisme. Ils affiftoient régulierement à mes inftructions, & ils faifoient paroître beaucoup plus d'ardeur que les autres Catéchumenes j'étois charmé de leur ferveur dont il ne m'étoit pas poffible de prendre le moindre ombrage, lorfque j'appris que le Pere de la Breuille & le Pere Petit étoient fur le point d'arriver à Tarcolan. Je pris la réfolution d'aller les recevoir à Carouvapoundi, & j'avertis un de mes Catéchistes de fe préparer à m'accompagner dans ce petit voyage. Un des Gardes étant venu le foir affez tard, s'apperçut de quelque mouvement, qui lui donna des foupçons de mon départ il courut auffi-tôt en avertir ceux que Sexfaeb avoit laiffez pour me garder cette & nouvelle les déconcerta, parce que le Capitaine, dont ils devoient recevoir les ordres, n'étoit pas alors à Tarcolan: ils lui dépêcherent un Exprès à minuit, pour hâter fon retour, Le Capitaine monta fur le champ à cheval avec tous fes Soldats, dès la pointe du jour il fe rendit dans le bois de Tarcolan. II commença par faire inveftir à petit bruit ma Cabanne, & il commanda à ceux de fes Soldats , qui étoient pourvûs de moufquets, de fe tenir prêts à tirer au premier ordre, au cas qu'on voulut faire quelque réfistance. Ayant ainfi difpofé fon mon de, il me fit avertir que s'en allant à Arcarou, il fouhaitoit m'entretenir avant que de continuer fon voyage. J'allai le trouver à l'inftant même: après quel ques paroles affez obligeantes il me dit qu'il étoit fâché de m'apprendre que Sexfaeb étoit mal content de ma conduite fur quelques rapports qui lui avoient été faits, & en finiffant ces paroles, il ordonna aux Soldats de dépouiller les Chrétiens & les Ca téchiftest Comme je vis qu'on fe mettoit en devoir d'exécuter fes ordres, je lui repréfentai qu'il m'étoit facile de nous juftifier de ces accufations injuftes, par lefquelles on avoit tâché de nous noircir dans l'efprit de Sexfaeb; que je n'ignorois pas quel étoit le motif de ces calomnies; que. les Gentils n'avoient que trop fait éclater la haine qu'ils portoient à la Loy fainte que j'enfeignois à mes Difciples; qu'on faifoit bien peu de cas de la permiffion que le grand Pacha nous avoit * Ils appellent ainfi le Grand Mogok donnée d'en faire une profession ouverte dans fes Etats; qu'au reste, si l'on usoit de violence, it devoit s'attendre que j'en porte rois mes plaintes à Daourkan for Lieutenant Général, & que j'avois lieu d'efpérer qu'il nous ren droit juftice. Enfuite me tournant vers ceux que je fçavois être les auteurs de cette perfécution: « Vous croyez, » leur dis-je, qu'en excitant de pareils troubles, vous mettrez quelque obftacle au progrès du » Chriftianifme; vous vous trom»pez. Scachez au contraire qu'outre les peines que vous at>>tirera une entreprise de cette » nature, loin de réuffir dans » votre projet, tout ce que vous faites pour étouffer le Chriftia» nifme dans fa naiffance, ne fervira qu'à lui donner de nou>> yeaux accroiffemens. Voyez ces >> branches de Palmier; plus vous » les baiffez vers la terre, plus el» les s'élevent vers le Ciel: il en » eft de même de la Loy fainte que je vous annonce; elle pren» dra de nouvelle force, à me>> fure que vous ferez des efforts pour la détruire. » Je n'eus point d'autre réponse que celle qui me fut faite par le Capitaine, qui eft un Rajapou-. tre Gentil Je fuis Officier de Sexfaeb, me dit-il affez féchement, je dois obéir à fes ordres. Un de mes Catéchistes qui parla alors avec une fermeté vrayement Chrétienne, fut rudement maltraitté des Soldats qui lui déchargerent fur le corps de grands coups de Chabouc* Il les fouffrit avec conftance; & loin de fe plaindre: « Arrachez-moi la vie, *C'eft un grand fouet d'une espéce particuliere. 7 |