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prétendroient des alliez. Ils veulent anéantir un Traité, qui gravé fur la pierre a été comme confacré à l'immortalité, & auquel nous nous fommes obligez par ferment. Nous vous refpectons, Romains, & fi vous le voulez même, nous vous craignons; mais nous respectons & craignons encore plus les Dieux immortels.

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Tout le Confeil applaudit à ce difcours, chacun s'écria que l'on ne pouvoit foutenir plus majeftueufement & avec plus de vigueur la dignité de premier Magiftrat. Il n'y eut qu'Appius qui reftât inflexible. » Pendant que vous pouvez de bon gré, répondit-il orgueilleufement, » vous accommoder avec les Lacédémoniens, croiez-moi, Achéens, accommodez-vous avec eux; de peur que dans la fuire vous ne foiez obligez de le faire malgré vous. Cette hauteur faifit d'effroi les Achéens, ils fe bornérent à demander qu'on n'éxigeât rien d'eux contre la religion du ferment, laiffant en la difpofition des Romains de faire des Lacédémoniens tout ce qu'ils jugeroient à propos.

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Appius caffa la Sentence prononcée contre Areus & Alcibiades, & permit aux Spartiates de députer à Rome ; quoique ce fût une loi parmi les Achéens, qu'aucune ville ne députeroit de fon chef & féparément du Confeil général de la République. Les Achéens envoiérent auffi de leur côté des Ambaffadeurs. Après de longues conteftations, le Sénat fit partir pour la Gréce Q. Marcius, qui tout en arrivant remit dans Sparte ceux que les Achéens en avoient éxilez, déclara innocens tous ceux qu'ils avoient condamnez, éxemta les Lacédémoniens de Paul. in A- toute contribution, leur permit de recourir à des tribunaux étrangers pour les caufes capitales, & de relever leurs murailles.

Tit Liv. 1.39.

chaic.

Plut. in Phi lop.

Ici achéve fa glorieufe carriére le fameux Philopomen, le Tit.Liv. 1.39. guerrier de fon tems, & ce teins étoit très-fécond en Héros, qui eût le plus étudié fon métier, & qui l'eût le mieux appris. Malade à Argos & âgé de foixante-dix ans, aiant ouï dire que Dinocrates avoit détaché Mefféne de la ligue des Achéens, & qu'il étoit fur le point de s'emparer de Corone, poste considérable au deffous de Mefféne fur le bord de la mer, il part pour fe rendre à Mégalopolis, & y arrive le même jour. Il ne s'y arrête pas, il prend quelques jeunes gens des plus qualifiez de la ville, tous bien montez, & parmi lefquels on ne peut raifonnablement douter que Polybe ne fût, & marche vers Mesféne.

A moitié chemin, il rencontre Dinocrates, le charge & le met en fuite. Cinq cens chevaux des ennemis le furprennent dans un fond très-difficile. Il ferre fon petit efcadron, fe met à la queue, & s'avance plufieurs fois contre l'ennemi, pour donner à fes jeunes gens le tems de fe fauver. Son cheval s'abat, il tombe, & fon cheval fur lui, peu s'en fallut qu'il n'en fût écrafé. Les ennemis accourent & l'environnent. Quand ils eurent reconnu que c'étoit Philopomen, refpectant ce grand homme, & fe rappellant les fervices fignalez qu'il leur avoit rendus, ils le relevérent comme fi ç'eût été leur Général, & le conduifirent à Mefféne à travers une foule innombrable de peuple qui s'étoit amaflée pour le voir: mais à peine y fut-il arrivé, qu'on le defcendit dans un lieu fouterrain, que l'on couvroit d'une groffe pierre, & où le lendemain on lui envoia un poifon. Il demanda à l'éxécuteur, fi Lycortas & fes cavaliers s'étoient retirez fains & faufs, & quand on lui eut dit qu'ils s'étoient fauvez: cela me fait plaifir, dit-il, & auffitôt il prit le poifon, qui ne le tourmentà pas longtems; il étoit fi DLXI. épuifé, qu'il fut éteint en un moment.

Sur la nouvelle de fa mort, on tint un grand Confeil à Mégalopolis, où l'on réfolut de venger un attentat fi horrible. Lycortas nommé Général, fe jette dans la Meffénie, & y met tout à feu & à fang. Mefféne ouvre fes portes. On brûle le corps de Philopomen, & l'on porte fes cendres à Mégalopolis. C'étoit Polybe qui dans cette pompe triomphale portoit l'urne, il avoit alors environ vingt-deux ans.

