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parmi le fracas des armes, ne fçauroient être commandées par la voix ; on devroit les faire au fon du tambour, pourvû que les évolutions fuffent diftinguées par les différens roulemens. Qu'on ne me parle pas de l'éxercice au fon du tambour tel qu'on le fait aujourd'hui, il eft trop ridicule, puifque les évolutions ne font pas diftinguées. Je dis donc que dans une affaire générale, ou dans un combat, le bruit des autres tambours, celui du canon, les décharges continuelles de l'infanterie, & les cris militaires, empêchent de diftinguer les commandemens, qui ne font pas les mêmes par tout, à caufe des différens cas qui arrivent. Il me paroît qu'il feroit mieux d'introduire deux corps de chaffe par régiment, dont les différens fons diftingueroient les diverfes évolutions & les manoeuvres qu'il faudroit faire, & aufquelles il feroit bon d'accoutumer les foldats à la maniére des Anciens.

Cet inftrument eft de tous celui qui fait un plus beau bruit de guerre, & qui me femble digne d'être mis à autre usage qu'à fervir à animer les chiens; les Romains ne fe fervoient que de ces fortes d'inftrumens de mufique militaire: je ne fçai où j'ai lû que les Suiffes fe font fervis autrefois de cors de chasse dans leurs armées, je ne me fouviens pas fi c'eft fous le régne de François I. Cette recherche nous importe peu, il n'eft pas befoin d'autorité pour une chofe de cette nature; il fuffit que ce qu'on propofe foit bon en lui-même.

Lorfqu'on entrelaffe des colonnes dans une ligne, on doit les pofter entre deux brigades, & les mettre aux endroits où l'on veut faire effort. C'eft fur ces principes que je propofai le fecours de Douai en 1710. l'infanterie par colonnes de deux & de trois bataillons entre les intervalles des brigades de l'infanterie, la cavalerie la foutenant fur deux lignes, les efcadrons entrelaffez de pelotons, & de gros bataillons aux aîles fur dix de hauteur, & quelques autres répandus fur tout le front de la premiére ligne. Cet ordre n'étoit pas fait au hazard, on n'ignoroit rien de la difpofition de l'ennemi, & du défavantage de leur pofte, & ce fut là-deffus qu'on se régla.

CHAPITRE XII.

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Des armes de l'infanterie. La pique en devroit être inséparable. Avantage & défaut de cette arme.

I

L n'y a point d'Officier tant foit peu appliqué & versé dans l'infanterie, qui ne trouve, par ne trouve, par l'examen de mon nouveau Systême, une objection importante à me faire. En effet, pour peu qu'on médite deffus, on reconnoît bientôt par les feules lumiéres du bon fens, & les régles mêmes de la guerre, que cette façon de combattre, toute fimple & toute parfaite qu'elle paroît aux intelligens, eft défectueuse à l'égard des armes. Jě n'ai garde de ne pas convenir de cette vérité, je l'ai assez sentie; mais lorsqu'il s'agit d'un nouveau Syftême qui renverse le vieux, & d'attaquer un ufage de longue prefcription, & qui ne s'accorde pas avec les principes dont on eft préoccupé, il faut y aller comme à la fape, & avec beaucoup de circonfpection. On doit laiffer le tems d'éxaminer & de réfléchir fur ce qu'on propofe d'abord : la baze étant affermie, il n'est pas difficile de s'élever jufqu'au comble.

y

Le Lecteur éclairé voiant qu'on ne dit rien qui ne foit fondé fur beaucoup de connoiffance de l'infanterie, fur des véritez démontrées, & fur des éxemples éclatans, anciens & modernes, qui fe préfentent en foule, tâche d'approfondir de plus en plus fl'Auteur ne s'eft point trompé; ce qui fuffit pour nous conduire à la recherche de la vérité, & à reconnoître ce qui peut y avoir d'imparfait dans ce principe, & ce qu'il faudroit ajouter pour le porter au point de perfection où il peut aller. Il n'eft pas difficile de remarquer & de convenir qu'il faut des armes de longueur dans un corps comme la Colonne, comme dans toute autre: la pique fe préfente d'abord, malgré la prévention où l'on eft ridiculement contre fon rétabliffement;: mais cette prévention ceffe bientôt par l'éxamen de cette maniére de combattre : on eft alors convaincu qu'elle eft néceffaire dans l'infanterie, & que les efpontons & les hallebardes ne fuffifent pas pour fraifer entiérement un corps contre les efforts & le choc d'une cavalerie vigoureufe. On a honte, après tout ce que nous avons dit, & fi fouvent répété, d'avoir été fi longtems dans l'erreur; on revient au fentiment d'un de nos Maîtres, Tome I. k

qui dit que la pique eft la reine des armes, & le foutien de toutes les autres. Il faut plufieurs fortes d'armes dans l'infanterie, afin qu'en quelque fituation où l'on fe trouve, l'on ait toujours des moiens pour attaquer & pour se défendre. C'étoit la maxime des Romains, celle-ci n'a qu'une face ; je la tiens excellente. Les Experts dans l'infanterie, s'étonnent avec raifon qu'on en ait détruit l'ufage; il eft bien plus furprenant qu'on n'y foit pas revenu, par l'expérience de notre derniére guerre de 1701, & par ce qu'on auroit dû reconnoître de foible dans la maniére de combattre de nos voisins, & de ce qu'il y a de fort & de redoutable dans la nation Françoise : j'ai affez souvent répété ce que je dis ici; mais peut-on affez le retracer dans les efprits?

Je tiens donc la pique abfolument néceffaire dans l'infanterie ; mais comme du tems qu'elle étoit en usage il ufage il y en avoit trop d'un quart, & même d'un tiers, un cinquième femble suffisant dans un bataillon: dans les corps qui compofent ma Colonne, on mêlera les piquiers alternativement avec les fufeliers au premier rang de chaque fection, & fur les deux premiéres files des aîles; c'eft-à-dire que l'on mettra un piquier entre deux fufeliers.

Je trouve pourtant un changement confidérable à faire dans cette arme; ou pour mieux dire, il faut le changer presque en tout, dans fon fer comme dans fa longueur. A proprement parler c'est une pertuifanne, & quelque chofe au-delà que je propofe, de onze pieds en tous fens. Le fer de deux pieds de long fur cinq pouces dans fa plus grande largeur à l'endroit A. Le bois couvert de quatre petites bandes de fer pour réfifter contre les coups de taille d'un acier excellent, le fer fortifié. jufqu'à la pointe E d'une aréte rélevée d'environ une ligne & demi; ce fer doit être d'un acier excellent & acéré. Cette arme me femble mille fois plus forte & plus avantageufe pour résister à un grand effort, & au choc de la cavalerie; outre qu'elle n'eft pas moins redoutable par la pointe que par le tranchant, elle fe manie plus aifément & avec plus d'adresse & de dextérité: il n'eft pas aifé d'en gagner le fort. La vûe de cette arme ( dont les bleffures font terribles) donne de la terreur, un feul coup fuffit pour mettre le cavalier & le cheval hors de combat. On ne regarde pas fixement un corps de troupes fraizé de ces fortes d'armes, jointes aux hallebardes, aux efpontons, & aux baionettes au bout du fufil, particuliérement contre une nation comme la Françoise, dont l'ardeur &

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LA PERTUISANNE DE L'AUTEUR.

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