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gante, qu'il a fait par tout de fa Langue un ufage ingénieux, propre à faire valoir fes fables; & ainfi, fans jamais prononcer contre le choix de fes termes, je m'en fuis tenu précisément à l'ordre de fon Poëme, au caractere de fes Dieux & de fes Héros, au choix des actions, à la convenance des fentimens, en un mot, au gros des choses. Dira-t-on que dans les traductions litterales, faites en latin par des Sçavants à qui perfonne n'a contefté l'intelligence des deux Langues, je n'aye pû m'aflurer fuffisamment de ce qui fait l'objet de ma Critique ?

Je demande à Me D.même, pourquoi elle a traduit l'Iliade, fi elle n'a pas cru que fa traduction pût donner, à l'élégance près, une idée suivie de ce Poëme? Elle auroit beau me dire avec fa modestie ordinaire, que fa traduction est foible, languiffante & platte même en comparaison de l'Original; je pourrois vous le contester, lui répondrois-je, comme j'ai déja fait, mais je vous le paffe: quand vous dites qu'un des Héros de ce Poëme croïoit avoir la mort a fes trousses; qu'un autre dans une lutte donne le croc en

jambe à fon rival, au lieu de ces expreffions trop familieres, Homere employe là les plus beaux termes du monde : je le veux bien, mais qu'en pouvez-vous conclure, puifque je me restrains à ne juger que du fentiment & de l'action, que certainement vous n'avez pas prêtées à Ho

mere.

Comment Mc D. peut-elle parler fouvent de l'Ancien Teftament fans fçavoir l'Hebreu, c'eft que nous en avons une Traduction canoniquement approuvée; c'eft ainfi qu'à proportion je parle d'Homere, fans fçavoir le Grec, fur la foy des Traducteurs autorifez parmi les Sça

vans.

En un mot, ou Me D. n'a pas rendu Homere, ou je l'entends comme elle, eu égard au fond des chofes ; & quand même elle ne l'auroit pas rendu, mes remarques auroient encore un objet réel, puifqu'elles tomberoient du moins fur fa Traduction dont je m'appuye toûjours.

Il ne faudroit donc plus crier, il ne fçait pas le Grec, & il juge Homere,' & prétend l'imiter; ce Sophifme féduit bien des gens,c'eft qu'on fe laiffe étourdiy

dufaux Paradoxe qu'il préfente d'abord. On croit que je juge du Grec, tandis que je ne juge que du François de Mc D, On croit que j'imite en détail les tours & les expreffions d'Homere, au lieu que j'imite feulement le fond des chofes que les Traductions litterales m'ont fuffifamment appris: la témérité de l'entreprise s'évanouit, dès qu'on la réduit ainsi à ses véritables termes.

De la nouveauté de mon Projet,

M

Ade D. m'apprend que Def marêts, l'Auteur du Clovis & de la Madelaine, avoit eu comme moi l'audace de juger d'Homere, que fa Differtation fut oubliée dès fa naissance; & que ce n'eft même que par hazard qu'elle l'a eûë d'un de ses amis, qui l'a déterrée dans la pouffiere d'un cabinet. Je n'ai jamais lû cette Differtation; Je n'aurois pas manqué de la citer, fije m'en étois fervi, quoique ce ne foit pas trop l'ufage des Auteurs de Remarques, qui ne font pas toûjours honneur à ceux qu'ils copient. Il est vrai qu'elle ne conclut pas

d'abord que j'aye copié l'Ouvrage de Defmarêts; car comme elle l'ignoroit, elle n'a pû se défendre de penfer que je pouvois l'ignorer auffi. Elle fe contente donc de dire d'abord, que foit que je l'aye fuivi, foit que la conformité des vûës m'ait fait rencontrer avec lui, je ne fais prefque que répéter les mêmes Critiques mais perdant bien-tôt de vûë cette alternative fi judicieuse, elle n'en adopte plus dans la fuite de fon Livre que le membre injurieux qui me fait regarder comme un fervile copiste.

Je ne me défends pas de ce reproche, pour m'attribuer là-deffus la gloire frivole de la nouveauté. Je n'ai prétendu remarquer dans Homere que les défauts les plus apparens; dès-là il étoit impoffible que je diffe des chofes bien nouvelles. Ce feroit un grand préjugé d'erreur contre moi, fij'avois blâme des chofes qui n'auroient bleffé perfonne, au lieu que c'eft un préjugé de raison de m'être rencontré avec les cenfeurs d'Homere fans les avoir lûs.

La plupart des fubtilitez avec lefquel les on justifie Homere, ne font pas de la

même nature; il faut aller interroger Euftathe & Denys d'Halicarnaffe, & ce n'est point dans le fond d'une raison commune qu'on les trouve.

J'ai rencontré bien des gens qui m'ont dit fur mon Ouvrage : Favois déja fenti tout ce que vous me dites d'Homere, & vos idées ne m'étoient point nouvelles. Ce dif cours reprimoit bien la petite vanité que m'auroit pû donner ma pénétration; mais il m'en dédommageoit en me faifant croire d'autant plus que je ne m'étois pas trompé ; & le plaifir d'être raisonnable me confoloit de n'être pas fingu lier.

Cela me fait fentir combien il est utile qu'en matiere d'Ouvrages d'efprit, quelques Ecrivains ayent la hardieffe de dire ce qu'ils pensent. On éclaire par-là bien des foupçons qui ne demandenɛ qu'à fe découvrir; on détermine bien des gens à penfer ce qu'ils fentoient déja, au lieu que par la lâcheté de fuivre toujours le torrent, on prête des armes à l'erreur, on donne occafion à fes partifans de crier: Toute la terre eft de notre avis; tous les hommes font d'accord là-dessus : vous qui

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