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meilleurs amis difputent tous les jours fans s'aliéner; j'efpere que Me D. ne trouvera pas mauvais que je me défende; & qu'elle fouffrira même que j'aye raifon en bien des choses. Nous n'avons en vûë l'un & l'autre que la vérité, & l'avan. tage du Public.

De l'Ode intitulée : l'Ombre

C

d'Homere.

Ette Ode renferme l'idée générale de mon Difcours & de mon Poëme, Il est naturel de commencer par la justifier, d'autant plus que Me D. en prend occafion de me reprocher un vice odieux, ce qui m'intereffe bien plus qu'une fimple erreur. Je fuis coupable à fon compte d'envie & de malignite, & elle m'en fair honte par l'autorité de Plutarque; com me fi nous n'avions pas elle & moy des maîtres de vertu infiniment plus refpectables & que je ne puffe apprendre toute l'injuftice d'un orgueil jaloux & malin, que de la bouche des Philofophes Payens.

Voyons cependant ce qui peut avoir

donné lieu à cette accufation. J'évoque l'Ombre d'Homere, avec tout le refpect que luy doit un Poëte, pour apprendre de luy-même comment je dois l'imiter pour plaire à mon fiècle. Il me donne des leçons, dont la prémiere eft de ne point l'adorer; il m'avertit enfuite d'éviter certains défaurs de fon ouvrage; & enfin je me crois en état d'éxécuter mon entreprise, comme Homere l'eût fait lui-même, s'il eût été à ma place.

Il y a là fans doute, pour Me D. quelque apparence de préfomption : Un Poëte de deux jours interroger Homere confacré par une réputation de trois mille ans le forcer à m'avouer les foibleffes; & me flatter de les corriger ! cela eft violent; & je ne fuis point furpris que le zele d'une Interprete d'Homere s'en foit d'abord fcandalisé. Ajoûtez qu'elle a vû à la tête de mon Livre une eftampe où Homere lui-même conduit par Mercure, me met fa lyre entre les mains. La profanation eft encore plus fenfible, car, fans vouloir citer Horace, la representation des chofes frape bien plus que le fimple récit. Sur cette appa

rence Me D. s'eft hâtée de conclure que j'étois coupable de cet orgüeil plein d'envie & de malignité, qu'elle détefte fur la parole d'un fort honnête Ancien.

Mais fi elle avoit obfervé la prémiere regle de la Critique, & qu'elle eût fufpendu fon jugement pour approfondir le véritable fens de l'Ode en question, elle ne m'auroit pas cité fi legerement devant Plutarque.

Je vais dépouiller mon Ode de tous les ornements poëtiques, en reduire éxactement le fens dans un langage férieux & litteral; après quoy j'ofe appeller à Me D. même du jugement précipité qu'elle en porte.

Voicy donc ce que mon Ode fignifie. L'Iliade d'Homere, que bien des gens connoiffent plus de réputation que par elle-même, m'a paru mériter d'être mife en Vers François, pour amufer la curiofité de ceux qui ne fçavent pas la langue originale. Pour cela j'interroge Homere; c'est-à-dire que je lis fon Ouvrage avec attention;& perfuadé en le lifant que rien n'est parfait, & que les fautes font inféparables de l'humanité, je suis en garde

contre la prévention, afin de ne pas confondre les beautez & les fautes. Je crois fentir enfuite que les Dieux & les Heros, tels qu'ils font dans le Poëme Grec, ne feroient pas de nôtre goût; que beaucoup d'Episodes paroîtroient trop longs; que les Harangues des combattans feroient jugées hors d'œuvre, & que le Bouclier d'Achille paroîtroit confus, & déraisonnablement merveilleux. Plus je médite ces fentiments, plus je m'y confirme, & après y avoir pensé autant que l'éxige le refpect qu'on doit au Public, je me propose de changer, de retrancher, d'inventer même dans le befoin; de faire enfin selon ma portée, tout ce que je m'imagine qu'Homere eût fait, s'il avoit eu affaire à mon fiécle. Je finis de plus, après m'être déterminé, en foupçonnant encore que mon orguëil pourroit bien m'abufer.

Si j'avois fimplement dit cela dans une Préface, ma conduite auroit-elle paru malignement orgüeilleufe? Je crois que Mc D. même se feroit contentée de me plaindre de mon erreur, fans m'accufer ni d'envie, ni de présomption. Cepen

dant qu'elle éxamine l'Ode; elle trou vera que je n'ay ajoûté à ce fonds, que des images & des expreffions poëtiques, & la fiction d'évoquer Homere, pour me faire dire par lui-même ce que fon Ouvrage m'a fait penser. Me D. voudra bien prendre ce raifonnement pour la juftification de l'estampe qui n'est que la représentation de l'Ode,

Voilà l'inconvenient de ceder trop légerement à l'apparence: on fait par précipitation des injures que l'on n'a pas quelquefois le courage de réparer, au lieu que fi l'on fe donnoit le temps d'approfondir les chofes, fi l'on fe défioit des prémiers jugements qu'on porte, à proportion qu'on a interêt de les porter tels, on préviendroit bien des erreurs que l'on reproche gratuitement aux autres. Je ne crois pas ces reflexions moins raifonnables, ni moins vrayes que fi je les avois lûës dans Plutarque.

A l'égard du style de cette Ode, Ma D. me reproche plufieurs fautes. Je conviens de bonne foy avec elle, que je ne me fuis pas expliqué clairement dans les quatre prémiers vers, & je m'attends

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