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long travail qui s'est étendu sous ma plume au delà de ce que je présumais d'abord? Étudier sans doute en elle-même une physionomie militaire distinguée et singulière en son genre, un personnage plus cité que connu; traverser avec lui la grande époque, la traverser au cœur par une ligne directe, rapide et brisée, par un tracé imprévu et fécond en perspectives; recueillir chemin faisant des traits de lumière sur quelques-ung des grands faits d'armes et des événements histori ques auxquels il avait pris part ou assisté. J'ai voulu tout cela sans doute, et aussi payer un tribut personnel à la mémoire d'un homme bienveillant, dont les entretiens m'avaient beaucoup appris. Mais j'ai songé, en parlant si à fond de lui, à autre chose encore; j'ai tenu surtout, en découvrant sincèrement sa vie et ses pensées, en y introduisant si avant le lecteur, à détruire un préjugé à son égard, à faire tomber une prévention (s'il en existait) dans l'esprit de notre jeunesse militaire française. Un auteur de ce mérite, dont les écrits sont classiques, dont les livres sont entre les mains de tout officier qui étudie et pense; un maître qui a donné les meilleures leçons pour régler autant que possible et soumettre à la raison, pour préciser, diriger, pour accélérer et par conséquent pour diminuer la guerre, pour la faire ressembler le moins qu'il se peut (et c'est de plus en plus difficile) à une œuvre d'extermination et de carnage, un tel maître, -- le Malherbe du genre (1), — ne saurait garder de l'odieux sur son nom, ni même

(1) Je vois qu'on l'a défini encore heureusement « le Monge de la stratégie. »

laisser de lui comme caractère une idée obscure et louche. J'ai donc tâché d'y apporter toute lumière et, sans rien voiler, rien qu'en exposant, de faire en sorte que tous ceux qui sont et seront plus ou moins ses disciples puissent l'apprécier, le voir tel qu'il était en effet, le bien comprendre dans ses vicissitudes de sentiments et de destinée, le plaindre, l'excuser s'il le faut, pour tout ce qu'il a dû souffrir, l'aborder, l'entendre, le connaître enfin de près et comme il sied, d'homme à homme, et peut-être l'affectionner. — Dirai-je en finissant toute ma pensée ? j'ai cru possible de montrer et de faire accepter son portrait vu de la France.

Cette Étude sur Jomini, qui se compose de cinq articles publiés dans le journal le Temps, a eu la faveur d'être reproduite dans plusieurs journaux suisses: par la Revue militaire suisse, recueil spécial des plus estimés; par le Démocrate, de Payerne, lieu de naissance du général; enfin par le Journal de Genève. Le colonel Lecomte, à cette occasion, a cru devoir adresser à ce dernier journal quelques observations relatives aux articles mêmes, et il l'a fait avec la courtoisie la plus flatteuse pour leur auteur. J'ai profité dans cette réimpression de quelques remarques qu'il m'avait déjà adressées personnellement. Si je ne reproduis point ici les lettres qui ont paru dans le Journal de Genève, nos des 28 août, 1er et 2 septembre 1869, j'indiquerai du moins les points sur lesquels portent ces observations et ces légers dissentiments.

Le colonel pense, après examen et discussion des lettres de la Correspondance de Napoléon à la date de sep

XIII.

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tembre 1806, que la désignation de Bamberg comme lieu de concentration des troupes pour l'entrée en campagne et comme clef des prochaines opérations stratégiques n'était pas si clairement désigné que je l'ai cru, et que par conséquent, dans la conversation qu'il eut avec Jomini le 28 septembre, à Mayence, l'Empereur put très-bien en effet lui recommander de n'en dire mot à personne, pas même à Berthier.

De même pour les mouvements du maréchal Ney dans la seconde quinzaine de mai 1813, dans les jours qui précédèrent la bataille de Bautzen, le colonel Lecomte, en discutant la Correspondance impériale, y signale des lacunes et s'attache à montrer d'ailleurs que, même avec les éléments qu'on a, il y a tout à fait lieu et moyen d'attribuer à l'influence directe de Jomini le changement de résolution qui détourna le maréchal Ney de faire front vers Berlin pour se rabattre sur Bautzen. Dans l'un et l'autre cas, je lui ai paru trop hésitant sur la rigoureuse exactitude du récit oral et un peu trop sceptique.

Les autres points discutés dans les lettres du colonel sont plus particuliers et intéressent surtout les rapports de Jomini avec la Suisse.

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Une Étude sur J.-J. Ampère, ce littérateur polygraphe et complexe, cet esprit trois fois distingué, dont la valeur individuelle est si intimement liée aux maîtres, aux amis, à toute la génération qu'il représente, et à l'ensemble du mouvement intellectuel de son époque, une telle Étude exige un premier coup d'œil et un aperçu qui embrasse rapidement le progrès antérieur et l'état de la littérature comparée en France au moment où il y intervint, car Ampère, à son moment, a peut-être été le critique et l'historien le plus curieux, le plus à l'affût et le mieux informé des littératures étrangères, le plus attentif à les interroger et à nous les présenter dans leurs vivants rapports avec la nôtre.

(1) Cette Étude, écrite d'abord pour le Journal des Savants, où elle parut peut-être un peu trop vive à cause de certains détails qui ne relèvent pas uniquement de l'archéologie, fut publiée pour la première fois par la Revue des Deux Mondes, le 1er septembre 1868.

Il s'est intitulé en quelques-uns de ses livres le critique en voyage littéralement ou au moral, il l'a été de tout temps.

La branche d'étude qui est comprise sous le titre de littérature comparée ne date en France que du commencement de ce siècle. On ne saurait, en effet, ranger sous ce nom les modes successives et les invasions de littératures étrangères, italienne ou espagnole, qui signalèrent la seconde moitié du xvr siècle et la première du xvie. On lisait les auteurs d'au delà des monts, on les imitait, on les copiait avec plus ou moins de discernement, on les citait parfois avec à-propos; mais il ne se faisait point à leur sujet d'examen ni de comparaison critique. On ne saurait contester cependant que des littérateurs instruits et consommés, tels que Chapelain, Ménage et l'abbé Regnier des Marets, ne fussent sur la voie d'une juste comparaison à établir entre la littérature française et les littératures du midi. Dès la fin du XVIIe siècle et au commencement du xvIIIe, ce fut dans l'école et la postérité immédiate de Racine que s'annoncèrent les premiers signes d'attention donnés à la littérature et à la poésie anglaises. M. de Valincour estimait les beaux passages de Milton à l'égal des plus belles scènes de l'Iliade. Racine fils faisait entrer dans ses Réflexions sur la Poésie l'examen du Paradis perdu. Voltaire enfin, le premier, inaugura véritablement chez nous la connaissance de la littérature anglaise; mais c'était surtout les idées qu'il avait en vue, il s'en emparait et s'en servait comme d'une arme dans la lutte, comme d'un instrument d'inocula

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