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pas à une feule dans le même païs : l'habileté confiftant dans les variations d'ordres, ce qui est bien différent de la routine, qui ne reconnoît qu'un feul ordre & qu'une feule méthode. Doit-on être furpris après cela, la portion du hazard ou de la fortune dans le partage de la gloire militaire est toujours la plus grande ? Au lieu qu'en oppofant à l'ennemi des difpofitions diverfes fans rien changer dans mes principes capitaux, finon pour la diftribution de chaque arme, il fe trouve toujours nouveau, & dans une perpétuelle incertitude de ce qu'il fera, ne voiant rien dans ce qu'on veut faire à caufe de la fouplesse & de la vîteffe de mes mouvemens, & c'est là en quoi confifte le grand & le profond de ma Tactique. Ajoutez à ce que je viens de dire, que j'approfondis davantage la matiére que je traite felon que je traite felon que l'Auteur me fournit l'occafion de reprendre les mêmes matières dont j'ai parlé ailleurs. Nous réfléchiffons en même tems sur les fautes des deux partis, comme fur ce qu'ils ont pratiqué de bon & de remarquable.

Si l'affaire s'eft paffée dans un païs couvert, dans des lieux mêlez, coupez, difficiles, & où une armée ne combat que par parties détachées ou fur un petit front, je propofe & je donne des difpofitions différentes, & ainsi de toutes les autres affaires qui regardent les diverfes fitua tions des lieux, où les armées font obligées de combattre ; mais je ne m'écarte jamais de ma méthode, qui s'accommode à tout; en cela bien différente de celle que nous fuivons.

Il eft aifé de comprendre par le nombre des Volumes de cet Ouvrage, la grandeur des matiéres qu'il renferme, & combien il importe de l'orner & de l'enrichir de Plans & de Figures; il y en aura près de 350, & l'on ne fçauroit guéres s'en difpenfer: car fans ce fecours il feroit

très

très-difficile de bien comprendre les matiéres que je traite; mais on doit bien fe garder de croire que je donne mes imaginations pour des réalitez, comme font tant d'autres. Tout eft prouvé, tout est réel à l'égard de l'antiquité militaire. Un Ami * de mérite que j'ai auprès de Le Sicur moi, & qui deffine parfaitement, s'eft chargé de l'éxécution des deffeins, & a suivi mes idées avec toute la régularité & l'éxactitude poffible.

Je me fuis trouvé trop refferré dans cette Préface pour être en état d'entrer dans un plus grand détail de cet Ouvrage. Je me borne feulement aux deux premiers Volumes: les matiéres des fuivans font en fi grand nombre, que je ne pourrai guéres me difpenfer de les accompagner de Préfaces, où nous répondrons aux critiques fi nous le jugeons à propos.

Comme mon Traité de la Colonne eft la bafe de tout mon Corps de fcience militaire, & le fondement de tout mon Systême de guerre, elle en fait auffi la tête. Elle n'eft pas tout-à-fait telle qu'elle a été donnée dans les Nouvelles Découvertes, on la fortifie d'un grand nombre de preuves, qui achèveront de convaincre ceux que les premiéres ont ébranlez. J'y ai ajouté encore des Figures, des éxemples & des faits remarquables anciens & modernes qu'on ignoroit, & que j'ignorois moi-même, qui ne laifferont pas que pas que de furprendre & de défarmer, s'il eft poffible, ceux au goût defquels cette façon de combattre n'a pas été, plutôt par efprit de contradiction que par raison : car je les défie d'en alléguer aucune tant soit peu fuportable, & qui puiffe faire juger qu'ils entendent l'infanterie, & qu'ils connoiffent fa force. En un mot il n'y a guéres de Chapitre où je n'aie inferé quelque nouveau raisonnement, quelques nouvelles réfléxions,

Tome I.

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d'Albéry.

& quelques nouvelles maximes que la vérité produit asfez naturellement, & qui paroîtront, j'efpére, en leur place. C'est l'avantage des Syftêmes fondez fur des véritez démontrées, de conduire à un grand nombre d'autres: ce qui n'est pas un petit embarras à ceux aufquels ces véritez déplaifent, & qui les rejettent hardiment lorf qu'elles paroiffent contraires à leurs préventions. Ne craignent-ils pas que la vénérable routine ne foit désertée, & qu'ils ne perdent tout leur credit? Leur crainte n'est point mal fondée, puifque cette routine menace ruine, & que j'en fappe les fondemens.

