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réponses qu'ils avoient déja faites à de femblables demandes, on commença à les tourmenter, on leur ferra les mains entre deux pieces de bois qu'on preffoit avec violence. La question qu'on leur donna aux pieds fut encore plus cruelle. Le Rajapoutre qui m'avoit fait tant de menaces, croyant qu'ils ne souffroient pas encore affez, fe mit lui-même à tirer les cordes de toutes fes forces pendant plus d'une demie-heure. Cette torture eft très - violente, & plufieurs de ceux qu'on y applique, expirent de douleur: c'eft pourquoi on defferra un peu les cordes pour leur donner quelque relâche. Deux autres Catéchiftes furent traitez avec la même rigueur, & eurent une conftance égale. Cependant on fit venir un Kollen (c'eft celui qui fait

les ouvrages de fer, ) & on lui ordonna de mettre au feu de grandes tenailles qu'il avoit apportées, pour faire fouffrir aux Catéchiftes un autre genre de tourment encore plus rigou

reux.

Nous ne fçavions rien dans la prifon de tout ce qui fe paffoit au dehors, & nous étions en prieres lorfque les Gardes vinrent me chercher à mon tour. Les Chrétiens ne douterent pas que ce ne fût pour me livrer aux tourmens, & ils vouloient abfolument me fuivre pour participer à mes fouffrances. Un jeune homme nommé Ajarapen, & parent du Cramani, se distingua parmi les autres: bien qu'il fût malade, il me conjuroit avec larmes, de lui permettre de tager avec moi le bonheur que j'allois avoir de fouffrir pour

par

JESUS-CHRIST. Je fus inéxorable, & je lui défendis, comme au refte des Chrétiens, de fortir de la prison: je les priai feulement de demander au Seigneur les forces dont j'avois befoin dans cette nouvelle épreu

ve.

Le bruit s'étant répandu dans la Ville que j'étois appellé au Chaveri, toutes les rues fe trouverent remplies de monde à mon paffage: quelques-uns me portoient compaffion; d'autres, & c'étoit le plus grand nombre, me chargeoient d'injures, & difoient que je méritois toute forte de châtimens pour avoir méprifé leurs Dieux. En arrivant au Chaveri, je trouvai mes Ca téchistes étendus par terre: ils avoient les pieds violemment preffez entre de groffes piéces de bois attachées avec des cor

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des: & ils ne pouvoient remuer les mains, quoyqu'on les eût un peu defferrées. Deux Indiens avoient en main un long chabouc prêt à les frapper de nouveau au moindre figne. Le Kollen faifoit rougir au feu fes tenailles, & faifoit grand bruit avec des gros foufflets qu'il agitoit continuellement. Les Brames & les Rajapoutres étoient affis fur un lieu élevé: on me fit arrêter debout en leur préfence. Le plus ancien des Brames prit la parole: » Enfin voilà, me » dit il, où ont abouti toutes tes » Prédications: tu as crû t'élever » au-deffus des Brames par ta » fcience, & par ta Loy, & te » voilà maintenant abbatu & hu>> milié àleurs pieds: tu as mépri» fé nos Dieux, & tu es tombé » entre les mains de Sexfaeb qui » les vengera de tes mépris. Re

garde les inftrumens de ton fup» plice.

Je répondis à ce Brame qu'il me faifoit plaifir de me declarer le motif des mauvais traitemens qu'il me faifoit ; que puifqu'il y étoit porté par la haine de la Religion que je prêchois, plus il exerceroit fur moi de rigueurs, plus il augmenteroit la recompenfe que j'attendois dans le Ciel. » Hé quoi, me dit fur ce» la le Brame, crois-tu aller toi >> feul au Ciel avec tes Disciples? » Prétends-tu que tous tant que » nous fommes qui ne fuivons » pas ta Loy, nous devions être » damnez? Il n'y a de falut, lui repondis-je, que pour ceux qui » fuivent la Loy que je prêche. Comme je voulois continuer, le Capitaine m'impofa filence, & dit au Brame en langue More, de ne plus toucher cette matiere..

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