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est expliqué dans la Préface de mon Chateaubriand. Revenu à Paris en septembre 1849, j'entrai presque aussitôt au Constitutionnel sur l'invitation de M. Véron, et j'y commençai la série de mes Lundis, que j'y continuai sans interruption pendant trois ans jusqu'à la fin de 1852. C'est alors seulement que je passai au Moniteur, où je suis resté plusieurs

années.

Nommé par M. Fortoul en 1854 professeur de Poésie latine au Collège de France, en remplacement de M. Tissot, je n'y pus faire que deux leçons, ayant été empêché par une sorte d'émeute, née des passions et préventions politiques. Cette affaire mériterait un petit récit à part que je compte bien faire un jour.

Nommé, en dédommagement, maître de conférences à l'École normale par M. Rouland, en 1857, j'y ai professé pendant quatre années.

En septembre 1861 je suis rentré au Constitutionnel, et depuis ce temps j'y poursuis la série de mes Nouveaux Lundis.

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Des critiques qui ne me connaissent pas et qui sont prompts à juger des autres par eux-mêmes m'ont prêté, durant cette dernière partie de ma vie si active, bien des sentiments, des amours ou des haines, qu'un homme aussi occupé que je le suis et changeant si souvent d'études et de sujets n'a vraiment pas le temps d'avoir ni d'entretenir. Voué

et adonné à mon métier de critique, j'ai tâché d'être de plus en plus un bon et, s'il se peut, habile ouvrier.

Nous compléterons le document qu'on vient de lire par la publication des deux lettres suivantes que M. SainteBeuve écrivit à M. Alphonse Le Roy, professeur à l'université de Liége. Nous n'en supprimerons pas les répétitions qui concordent avec certains faits indiqués déjà dans le Fragment biographique qui précède. Ils se retrouvent ici avec des détails nouveaux, relatifs même aux dates de naissance, aux renseignements de famille, d'éducation, etc. Nous avons ainsi deux fois un Sainte-Beuve raconté par lui-même, et qui ne pouvait rien omettre, dans aucun des deux récits, de ce que l'on demande d'abord à une Biographie, même courte. M. Sainte-Beuve n'a pas laissé de Mémoires, il n'avait pas le temps d'en faire, mais les traits répandus à profusion dans ses Écrits, et qui touchent à sa physionomie de près, formeraient un Recueil qui deviendrait aisément un volume de Mémoires. Il n'en restera pas moins dans l'Histoire littéraire une lacune que lui seul, qui aimait tant l'exactitude, aurait pu combler, et l'on n'ose y toucher après lui, même quand on l'a bien connu, parce que la palette intime de l'écrivain, celle qui rendrait le mieux le ton et les nuances de ses sentiments et de son caractère, a été brisée. Il n'y avait que lui pour parler de lui-même. C'est encore à sa Correspondance que nous emprunterons le plus, quand nous voudrons faire une autobiographie.-M. Alphonse Le Roy avait été chargé par le Conseil académique de l'université de Liége, qui venait de célébrer son cinquantième anniversaire (le 3 novembre 1867), de composer une histoire même de cette université, un Liber memorialis, destiné à toutes les

grandes bibliothèques publiques du monde savant en Europe et en Amérique; une Notice sur tous les professeurs qui y avaient enseigné depuis l'année de sa fondation (1817) devait y trouver place, et non-seulement une Notice biographique, mais bibliographique. M. Alph. Le Roy fit l'honneur à M. Sainte-Beuve de s'adresser à lui-même pour ce qui le concernait, et lui posa diverses questions auxquelles M. Sainte-Beuve répondit d'abord par cette première lettre :

«CHER MONSIEUR,

Ce 23 juin 1868.

<< Permettez en commençant cette familiarité à un quasi-collègue. Les questions que vous me faites l'honneur de m'adresser et qui me reportent à mes souvenirs de Liége ne peuvent que me flatter infiniment. Je voudrais être en mesure d'y répondre d'une manière tout à fait satisfaisante.

« Au point de vue de l'exactitude bibliographique et du complet, je ne sais aucune notice qui puisse remplir votre objet. J'ai eu souvent à me louer d'articles très-bienveillants, et, autant que je pouvais me permettre d'en juger, fort bien faits, mais tous conçus à un point de vue purement littéraire et contenant des jugements plus que des faits. J'ai quelquefois moi-même contribué à donner quelques notes, mais, je dois le dire, tout cela était fort sec et pas très-complet. Un travail bibliogra phique sur mon compte est donc chose toute nou

velle, et je n'oserais vous promettre de l'exécuter moi-même convenablement, surtout dans l'état de santé où je suis depuis plus d'une année.

« Si vous le voulez bien cependant, je vous enverrai une notice qui sera au moins exacte dans les parties qu'elle contiendra. J'estimerai à très-grand honneur de voir mon nom sur la liste de ceux qui appartiennent à une université si libérale et que j'ai trouvée à mon égard, en des temps difficiles, si bienveillante et si hospitalière.

<< Veuillez agréer, cher monsieur, l'hommage de mes sentiments affectueux,

« SAINTE-BEUVE. >>

Voici cette Notice que M. Sainte-Beuve écrivit sur luimême dans une seconde lettre à M. Le Roy:

« CHER MONSIEUR,

« Ce 28 juin 1868.

« Je commence à m'acquitter et je me mets sans plus différer à vous donner le canevas le plus exact de ma biographie et de ma bibliographie.

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Charles-Augustin Sainte-Beuve est né le 2 nivôse an XIII (23 décembre 1804) à Boulognesur-Mer. Son père, contrôleur principal des droits réunis de l'arrondissement, directeur de l'octroi de

Boulogne, s'était marié et était mort en cette même année 1804, avant la naissance de son fils. Sa mère, fille d'un marin de Boulogne et d'une Anglaise, éleva le jeune enfant de concert avec une belle-sœur, une sœur de son père.

« Quant à la question de savoir si Charles-Augustin avait quelque degré de parenté avec le docteur Jacques de Sainte-Beuve du XVIIe siècle, ce point a été touché dans la dernière édition de PortRoyal, donnée en 1867 (au tome IV, page 564). M. Sainte-Beuve n'a rien de certain sur cette parenté. Il n'en sait absolument rien.

<< Né dans l'honnête bourgeoisie, mais dans la plus modeste des conditions, Charles-Augustin fit ses études dans sa ville natale et y acheva même toutes ses classes, y compris la rhétorique, dans la pension laïque de M. Blériot, sous un bon humaniste, natif de Montdidier, appelé M. Cloüet (1).

(1) Je retrouve des livres classiques qui ont servi à M. SainteBeuve pour faire ses études, et qui portent la signature de M. Cloüet: un Horace entre autres (édition de Rouen, expurgée cela va sans dire à l'usage des classes, et publiée par un jésuite, Josephus Juvencius, S. J., 1736). M. Cloüet a écrit sur la garde de ce petit livre des pensées littéraires de lui sur « le plus parfait des poëtes latins après Virgile,» suivies de vers de Gresset et de Voltaire à l'éloge d'Horace. Ces deux pages de la main du professeur sont datées de « vendredi 31 8hre 1817. » Le jeune élève a mis deux fois sa signature au-dessous de celle de son maître : « SainteBeuve, 1er mai 1818; » c'était l'année de son départ pour Paris; « Sainte-Beuve. 19 janvier 1822; » il était bien près de quitter

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