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doit fe réfoudre à affronter & à pénétrer 24. rangs, c'est-àdire un corps dont les files des faces font de 24. de hauteur. Où eft donc cet excès de foibleffe Où font ces côtez minces? Mais quelle eft la nature des corps qui attaqueront cette colonne tour à tour, & à différences reprises? Ce ne peuvent être que des bataillons ordonnez, armez, & difpofez felon la façon d'aujourd'hui, fur quatre ou cinq de hauteur. Ne feroit-ce pas une efpéce de prodige en matiére de lâcheté, fi des files de 24. hommes fe laifoient enfoncer & pénétrer par de files de cinq tout au plus ?

Je fuppofe que ces bataillons en bon nombre environnent & envelopent cette colonne de toutes parts, ou plufieurs ensemble; combattant fur un tel principe, ils ne tiennent rien: car cinq hommes de file auront alors affaire à douze ou à quinze à chaque face. Si c'eft de la cavalerie qui charge & qui s'abandonne fur cette colonne, on la chauffera à bout touchant. C'est là la pre-miére civilité, le premier compliment, & ce compliment fera un peu long & fort ennuieux ; parce que le cavalier étant plus élevé, il fera auffi vû & falué des rangs de derriére, & paffé: encore par les pertuifanes, les hallebardes & les efpontons dont ma colonne se trouve fraizée. Ajoutez encore les compagnies de grenadiers, qui peuvent s'introduire dans les efpaces des efcadrons, & les chauffer en flanc. Encore une fois, les uns comme les autres fe trouveront-ils bien d'une telle reception? Ne voilà -t-il pas une façon de combattre bien mauvaise & bien foible, puifqu'on ne peut autrement l'attaquer que par une autre femblable qui puiffe en foutenir le choc & le heurt. Cette colonne ainfi combattue, comme je l'ai dit, fera toujours chemin, pénétrera & paffera fur le ventre de tout corps qui ofera fe préfenter devant & lui couper retraite, ce que le carré ne fera jamais j'entens ici le carré vuide, car le plein dont on se fervoir il y a près de deux fiécles avoit quelque convenance avec la colonne.

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De l'ordre quadrangulaire oppofé à la Colonne. Analyfe de ces deux évolutions. Que le feu de la premiére eft inférieur à celui de la Seconde, quoique plus foible en nombre d'hommes.

I E bataillon quarré plein étant maffif, car c'eft fur celui-là que quelques Officiers ont commencé à ouvrir les yeux depuis mon Livre des Nouvelles découvertes fur la Guerre. Ce bataillon, dis-je, étant maffif & épais, ne fçauroit se mouvoir ni manœuvrer, (car il ne s'agit pas ici du quarré vuide, qui est pis encore,) fes mouvemens font lourds & graves, & tout d'une piéce; tout terrain n'eft pas propre à cette forte d'évolution: il lui en faut, pour ainfi dire, un fait exprès, comme à la phalange, & lorfqu'on le rencontre il faut y refter, s'il plaît à l'ennemi de nous y combattre; s'il faut marcher, on ne va pas longtems fans trouver des obftacles, qui ne permettent plus de fuivre cet ordre : & s'il faut le changer pour en prendre un autre, il est dangereux de le faire l'ennemi fur les bras, foit qu'il vous fuive ou qu'il vous harcelle. Si le quarré eft plein, il est propre pour le choc & pour enfoncer : mais les angles font foibles, & le choc en eft moins violent; s'il eft vuide, il eft fujet à fe rompre de lui-même, à fe défordonner & à fe confondre, pour peu qu'on foit obligé de doubler le pas, & l'on n'a pas befoin de l'ennemi pour faire cette œuvre, à moins qu'on en ufe comme fit Xénophon, ce que nous expliquerons. Je suppose même qu'on foit favorifé du terrain, comment remédier à un inconvénient qui peut arriver, & qui arrive toujours lorsqu'on eft attaqué? Car fi l'ennemi fait plus d'effort en un endroit qu'en l'autre, & qu'il s'y trouve plus de gens tucz, ce n'eft plus un quarré, mais une confufion: la cavalerie furvenant là-deffus, comme on manque de cette arme, qui feule peut lui résister, je veux dire de må pique ou pertuifane je laiffe à penser ce qui en peut arriver; & fi ce quarré est à centre vuide, ce qui ne peut fe faire que par un grand corps de troupes, je défie les plus habiles d'y apporter du reméde. Car lorfque c'eft à centre plein, il y en a, quoique difficile à appliquer, fi ce fi ce corps eft même rompu à un de fes angles il ne fçauroit le remettre. Je conclus de là que le quarré vuide & le plein

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ne font pas meilleurs l'un que l'autre ; & fi nous n'avons rien de plus parfait, comme en effet nous n'avons pas autre chose, où en fommes-nous ?

