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fond le Droit public & particu. lier, il joignoit aux fpéculations les plus vaftes, une grande pratique des affaires, dans laquelle il eut lieu de s'exercer pendant les temps les plus difficiles.

Ainfi nous ne fçaurions douter que, comme les amateurs de l'Eloquence fe forment au talent de la parole fur ce grand Maître de l'Art; ceux qui tiennent les rênes du Gouvernement, n'euffent puifé dans ces Livres des maximes d'autant plus folides (*), qu'il s'attachoit fur toutes chofes, felon S. Auguftin, à prouver, qu'on ne pouvoit bien gouverner un Etat que par les principes de la justice.

Le deffein des Livres de la République & de ceux des Loix, eft pris de Platon; mais Cicéron l'exécuta fur d'autres idées, Loin donc de vouloir changer la conftitution de l'ancienne Républi

(*) De Civit. Dei, lib, 2, c, 21.

que, je crois qu'il ne s'étoit point fait d'autre but que de réformer les abus de la nouvelle; ou plutôt, car le terme de réformer donne trop d'étendue à l'effet des meilleurs Livres, je crois que Cicéron, dans un temps où l'ambition des Grands & l'efprit d'indépendance & de faction commençoient à préluder à cette tragédie funefte dont le dernier acte fe devoit terminer par la perte de la liberté; Cicéron, dis-je, traçoit aux yeux de fes Citoyens, l'image d'une République la plus floriffante qui fût jamais, tandis que les loix, les mœurs, la difcipline, la religion, la fubordination, l'amour de la Patrie, la juftice, le défintérefsement, la frugalité, & les autres vertus y avoient été en quelque confidération, afin de faire comprendre à ceux à qui il reftoit encore quelque fentiment, que

la différence de leur état ne venoit que de la différence de leur vie & de leur conduite.

Pour s'en convaincre, il ne faut que lire un endroit du cinquieme Livre de la République, que S. Auguftin nous a confervé (*), où Cicéron, après avoir rapporté ce Vers d'Ennius,

Tout gît pour les Romains dans les anciennes mœurs;

poursuit ainfi <«<: Que nous refte»t-il de ces anciennes mœurs?... hélas, les traces en font telle»ment effacées, que nous ne les >> connoiffons plus; tant s'en faut » que nous les fuivions encore. » Mais que dirons-nous des hom» mes? car la vraie raifon pour » laquelle nous n'avons plus de » mœurs eft , que nous n'avons plus d'hommes. Etrange di>> fette, dont nous ne pouvons >> pas rejeter la faute fur le ha»zard; mais dont nous fommes (*) Ibidem.

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» en quelque façon obligés de »> nous difculper, comme complices d'une chose arrivée par »notre faute, qui ne nous laiffe » plus qu'un fantôme de République, qu'un vain nom, que l'ombre d'un bien que nous >> avons perdu il y a déjà long

» temps ».

On juge bien que le même efprit doit régner dans les Livres, dont je donne la traduction au Public, & que la fin principale de ces Livres, eft de faire envifager le Droit & la Loi, comme les fondemens uniques de toutes les fociétés raisonnables.

Dans le premier Livre, Cicéron tâche de donner des idées juftes de ce Droit & de cette Loi, dont les noms employés vulgairement, l'un à fignifier le Droit Civil, l'autre, les réglemens arbitraires des Légiflateurs, ne préfentent point à l'efprit d'objet qui faffe

fur nous cette impreffion de refpect, que le Droit & la Loi, proprement dits, méritent; il fait voir que l'un & l'autre tirent leur origine de Dieu même; qu'ils font de l'inftitution de la nature, ou plutôt que c'eft la nature ellemême, le lien de l'affinité que nous avons avec les Dieux, & de la fociété qui unit les hommes les uns aux autres ; le principe de notre reconnoiffance envers Dieu, & de notre tendreffe pour nos femblables, la regle immuable de toute justice, de tout bien & de tout honneur, & enfin une lumiere commune à tous les hommes qui éclaire la raifon du Sage, & qui lui découvre les traces des Vertus qui font l'honnête homme & le bon Citoyen.

Dans la premiere partie du fecond, Cicéron propofe des Loix qui concernent la Religion, le culte des Dieux, les Fêtes, les

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