Imágenes de páginas
PDF
EPUB

,

nouvelle. Nous entrons dans la plaine d'Iffe fur vingt colonnes, l'armée fe met en bataille felon la méthode ordinaire, c'est-à-dire la cavalerie fur les aîles, & l'infanterie au centre, fans faire réfléxion que ce que nous avions de plus fort & de plus redoutable à notre droite où étoit l'élite de notre cavalerie, fe trouvoit inutile de ce côté-là. Cette droite de cavalerie, & une partie de celle de l'infanterie, s'étendoient en ligne oblique jufqu'à la Scarpe, où elle appuioit, à caufe d'un crochet que les ennemis formoient à leur gauche, qui nous empêchoit de nous ranger fur un front paralléle avecl'ennemi, de telle forte que cette droite en étoit fort éloignée.

On étendit la gauche au ruiffeau de Lens, entre Noyele & cette ville, au marais, qui regne le long de fes bords jufqu'à fon confluant dans la Deule. Cette gauche se trouvoit fort près du camp de Milord Duc. Nous avions en face la hauteur de Bois Bernard, qui couvroit prefque tout le centre de notre infanterie, & qui empêchoit qu'on ne pût voir, & notre difpofition, & tous les mouvemens que nous pouvions faire à ce centre: avantage ineftimable pour un Général fin & rufé, & qui ne fuit pas la route ordinaire.

Cette hauteur s'élevoit doucement jufqu'à la cenfe de Bois-Bernard, où elle formoit une petite plaine pelée & unie, qui faifoit le haut du côteau, & qui continuoit dans toute fon étendue. Ses deux extrémitez tomboient en pente infenfible, celle de la droite alloit finir à un grand ravin très - profond & d'un abord très-difficile, qui commençoit un peu au deffous du château de Vilerval, que nous avions derrière la ligne vis-à-vis notre centre, & alloit finir au village d'Iffe, qui étoit entre

les deux camps. Ce ravin partageant & coupant la plaine en deux, rompoit prefque la communication de nos deux aîles. Ce defavantage cût été très-confidérable fi nous euffions été attaquez.

La gauche de la hauteur alloit se perdre d'une même pente dans la plaine, à mille pas ou environ dư marais, où notre gauche étoit appuiéc.

Pendant que l'armée fe formedans la plaine, le Maréchal de Villars s'avance fur la hauteur de BoisBernard, d'où l'on découvroit toute l'étendue & le terrain où les ennemis étoient en bataille, & tous les mouvemens qu'ils pouvoient faire fur tout le front de leur armée. Nous avions la hauteur fur eux à notre centre; bien que cet avantage ne regardât que notre canon, il ne laiffoit pas que d'être fort confidérable avant & même pendant le combat. Il y avoit plus que cela, c'est qu'otr remarqua à leurs manoeuvres einbaraffées, qu'ils ne raffées, qu'ils ne s'étoient pas attendus à la marche hardie de l'armée de France; & leur canon étant encore au parc, on ne doit point douter qu'ils ne fuffent furpris. Voici leur ordre de bataille.

Ils avoient à dos leurs lignes de circonvallation, & la Deule. J'ai déja dit que leur gauche s'étendoit jufqu'à la Scarpe au village de Vitri, & leur droite aux marais du canal de Lens: de forte que les deux armées étoient également affurées à leurs aîles. Voilà quant à la fituation du païs, voici quant à l'ordre de leurs troupes. On peut bien juger qu'il n'y aura rien de fort nouveau. Ils fe rangérent fur deux lignes & une groffe réferve, la cavalerie fur les aîles, & l'infanterie au centre. L'une & l'autre avoient en front une ligne de redans qu'ils avoient tirez d'efpace

en espace, traverfant la plaine de leur droite à leur gauche. Le moindre de ces redans étoit capable de contenir un bon bataillon. Cette bordure n'eût pas laiffé d'être incomlaiffé d'être incommode, fi ces ouvrages euffent été achevez. Il me parut trois lignes à la droite de leur cavalerie, foit qu'ils craigniffent que nous ne fiffions un plus grand effort de ce côté-là, ou qu'ils euffent deffein de le faire eux-mêmes. C'eft tout ce que nous pûmes remarquer de leur ordre je ne le donne pas pour une réalité, car il se faifoit tant de mouvemens le long de leur ligne, & fur tout au centre, que je ne vis prefque

rien de fixe.

Cette difpofition étoit excellente contre une autre toute femblable, & ces redans très à redouter. Je fuis perfuadé qu'en combattant felon la méthode de nos ennemis, dont tout l'avantage eft dans leur feu, nous pouvions être battus; mais la maniére d'attaquer que j'avois propofée, ne confiftoit pas feulement dans l'avantage de l'arme blanche, mais en-core dans celui de l'ordre, comme je le dirai bientôt.

Ces redans inquiétérent & occupérent longtems le Maréchal, non qu'ils fuffent infiniment dignes de fon attention, mais parce qu'il plaifoit à certaines perfonnes, qui difoient les avoir vûs de fort près, de les groffir & de les perfectionner dans fon efprit, & par contrecoup dans la tête des autres. Je crois que le Maréchal s'en fût peu foucié, s'il n'eût craint de prendre un peu trop fur lui, & de mettre les affaires en péril.

La plupart de ceux en qui il fe confioit le plus, & dont le caractére étoit de ne faire aucune différence du facile au difficile, & de celui-ci à l'impoffible, alléguérent toutes les

raifons & les lieux communs dont on fe fert ordinairement pour diffuader une bataille, & qui n'ont été que trop ordinairement alléguées vers la fin de cette guerre : mais n'en déplaife à ces Meffieurs, le fage Catinat & le Maréchal de Villars raisonnoient mieux, lorsqu'ils difoient quelque tems auparavant, qu'en perdant une place de la conféquence de Douai, nous nous verrions en deux campagnes, & peutêtre même la fuivante, dans la trifte néceffité de courre les risques d'une action générale qui décideroit du tout, peut-être en lieu défavantageux. Mais toutes ces raifons, quelques fenfées qu'elles pûffent être, ne furent d'aucun effet : les lettres qu'on écrivoit fans ceffe de l'armée, & les lieux communs, fi en vogue alors, & dont on avoit la tête toute remplie, firent abandonner cette entreprise, qui, au jugement des connoiffeurs étoit une de celles qu'un habile Chef d'armée n'a garde de laisser en arriére, lorfqu'elles fe préfentent, & que des ordres fupérieurs ne le brident point.

J'ai déja remarqué que la plaine où nous étions campez, étoit partagée à notre centre par le ravin d'Iffe, lequel, bien qu'on n'eût rien négligé pour le rendre praticable, ne l'étoit qu'en quelques endroits. Ce défavantage n'étoit rien, fi nous euflions attaqué: mais reftant fans rien faire dans un pofte fi favorable à l'ennemi, il en eût tiré un très-grand avantage, & fait le principal fujet de fon entreprise.

Leur gauche, comme nous l'avons dit plus haut, n'étoit qu'à la petite portée du fufil de fa droite, & notre droite fe trouvoit très-loin de la gauche fans que nous pûffions l'éviter. Si les Généraux alliez euffent réfléchi fur toute cette disposition,

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

E DOUAY.

« AnteriorContinuar »