blie parmi eux de faire au commencement de chaque année unt Sacrifice folemnel au Soleil ce Sacrifice eft fuivi de feftins aufquels ils s'invitent les uns les autres leurs proches parens & leurs amis ne manquent jamais de s'y trouver. Le Cramani de Tarcolan nouvellement Chrétien, confulta mes Catéchiftes fur la conduite qu'il devoit tenir dans cette occafion; ils lui répondi rent, ce qu'il fçavoit bien, qu'il ne pouvoit pas affifter au Sacri fice des Gentils, mais qu'il lui étoit permis de donner de feftin, & d'y inviter fes parens & fes amis; que les Chrétiens de Madure, afin de n'être pas foupçonnez d'imiter les cérémonies Payennes, prévenoient les Gentils de trois ou quatre jours; Premier Juge de la Ville. qu'avant que de commencer la fête, ils chantoient des Cantiques de pieté, & qu'enfuite ils faifoient une aumône générale à tous les pauvres qui s'y trou voient. Le Cramani prit le même parti, & il voulut que la fête fût magnifique. Il fit faire un grand Pandel qu'on tapiffa de toiles peintes les Catéchistes drefferent au milieu un Autel qu'ils ornerent de fleurs : ils poferent fur l'Autel une Statue de la très-fainte Vierge, avec plufieurs cierges allumez, & diverfes caffolettes remplies de parfums on fit venir les tambours & les trompettes de la Ville; on chanta avec beaucoup de pieté les Litanies de NotreDame, après quoi l'on fit une *Efpece de Salle couverte de nates foutemuës par des pilliers de bois. décharge de queques boëtes. Une grande partie de la Ville fe rendit devant la porte da Cramani, où tous les Chrétiens s'étoient affemblez. Les Catéchiftes voyant cette multitude de Peuples, profiterent de cette occafion pour leur annoncer les Véritez du Chriftianifme: chacun d'eux fit un difcours trèstouchant ils parlerent fur-tout avec beaucoup de force contre le Sacrifice du Soleil ; ils firent voir que ce n'étoit qu'au Créateur du Soleil & de tout l'Univers, qu'on devoit rendre fes adorations; il s'étendirent enfuite fur les grandeurs de Dieu, & fur la fainteté de la Loy qu'il a donnée aux Hommes. La plûpart des Auditeurs parurent émus, mais quelques Gentils les plus acharnez contre le Chriftianif me, ne purent retenir leur rage; ils la déployerent ouvertement jufqu'à engager dans leur parti les principaux parens du Cramani; & de concert enfemble ils le priverent des honneurs qu'on a coûtume de lui rendre comme au premier de la Ville, & ils le déclarerent déchu des privileges de fa Caste. C'étoit tout ce qu'ils pouvoient faire par eux-mêmes pour témoigner leur reffentiment. Voici maintenant ce qu'ils tramérent secrettement contre lui, & contre les Chrétiens , par l'entremise des Mores. C'étoit vers ce tems-là que Sexfaeb fe rendit à Tarcolan. Dès le lendemain de fon arrivée on lui fit le portrait le plus odieux des Chrétiens & en même-tems on lui infinua qu'il ne devoit pas laiffer échapper le moyen infaillible qu'il avoit de s'enrichir en m'arrêtant prifonnier. Ces représentations flattoient trop l'avarice du Gouverneur pour qu'il pût s'en défendre. Ce jour-là même il fit venir quelques-uns des Gardes de la Ville, & il leur donna ordre d'être attentifs a toutes mes démarches, & de fe faifir de moi au premier mouvement que je ferois pour fortir de Tarcolan: il les rendoit refponfables de ma fuite, au cas que j'échappaffe à leur vigilance. Le lendemain les Gardes vinrent fous différens prétextes dans le Topo (c'est un bois près de Tareolan, où eft mon Eglife) & ils ne me perdirent point de vûe jufqu'au jour que je fus pris. Pour avoir quelque raifon de me rendre visite & pour ne me laiffer pas entre-voir leur mauvais deffein, deux d'entre |