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Gourou ne fervit qu'à aigrir davantage l'efprit des Brames; il révéla publiquement certaines pratiques honteufes qui font en ufage dans quelques-unes de leurs cérémonies, qu'il étoit de l'intérêt des Brames de tenir secrettes. C'est auffi ce qui les engagea à le tourmenter d'une maniere cruelle, & à le chaffer enfin de fa Peuplade, lui, sa femme, & fes enfans.

Ces pauvres gens dénuez de toutes chofes, fe retirerent dans une autre Peuplade, où on les reçut avec charité. Auffi-tôt que les Brames en furent avertis, ils députerent un d'eux pour les en faire chaffer. Le Catéchumene ne fçachant plus où trouver un afile contre la rage de fes perfécuteurs, fit réflexion que fa femme avoit des parens à Tirouvel veli, qui eft à l'autre extrêmité B

XI. Rec.

du Royaume de Maduré : il s'y retira; mais les Brames le pourfuivirent encore jufques-là. L'un d'eux étant venu à mourir fur ces entrefaites, on accufa le Catéchumene de lui avoir ôté la vie par fortiléges. Le déchaîne ment devint plus grand que ja mais par cette nouvelle calomnie & il fut contraint de fortir au plûtôt de la Province. Ar Nhanapragajaayen c'eft le nom du Catéchumene, prit la fuite vers le Cholomandalam: il fe reposoit sous un grand arbre au bord d'un ruiffeau, lorfqu'il vit arriver fon beau-pere, qui venoit chercher fa fille, & la délivrer des difgraces continuelles que lui attiroit la compagnie de fon mari. Nhanapragajaayen vivement touché des maux que fa femme fouffroit à son occasion eut moins de peine à se séparer

d'elle. Les enfans fuivirent la mere, & le Catéchumene se vit tout-à-coup, comme un autre faint Eustache, dépouillé de fes biens, abandonné de fa femme & de fes enfans, & perfecuté par tout où il portoit fes pas. Il arriva enfin chez le P. Simon Carvalho ancien Miffionnaire deMar duré, qui le reçut comme un zé→ lé Confeffeur de Jefus - Chrift & qui lui conféra le faint Baptême.

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Ce fut vers ce tems-là que je m'adreffai aux Miffionnaires de Maduré, pour avoir quelques Brames qui puffent faire la fonction de Catéchiftes. On jetta les yeux fur le Néophyte dont je parle. A peine eut-il paffé quinze jours dans ma Miffion, qu'il fut fait prifonnier, & conduit avec moi dans la Fortereffe. Il ne manquoit plus que cette épreuve

pour achever de couronner ce grand ferviteur de Dieu, qui marqua en cette occafion, comme dans toutes les autres, beaucoup de fermeté & de courage.

Le fecond Brame étoit un jeune homme de quinze à seize ans, que j'avois élevé à Aour dès fon bas âge. Sa mere eft une vraye fainte fi elle perfévere dans les exercices de piété qu'elle pratique depuis plufieurs années, il y a lieu de croire qu'elle portera au tombeau l'innocence de fon Baptême. J'avois donné ce jeune Brame au Pere de la Fontaine, qui me l'envoya peu de jours avant ma détention. Il tomba malade à fon arrivée, & il avoit actuellement une groffe fiévre, lorfqu'on l'arrêta prifonnier. On eut, la cruauté de le faire marcher à pied dans des terres brûlantes, fans avoir égard

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à l'état de la langueur où il fe trouvoit. Il tomba évanoui à l'entrée de la prison, & peu après il fut à l'extrêmité. J'admirai plus d'une fois le mépris qu'il faifoit de la vie, & le defir ardent qu'il avoit de s'unir à Je fus-Chrift. L'impuiffance où j'étois de le foulager, fut une des plus grandes croix de ma prifon.

J'avois baptifé le troifiéme Brame à Tarcolan avec fa mere, qui eft un exemple de ferveur & de piété. Elle n'a jamais donné le moindre figne de foibleffe, & elle exhortoit même fes compagnes à fouffrir avec conftance les rigueurs de la prifon, & la mort même, fi Dieu leur accordoit une auffi grande grace que celle de perdre la vie pour la défense de la Foy.

Le plus ancien de mes Caté

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