me Enfin le Cramani, dont j'ai parlé au commencement confola infiniment par la réfolution qu'il fit paroître. Loin de fe retirer, comme il pouvoit le faire, au moment que je fus arrêté, il fut toujours à mes cô tez tandis qu'on me conduifoit dans la Ville au milieu des malédictions dont les Idolâtres me chargeoient. Auffi-tôt que je fus en prifon, on mit des Gardes à fa porte, & dans l'intérieur de fa maifon : fa femme en fut fi effrayée, que paffant par-deffus la muraille de fon jardin pour fe fauver, elle fe preffa fi fort, qu'elle tomba, & fe bleffa affez dangereufement. Ses parens renouvellerent à cette occafion tous leurs efforts pour obliger le Cramani à renoncer à fa foy: ce fut en vain: il me vifitoit fouvent dans la prifon, ce qu'il ne pouvoit faire fans courir. beaucoup de rifques. Je lui fai fois alors quelque exhortation pour l'affermir de plus en plus dans la Foy je n'ai encore vû perfonne qui fut fi avide de la fainte Parole: auffi cette divine femence tombant dans un cœur bien préparé, produifoit chaque jour de nouveaux fruits de bénédiction. Je ne finirois point fi j'entrois dans le détail de toutes les actions par lesquelles ces nouveaux Fideles fignalerent leur zele pour la Religion: ainfi je paffe à ce qui arriva durant tout le tems de ma prison. 4 C'étoit pour moi une Miffion prefque continuelle. Le matin nous nous affemblions en deux endroits differens: Pon faifoit d'abord la Priere, enfuite on récitoit le Rofaire à deux chœurs après quoi je faifois une exhortation à ceux qui étoient auprès de moi, & j'envoyois un Catéchifte en faire de même dans l'endroit où étoient les femmes. Le refte du tems je me retirois pour vaquer à l'Oraifon & réciter mon Office. Le Catéchiste venoit de tems en tems m'informer de ce qui i fe paffoit, ou je faifois venir quel qu'un des prifonniers pour lui donner en particulier les avis que je croyois convenables à la fituation où il fe trouvoit. Les exercices de pieté étant finis chacun s'occupoit à arracher de, petites plantes qui fe trouvoient dans la cour de la Fortereffe: on les faifoit fécher au Soleil & comme nous n'avions point débois, on s'en fervoit pour faire cuire le ris qu'on donnoit aux prifonniers. L'après-dînée se pasfoit dans diverfes pratiques de pieté. او L'abftinence que garderent nos Néophytes, fut des plus rigoureuses: ils ne faifoient qu'un repas par jour, & le peu qu'ils prenoient, n'étoit pas capable de les foutenir, en peu de jours ils ne furent plus reconnoiffables, & lorfqu'on les délivra de prifon, ils reffembloient plûtôt à des cadavres, qu'à des hommes vivans. C'est Pour moi je crus que je devois m'abstenir même du ris ordinaire, & me contenter feulement d'un peu de lait, & de quel ques poignées d'Avel. ainfi que vivent les grands Pénitens aux Indes quand ils font prifonniers. Il eft certain que je n'aurois jamais pû mener filongtems ce genre de vie fans une protection toute particuliere de * C'est du ris rôti avec l'écorce, & pilé, Dieu. A la fin pourtant je contractai une toux féche qui me faifoit beaucoup fouffrir, & qui fans doute sauroit terminé mes jours, fi ma prifon eût été plus longue. ung ba yun mor is sh Les Gardes qu'on nous avoir donnez, nous incommoderent fort dans la crainte où ils étoient que je ne vinffe à m'échapper de leurs mains, s'ils me perdoient de vue. On leur avoit perfuadé que j'étois Sorcier, & que par la vertu magique je pou vois m'élever en l'air, & paffer par-deffus les murailles de la Fortereffe. Ces bonnes gens furent long-temps dans cette erreur, & ils ne fe défabuferent qu'après m'avoir fort importuné nuit & jour par leurs affidui tez. Le fecond jour de ma prifon, le Capitaine de la Fortereffe |