An de Rome

P. 1207.

Les Mefféniens députérent enfuite aux Achéens pour deman- Pol. t. rt. der la paix, qui leur fut accordée par Lycortas à ces trois conditions, qu'ils livreroient tous ceux qui avoient cu part au démembrement de la ligue & à la mort de Philopcemen,que toutes les affaires feroient portées auConfeil des Achéens,& qu'ils recevroient garnifon dans leur citadelle. Ces conditions acceptées, Lycortas entra dans Mefféne, & enjoignit à tous ceux qui étoient convaincus d'avoir confpiré contre Philopomen, de fe donner la mort à eux-mêmes.

La guerre de Messéne terminée, les Romains furent un peu étonnez que ce fût à l'avantage des Achéens. Pendant qu'elle étoit le plus allumée, comme les Ambaffadeurs de cette République leur avoient demandé du fecours contre les Melléniens, ou du moins qu'ils ne permiffent pas, qu'on leur portât des vivres, ils avoient répondu, qu'ils ne vouloient point

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Id. p. 1207.

fe mêler dans cette guerre, & qu'il leur importoit peu que Lacédémone, Corinthe ou Argos fe féparaffent de la ligue. Mais quand ils curent appris que les Achéens avoient eu le deffus, ils changérent de fentiment, & dirent aux mêmes Ambaffadeurs, qu'ils avoient pris des mefures, pour empêcher que l'on ne portât des vivres & des munitions à Mefféne.

Lycortas fans faire femblant de fçavoir la derniére réponse, profita habilement de la premiére, pour rejoindre Lacédémone à fa République. Le Confcil affemblé, il dit que puifque les principaux de cette ville fouhaitoient rentrer dans la ligue, fon avis étoit qu'on ne refufât pas leurs offres ; qu'il voioit dans cette réunion de grands avantages, outre qu'il n'y avoit rien à craindre des anciens bannis; parce que l'on ne reprendroit que ceux, fur la fidélité defquels on pourroit compter.

Ces raifons eurent tout leur effet, malgré les oppofitions de Diophanes, qui favorifoit le retour de tous les bannis en général, & Lacédémone rentra dans la ligue des Achéens. On députa enfuite Bippus d'Argo, pour informer le Sénat Romain de ce qui venoit de fe paffer, & les bannis envoiérent à Rome de leur part Cletis, pour défendre leur cause contre l'Ambaffadeur des Achéens. Le Sénat, après les avoir enten

Id. p. 1210. dus, écrivit par Cletis aux Achéens, pour les engager à rétablir tous les éxilez; mais cette République, avant que de fe déterminer, crut qu'il étoit bon d'attendre le retour de fon Ambaffadeur.

Id. p. 1214.

Id. p. 1216.

Dans cet intervalle, Lycortas & Polybe furent chargez par la République d'aller, en qualité d'Ambassadeurs, remercier Ptolémée Roi d'Egypte des dix galéres à cinquante rangs, dont il lui avoit fait prélent, dans la vûe d'entrer dans fon alliance. Le choix ne pouvoit guéres tomber que fur eux deux, qui étoient très-connus du Prince, Lycortas, parce que perfonne n'avoit été plus porté que lui à renouveller l'alliance avec Ptolémée, & qu'elle s'étoit renouvellée fous fon Généralat ; Polybe, parce que, quoiqu'il fut alors trop jeune pour cette fonction, il avoit déjà été, quelques années auparavant, chercher en Egypte les armes & l'argent que Ptolémée avoit offert aux Achéens.

A leur retour, Hyperbate alors Général fit lecture, dans le Confeil, des lettres que le Sénat avoit écrites pour le rétablissement des éxilez. Ce Général & Callicrates étoient du sentiment que l'on fe foumît aveuglément aux ordres des Ro

mains,

mains, & fans aucun égard pour les loix qui fembloient ne le pas permettre. Cette baffeffe révolta Lycortas. Zélé Républiquain, il s'éleva avec force contre une foumiffion fi peu digne d'un gouvernement libre: mais connoiffant le caractére de ceux qui tâchoient de l'infpirer, il tourna fon oppofition de maniére, qu'on ne pouvoit lui en faire une affaire auprès des Romains. Il infinua adroitement, que quand les Romains portoient compaffion aux miférables, & qu'ils leur accordoient leurs demandes, ils ne faifoient que ce que l'on devoit attendre de leur justice & de leur équité, fur tout lorfqu'on ne leur demandoit rien que de raifonnable: mais que lorfqu'on leur montroit que ce que l'on avoit obtenu d'eux, ou ne pouvoit abfolument fe faire, ou devoit avoir des fuites fâcheufes pour leurs alliez, ils étoient trop juftes pour vouloir qu'on obéît, malgré qu'on en eût, aux ordres qu'ils avoient donnez: qu'ainfi dans cette occafion, quand on leur auroit fait fçavoir que les Achéens ne pouvoient fe rendre à leurs lettres, fans violer fermens, loix, traitez, en un mot tout ce qu'ils avoient de plus facré & de plus inviolable, ils fe relâcheroient & ne trouveroient pas mauvais qu'on fe défendît de leur accorder ce qu'ils fouhaitoient.

