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rage lui firent oublier fes propres interêts, & mépriser toutes les raifons de prudence qui fembloient le détourner de la démarche qu'il vouloit faire. Il entre chez le Gouverneur, & il lui dit avec un air modefte, mais d'un ton ferme & affûré,qu'ayant fçû que fon frere aîné avoit été emprifonné, il apportoit fa tête pour mourir avec lui, s'il étoit coupable: mais que s'il étoit innocent, il demandoit qu'on le mît en liberté. Sexfaeb fut d'abord furpris: cependant il fit des honnêtetez au Miffionnaire, & après une demie heure d'entretien qu'il eut avec lui, il lui accorda fa demande.

Le P. Martin se mit donc en chemin pour Tarcolan avec une lettre qui contenoit les ordres de Sexfaeb. Auffi-tôt qu'il y fut arrivé, il se rendit au Chaveri

public, & préfenta la lettre du Gouverneur. Le Capitaine étoit à une grande lieuë delà dans une Peuplade où il fait fa demeure. En attendant que la lettre lui fût portée, le Missionnaire demanda la permiffion de me voir, & on la lui accorda. La joye fut grande de part & d'autre, & nous l'exprimâmes réciproquement par les embraffemens les plus tendres. Ce cher Pere avoit de la peine à me reconnoître, tant j'avois le vifage have & défiguré. Quelques heures que nous passâmes ensemble, me dédommagerent de toutes mes peines passées.

Cependant on n'avoit point de nouvelles du Capitaine, ce qui fit foupçonner que la lettre du Gouverneur n'étoit pas peutêtre auffi favorable, que le Pere Martin fe l'étoit imaginé.

Nous fumes raffurez fur le foir: le fon de la trompette se fit entendre, & peu de tems après le Capitaine arriva à la Fortereffe. Il me dit d'abord qu'il avoit ordre de m'élargir, & de rendre à mes Difciples tout ce qui leur avoit été pris. Cet ordre s'exé cuta à l'heure même. On fit venir les tambours & les trompettes, on ne mit dans un Palanquin, & le même Capitaine qui m'avoit fait prifonnier, me conduifit avec honneur jusqu'à mon Eglife.

Je voulois retenir quelques jours avec moi le Pere Martin, à qui nous devions notre délivrance les Chrétiens qui avoient été les Compagnons de ma prifon l'en conjuroient inflamment: mais fon zéle ne lui permit pas de nous donner cette fatisfaction; il étoit dans l'impatience

patience de retourner à fa chere Miffion, qu'il avoit abandonnée à cause de nous, & après les adieux réciproques, il prit le chemin de Maduré.

Voilà, Monfieur, comment s'eft diffipé ce premier orage, que les Gentils avoient élevé contre les nouveaux Chrétiens de Tarcolan. Il n'a fervi, graces à Dieu, qu'à confondre les ennemis de la Religion, qu'à confirmer dans la Foy ces premiers Fideles, qu'à faire éclater leur conftance & leur zele pour la défense des veritez Chrétiennes, & qu'à augmenter de plus en plus le nombre des adorateurs de JESUS-CHRIST.

J'efpere vous donner bien-tôt des nouvelles de l'Eglife des trois Rois que vous avez fondée dans le Royaume de Carnate. On m'a part d'une Relation fuccinXI. Rec.

fait

D

74 Lett. de quelques Million.&c. te de Jofeph Somera, fur la seconde tentative faite par les Ef pagnols, pour la découverte des Ifles Palaos, appellées autrement les nouvelles Philippines, & on a accompagné cette Relation d'une Carte fort exacte. Je vous envoye P'une & l'autre, & je fouhaite que vous en foyez content. J'ai l'honneur d'être avec un profond refpect,

MONSIEUR,

Votre très humble & très-obéïffant
ferviteur en N. S. BOUCHET,
Miffionnaire de la Compagnie de
JESUS.

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