Xénophon reconnut par une expérience de plufieurs mois de marche & d'attaque dans fa fameufe retraite des dix mille, les défauts de l'ordre quadrangulaire vuidé, quoiqu'il fût fur plus de feize de hauteur: auffi l'abandonna-t-il comme impraticable, il s'en tint au pléfion, c'est-à-dire au quarré long; disons mieux, il forma deux colonnes à une certaine distance l'une de l'autre, & les bagages entre-deux, fans remplir & fermer les intervalles d'entre les deux colonnes en tête & en queue des équipages. L'ar mée, dit l'Auteur, continua fa marche à travers une plaine, fuivie de Tifaphernez avec de fréquentes attaques. On reconnut alors qu'une armée fur quatre fronts eft très-incommode, lorfqu'il faut faire retraite avec un ennemi fur les bras ; car les faces oppofées à l'ennemi venant à fe confondre, ou à cause d'un défilé, qui eft trop étroit, ou à cause d'une montagne, ou lorsqu'il faut traverser un pont, on est étouffé fans pouvoir avancer dans la presse, & l'armée eft hors de combat. Au fortir de là les aîles venant à s'étendre, le milieu demeure vuide; ce qui fait perdre courage aux foldats à la vue de Pennemi: outre que chacun se pressant pour passer le premier dans les défilez, on lui donne beau jeu pour nous attaquer. Comme les Généraux Grecs eurent remarqué ce défaut, ils firent un corps de réferve de 600. hommes, en fix compagnies, avec les Chefs de centaine, de cinquantaine & de dixaine: quand les côtez venoient à fe refferrer, ils demeuroient à la queue, où filoient fur les flancs de part & d'autre pour éviter l'embarras; & lorfqu'ils commençoient à prendre du terrain à droit & à gauche, ils rempliffoient & couvroient l'intervalle d'entre les côtez, c'est-à-dire d'entre les deux colonnes, felon qu'il étoit plus grand ou plus petit. Ils ne fe brouilloient point auffi avec le reste des troupes dans les défilez, mais paffoient l'un après l'autre par compagnies ; & fi l'on avoit befoin du fecours en quelque endroit, ils y accouroient auffitôt. On voit clairement que ce corps de 600. hommes faifoit tantôt l'avant-garde ou l'arriére-garde, ou se partageoit felon le befoin, fans se joindre aux colonnes des côtez pour former le quarré. Si l'ordre drangulaire est défectueux dans une retraite, à quoi peut-il être bon, puifqu'il n'a été inventé que pour cela? L'on va démontrer qu'il eft encore moins propre pour le combat.

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Imaginons-nous un quarré de 3000 ou de 3600 hommes, je foutiens qu'il eft plus foible & moins en état d'attaquer & de fe

Tome 1.

C

défendre qu'une colonne de mille. Cette propofition ne semblet-elle pas paradoxe ? Elle ne l'eft pourtant pas, c'eft au contraire. une vérité auffi certaine qu'une démonstration de mathématique., Suppofons le quarré A, & la colonne B. Si A eft attaqué, je mets en fait qu'on effuiera moins de feu du quarré A, que de la colonne B. La raifon eft, qu'il n'y a tout au plus que fept ou huit rangs de chacun des côtez C, qui puiffent tirer, & dont on puiffe faire ufage pour les feux. Tous ces rangs qui rem.. pliffent l'efpace D, contre le grand C, & le petit quarré E font en état de fe fervir de leurs armes, & de foutenir la force du choc, fi l'on n'en excepte les angles; mais il faut convenir en même tems que les 1196 hommes, qui rempliffent le centre du quarré E, font tout-à-fait inutiles dans le combat, finon pour fortifier & fervir comme d'appui contre l'effort & le heurt. de la colonne ; les huit ou dix premiers rangs D, qui ferment. & embraffent le quarré E, fuppofant toujours que les 3600. hommes forment un quarré plein & parfait, qui fait 60. files

en tout fens.

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Si l'on m'objecte que ce corps quadrangulaire fournit un feu égal à chacun de les côtez, & que la colonne B n'a que deux faces F pour feux, & que celui de G & de H eft très peu de chofe, j'en demeure d'accord; mais on fçait que le propre de la colonne eft dans l'action. Il ne s'agit pas de tirailler, mais d'en venir d'abord aux coups d'armes blanches, & de joindre l'ennemi, & alors le feu n'a plus lieu, & il n'y en a aucun à effuier: d'ailleurs à proportion du quarré plein de 3600 hom-mes, contre une colonne de 1200, il faut qu'on avoue que le: feu de ma colonne eft infiniment plus grand; car cette colonne n'attaque qu'un des côtez du quarré, les trois autres ne voient rien de ce qui fe paffe au côté attaqué; on n'en a donc rien à craindre, & cependant les deux faces F de la colonne voient tout le côté du quarré fur lequel elle tombe, & par là on ne peut difconvenir que le feu de ce corps ne foit fupérieur à celui du côté attaqué.

Outre les avantages que j'ai alléguez plus haut, il n'y a pas un feul homme d'inutile, foit pour le choc, foit pour le feu, foit pour la légèreté de fes mouvemens. Si la colonne tombe de tout fon poids fur un des angles du quarré, elle l'emportera & le fera fauter hors; que fi cet angle eft enlevé, comme en effet il ne fçauroit réfifter contre le choc de cette efpéce de bélier elle le pénétrera, le mettra en défordre & en confufion ; que

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QUARRÉ PLEIN DE 3600. HOMMES, ATTAQUÉ PAR UNE COLONNE DE 1200.

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