Dans ce conflit de fentimens, on députe à Rome pour informer le Sénat de la modefte oppofition que Lycortas avoit faite aux ordres qu'il en avoit reçûs. Mais par malheur on mit Callicrates au nombre des Ambaffadeurs, & ce traitre gagné & corrompu par les préfens des bannis, parla dans le Sénat contre les Achéens plus vivement, que n'auroit pû faire leur ennemi le plus emporté. Non feulement il y déclaina contre ceux qui n'avoient point été de fon avis, il ofa encore fuggérer comment il falloit s'y prendre pour étendre & établir la puiffance Romaine dans le Péloponéfe. Le Sénat ne manqua pas de faifir cette occafion, pour rabaiffer la prétendue fierté de cette République ; il ne fe contenta pas d'envoier de nouveaux ordres en faveur des éxilez, il écrivit encore aux Etoliens, aux Epirotes, aux Athéniens & aux Acarnaniens, pour les exciter à fe joindre tous enfemble contre les Achéens, & pour comble de malheur le perfide Callicrates fçut à fon retour jetter dans le Péloponéfe une fi grande terreur des Romains, que la multitude, qui n'étoit pas inftruite de ce qu'il avoit fait à Rome, crut ne pouvoir rien faire de mieux que de le choifir pour Capitaine Général.

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Id. p. 1241,

DLXXXVI.

pro

La guerre de Perfée qui fuivit de près cet événement, donna lieu à de nouveaux troubles. Aulus Hoftilius, de la An de Rome Theffalie, où il étoit en quartier d'hiver, envoia dans le Péloponéfe C. Popilius & Cn. Octavius. Le bruit courut auffitôt dans le païs que ces deux Députez venoient pour faire le cès à Lycortas, à Polybe & à Archon, autre Magiftrat, fur ce qui avoit été rapporté aux Romains que ces trois Achéens intriguoient contre eux, & que fi pour le préfent ils paroiffoient ne pas fe remuer, ce n'étoit pas qu'ils n'euffent mauvaise volonté, mais qu'ils attendoient quelque incident qui leur donnât occafion de la faire éclater. Les Députez n'oférent cependant rien entreprendre contre ces trois Magiftrats.

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ce

Du Péloponéfe ils furent dans l'Etolie, & de là dans l'Acarnanie. Cette députation donna de l'inquiétude aux Achéens. Les principaux affemblez, on délibéra fur le parti que l'on devoit prendre entre Perfée & les Romains. Lycortas foutint que le meilleur étoit de leur laiffer vuider leurs démêlez, fans fe déclarer ni pour l'un ni pour les autres. Mais cette neutralité ne plut pas au plus grand nombre. Il ne paroît pas non plus que ce fût le parti le plus avantageux. N'étoit pas là l'occafion de fecouer le joug des Romains, & de se venger des hauteurs qu'on avoit eu à fouffrir de leur part? On avoit quitté Philippe fi à regret, on fe repentoit tant de l'avoir quitté. Pourquoi ne fe pas remettre en liberté en fe joignant à fon fucceffeur? On n'en fit rien, il fut résolu au contraire que l'on se rangeroit du côté des Romains. Archon, qui avoit été de cet avis, fut élû Capitaine Général, & Polybe Commandant de la cavalerie.

Sur ces entrefaites arrivent des Ambaffadeurs de la part d'Attalus , pour demander que les Achéens rendiffent à Euménes fon frére les honneurs qu'il avoit autrefois reçûs de leur République. Ces honneurs étoient apparemment quelques ftatues qu'on lui avoit érigées, & qui pour quelques brouilleries avoient depuis été abattues. Il y eut dans le Confeil de grandes conteftations fur ce point. Archon étoit bien du fentiment, qu'on les lui rendît, mais il ne dit qu'un mot pour l'appuier; dans la crainte qu'aiant acheté fort cher fa dignité, l'on ne crût qu'il ne favorifoit Attalus, que pour en tirer quelque gratification. Dans le tumulte & la confufion, où il avoit laillé le Confeil en fe retirant, Polybe fe leva & fit un long discours qui fut fort applaudi.

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