Imágenes de páginas
PDF
EPUB

» leur disoit-il, je fuis prêt de la facrifier pour la caufe de JesusChrift.

[ocr errors]

Ils prirent aux Chrétiens tout ce qu'ils avoient, puis ils les traînerent avec violence dans l'Eglife, où ils les renfermerent. Pour moi j'entrai dans ma Cabanne, & comme je vis qu'ils fe difpofoient à prendre le peu qu'il y avoit, je me faifis de mon Breviaire, & je me retirai à l'écart fous un arbre, où je commençai mon Office en leur présence. Dieu permit que tout le mouvement qu'ils fe donnoient, ne me causât aucun trouble: ils en étoient étonnez, & je les entendois qui fe difoient les uns aux autres : « Voilà un étrange hom» me, il eft auffi peu émû, que >>fi nous mettions au pillage la maifon d'un de fes ennemis ; ll ne nous regarde feulement pas.

On enleva les Ornemens qui me fervoient à l'Autel, quelques ba gatelles d'Europe, & une petite boëte où étoit le refte des aumônes que j'avois reçues de France pour mon entretien, & pour celui des Catéchiftes.

Après avoir achevé tranquillement mon Office, je m'appro chai du Capitaine, & je lui demandai deux petites Statuës l'une de Notre-Seigneur, l'autre de la fainte Vierge; elles étoient ornées de quelques pierres colorées, qu'il avoit pris d'abord pour des pierres précieuses d'une valeur ineftimable; mais s'étant détrompé, il n'eut pas de peine à me les rendre, non plus que quelques Livres de piété qui m'ont été fort utiles dans ma pri fon.

Le Cramani vint alors me témoigner la part qu'il prenoit à

ma difgrace je lui fis un petit discours en présence des Idolâtres pour l'animer à fouffrir conftamment la perte de fes biens & même de fa vie, s'il étoit néceffaire, pour la défense de la Foy. Je m'entretenois encore avec lui, lorfque le Capitaine monta à cheval; c'étoit le fignal qu'il avoit donné pour m'arrê

ter. Les Soldats & les Gardes m'environnerent auffi-tôt, & fe faifirent de moi pour me conduire en prison.

La trompette n'eût pas plûtôt fonné, que tous les habitans de Tarcolan fortirent de leurs maifons pour être témoins de ce fpectacle. Tout le chemin jufqu'à la Ville, & toutes les rues de Tarcolan étoient bordées de Gentils. Je n'entendois tout autour de moi que des cris de triomphe, des reproches & des

invectives. «Le voilà, s'écrioientils, le voilà celui qui parle mal » de nos Dieux : O qu'il mérite » bien ce qu'on lui fait souffrir! » Si la Religion qu'il enseigne » étoit véritable, lui feroit-on un » si sanglant affront? A-t-on ja» mais vû un Sanias * aller en pri» fon au milieu des acclamations » de tout un Peuple? » D'autres au contraire paroiffoient touchez, & difoient que leur Ville étoit menacée de quelque grand malheur, puifqu'on commettoit un crime fi énorme.

On me conduifit au milieu de ces clameurs dans un Chaveri ** public. On crut que le Capitaine alloit me mettre fur la fellette pour me faire les interrogations.

* Nom qu'on donne aux Religieux Indiens. **Efpéce de Halle quarrée & ouverte d'un feul côté, où il eft permis à tout le monde d'entrer.

accoûtumées; mais on fe trompa: fon deffein étoit de me donner plus long-temps en fpectacle à tout ce grand Peuple. Au fortir du Chaveri, on me fit traverfer une grande rue, au bout de laquelle eft la fortereffe, où la grace de Dieu j'entrai avec un vifage tranquille & ferain. Un grand Mandabam * de pierre étoit la prifon qu'on m'avoit deftinée.

par

Peu de tems après je vis arriver plufieurs Chrétiens : je ne fçavois pas qu'on voulût aussi les faire prifonniers. Touché des miferes aufquelles ils alloient être expofez, je dis à l'Officier qui les conduifoit, qu'il fuffifoit de m'arrêter moi seul, & que je répondois pour tous les autres : il fut infléxible à mes prieres.

* Maifon voûtée où le jour ne peut entrer

[blocks in formation]
« AnteriorContinuar »