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Auffi-tôt le Brame changea de langage, & me répéta ce qu'on m'avoit déja dit tant de fois, que je ne pouvois me fouf traire qu'à force d'argent aux fupplices qui m'étoient préparez. » Sur quoi fondé, lui dis»je, me demandez-vous de l'ar>> gent? fi c'est une peine que vous m'impofez, dites-moi quel est >> mon crime, faites venir mes » accufateurs? Quoi, vous me › condamnez à vous donner ce que je n'ai pas; & fi je le re» fufe, vous me menacez des » tourmens les plus cruels? Où » eft la juftice? où eft la raison? » Mais reprit le Brame, n'en»feignes-tu pas ta Loi en pro» mettant de l'argent à ceux qui » l'écoutent Citez-moi, lui dis-je, un feul homme qui ofe » foûtenir ce que vous avancez, »j'avouerai que j'ai tort. Mille

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» gens le difent, répondit le » Brame. Quoi, lui repliquai-je, » de mille perfonnes vous n'en fçauriez produire une feule. C'eft de l'argent qu'il nous faut, » reprit le Brame, autrement tes Disciples vont être tourmen»tez de nouveau en ta préfence, » & enfuite on te tourmentera toi» même. Comme je ne répondais rien, il fit battre les Catechistes. Les coups redoublez de chabouc, faifoient un bruit effroyable, & rien n'égaloit la douleur que je reffentois d'être le témoin de leurs fouffrances. Quand on fut las de les frapper, le Brame m'adreffa encore la parole, & m'ordonna de jetter les yeux fur les tenailles toutes rouges que le Kollen venoit de tirer du feu. Je ne fis, ou plûtôt je ne parus faire nulle attention à ce qu'il me difoit: fur quoi il me commanda d'avan

cer: je crus alors, à n'en pouvoir douter,qu'on m'alloit brûler

à

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peu avec ces tenailles ardentes; graces au Seigneur qui me foûtenoit, je fentis en moi une force que je n'avois pas encore éprou vée, mais je fus bien furpris lorfque m'étant approché du Brame, il m'ordonna fimplement de le fuivre.

Il étoit accompagné de deux Brames & d'un Rajapoutre: ils me menerent dans une maison voisine du Chaveri: après m'avoir fait affeoir au milieu d'eux le plus ancien me dit d'un air touchant, qu'il avoit été obligé malgré lui de me maltraiter de paroles en public, dans la crainte qu'on ne l'accusât auprès de Sexfaeb, de n'avoir pas affez menagé fes intérêts; mais que dans le fonds il étoit affligé de la fituation où je me trouvois;

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qu'il me conjuroit de donner quelque argent pour me tirer d'un fi mauvais pas. C'est tout de „, même, lui dis-je, que fi vous m'ordonniez de voler dans les airs, quoique je n'aye point d'ailes. Cette comparaifon le ,, frappa. Du moins, me dit-il, ,, promettez quelque chofe, je me ferai votre caution jufqu'à ,, ce que vous ayiez payé. Je lui fis réponse que je n'avois rien & qu'ainfi je ne pouvois rien pro» mettre. Mais, reprit un autre » Brame, ne pouvez-vous pas » engager vos Difciples à vous "affifter dans un befoin fi pref»fant? lui ayant répondu que nous nous étions fait une Loi de nerien demander à nos Disciples.

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Hé bien, continua-t-il, il faut » donc vous réfoudre à fouffrir » les tourmens que vous méritez, >> y penfez-vous? Si vous aviez

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» affaire à des Badagas nés dans » ces terres, vous auriez quelque efpérance de les fléchir; mais >>fçavez-vous que vous avez à >>traitter avec des Barbares,avec » des Mores, avec des gens détestables par leur cruauté,& par » leur avarice ? Et il ajoûta pref» que en pleurant : quoi unEtran»ger en proye aux plus cruelles douleurs! quoi un Sanias! Mais >> que faire ? c'eft vous-même qui » vous perdez, levez-vous donc, », & fuivez-nous.» Enfin ces Brames me dirent tant de chofes touchantes,& leurs paroles étoient fi étudiées, que bien qu'il y ait plufieurs années que je fois accoûtumé à leurs artifices, ils me perfuaderent qu'on m'alloit brûler les mains, me tenailler, & me livrer aux autres fupplices dont ils me menaçoient. Je les fuivis dans cette pensée,

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