J'ai jugé d'autant plus néceffaire de répandre plus de preuves dans cet Ouvrage, que je fuis venu dans un tems où des fentimens tels que les miens, tout raisonnables & démonftratifs qu'ils font, ne peuvent manquer d'effaroucher certains efprits opiniâtrément attachez à la coutume : pour les habiles, ils me feront favorables: je parle ici des Officiers particuliers, fçavans dans l'infanterie, comme des Généraux les plus renommez de l'Europe, qui ont approuvé & reçû mon Systême, & qui m'ont fait l'honneur de me le marquer dans les lettres qu'ils m'ont écrites.

Le nombre des entêtez est toujours le plus grand, & il ne manquera pas de fe foulever. Car le moien que les routineurs puiffent s'accommoder d'un Systême qui les réduit dans l'abfolue néceffité d'étudier & de s'appliquer à leur métier. Et pourquoi y feront-ils obligez? Le voici, c'eft que mes principes étant à la portée de toutes fortes d'efprits, & pouvant s'apprendre comme ceux des autres sciences, il leur fera honteux de ne rien fçavoir de la guerre, pendant que ceux qui ne font pas guerriers pourront par la lecture de mon Livre, en raifonner

& en parler beaucoup plus fçavamment que ceux qui n'ont d'autre titre à produire que leur expérience: il faudra donc néceffairement qu'ils apprennent, de peur de trouver des gens de tous états qui les relèvent à chaque pas qu'ils feront. Voilà ce que j'avois à dire de ce premier Tome: paffons au fecond, où nous nous réduirons à une simple idée, sauf à dire quelque chofe de plus dans une Préface.

L'attaque & la défenfe des places des Anciens en fera la matiére, fans paffer à d'autres que par diversions. Le fiége de Lilybée, qui eft un des plus célébres, & peutêtre le plus fçavant de l'antiquité, m'a servi comme de texte à expliquer, & j'ai formé là - deffus un Ouvrage régulier & très-considérable. J'ai rangé les matiéres, qui font infinies, de la maniére qui m'a femblé la plus commode & la plus méthodique. J'ai puisé, à peine le croirat-on, d'un homme auffi peu fçavant que je le fuis: car je fens bien que je ne le fuis pas ; j'ai puifé, dis-je, dans un fort grand nombre d'Auteurs: ceux qui font plus fçavans que moi dans cette forte de Litterature, n'en feront nullement furpris; mais ils le feront de ma patience bien plutôt que de mon esprit.

On y trouvera toutes les pratiques & les méthodes différentes des Anciens dans ces deux belles & fçavantes parties de la guerre, car ils y étoient plus habiles que nous ne le fommes ; c'est de quoi peut-être nos habiles Ingénieurs ne conviendront pas. Ils fufpendront, s'il leur plaît, leurs décisions jufqu'à nouvel ordre: car il faut que le Livre paroiffe. Tout cela est enrichi de Figures, & d'une infinité d'éxemples, de réfléxions & de raifonnemens; j'y amène des preuves, je préviens les objections, j'appuie tout de témoignages; & lorfque ces fortes de flambeaux me

manquent, j'ai recours aux conjectures, qui ne m'échapent pas au besoin, presque affûré qu'il n'y en aura aucune de rebutée.

Je ne pense pas qu'il y ait rien de plus amusant & de plus inftructif qu'un Traité particulier fur une ma tiére comme celle-ci; lorfqu'elle eft neuve & que celui qui fe met en tête de l'épuifer n'eft pas dépourvû des connoiffances néceffaires pour une telle entreprise : l'expérience de la guerre doit être jointe à ces connoiffances pour pouvoir réuffir. Sans cette expérience je ne crois point qu'un autre plus fçavant que je ne le fuis s'en pût bien tirer. On trouvera ce Traité d'autant plus curieux & plus amufant, qu'il eft prefque tout parfemé & bigarré de Phyfique & d'expériences fur les refforts de lair & du feu, car je fuis fur ce point-là d'un fentiment bien différent de ceux qui ont écrit fur cette matiére.

Les machines de jet des Anciens m'en ont fourni l'occafion quant aux parties de l'air; car quant à celles du feu, la poudre qui a produit l'invention de nos diverfes bouches à feu, & celle de nos mines, m'a conduit à des expériences & à des découvertes toutes nouvelles fur les parties qui compofent les refforts de la flâme confidérée comme un fluide parfait.

Je hazarde mes conjectures fur leur nature & leur figure, car je n'ai que cela à donner, non plus que les autres, pour qu'ils puiffent produire les effets que l'on voit; fans que je croie pour cela, malgré mes expériences, que j'aie fort avancé dans la recherche de la vérité. Les expériences trompent, quoiqu'elles foient heureufes car c'eft fouvent toute autre chofe que ce que l'on s'imagine. Je fuis du fentiment des Sçavans les plus raifonnables, qui tiennent que le meilleur usage qu'on puisse faire de la Philofophie eft de reconnoître qu'elle

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