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jugées, doivent être portées, en cas d'appel,. devant ce Juge immédiat; & fi on les portoit ailleurs, il y auroit de l'incompétence dans la perfonne du Juge qu'on nantiroit; par cette feule raifon, que les Juftices font patrimoniales en France; que leur ordre doit être obfervé; qu'elles ne peuvent point être dépouillées, ni entreprendre les unes fur les autres ; qu'il faut enfin les conferver dans toute l'intégrité de leur établisse

ment.

Par exemple, l'appel de l'appointement rendu par un Juge de Seigneur, qui naturellement reffort au Sénéchal, ne peut être porté ailleurs dans l'ordre général; car il y a des exceptions à cette regle, que nous expliquerons plus bas ; & fi cet appel, au lieu d'être porté au Sénéchal, l'étoit au Parlement, le recours feroit mauvais, & le Parlement, qui eft le confervateur des juridictions & de leur ordre, n'en connoîtroit pas, mais renverroit pour en connoître devant le Juge où l'appel auroit dû être porté. Nous en puisons la raifon dans la Loi Romaine, qui s'explique en ces termes : Sua cuiquæ jurisdictio fervari debet, proindè appellatio non poteft fieri ad fuperiorem, omiffo medio, fed GRADATIM eft interponenda.

De là fuit, en général, & en matiere civile fur-tout, que l'action étant d'abord intentée devant un premier Juge, c'eft celui-là qui doit prononcer le premier; que fi fon jugement eft injufte, on ne peut en réclamer que devant le Sénéchal, parce que celui-ci est fon fupérieur immédiat, qu'il eft en droit de confirmer ou de réformer le jugé. Du jugement de celui-ci, l'appel doit en être porté devant le Parlement, qui est fupérieur aux deux autres, & qui juge en dernier reffort; voilà l'explication du mot GRADATIM dont fe fert la Loi, & quel eft l'ordre qu'il faut obferver en matiere de juridiction.

Il y a pluficurs efpeces d'appels, parce qu'il y a

plufieurs matieres qui en font fufceptibles : mais la premiere & la principale divifion qu'on donne eft en appels en matiere civile, & en appels en matiere criminelle.

Parmi les appels en matiere civile nous distinguons. Les uns font ce que nous dénommerons appellations verbales; les autres appellations en procès par écrit.

Les appellations verbales font celles qu'on interjette, c'est-à-dire, qu'on releve des jugemens rendus. à l'Audience par les Juges inférieurs; & les appellations en procès par écrit, font celles qu'on interjette des Jugemens ou Sentences rendues fur les productions refpectives des Parties. Les premieres, au Parlement de Toulouse, font portées & jugées à la Grand'Chambre. Les fecondes font jugées par les Chambres des Enquêtes, à l'exception de certaines matieres privilégiées & dévolues à la Grand'Chambre, comme je l'expliquerai dans le chapitre des procès appartenant à cette Chambre. On compte encore, parmi le nombre des appellations verbales, les appels comme d'abus, de quoi qu'il s'agiffe au fond.

Parmi les différens appels qu'on peut être en droit de relever des jugemens des inférieurs, il y en a qui doivent être portés de plein vol au Parlement, & d'autres qui ne peuvent y être portés qu'après qu'on a fuivi l'ordre & le degré des différentes juridictions.

Par exemple, il y a plufieurs Juges royaux qui reffortent directement au Parlement, & c'eft feulement là que peut être porté l'appel de leurs jugemens.

Il en eft de même en toute matiere d'incompétence, parce que le Parlement étant le Juge des Juges & le confervateur des juridictions, c'est à lui feul à régler la compétence; & voilà pourquoi on dit communément de ces matieres qu'elles font portées en la Cour, omiffo medio, c'eft-à dire, fans paffer par la juridiction en laquelle l'appel auroit dû être naturellement porté, s'il n'eût été queftion d'incompétence..

+

Les appels de déni de Justice, de déni de renvoyer, les appels comme d'abus, ceux des Sentences Préfidiales, ou de Juges-Confuls au fecond chef de l'Edit, doivent auffi être portés à la Grand'Chambre directement.

Mais dans d'autres matieres civiles, on a jufques à trois juridictions à fuivre, du premier Juge au Sénéchal, du Sénéchal au Parlement: enfin, chaque Juge a fon reffort, & c'est à quoi il faut bien prendre garde, puifqu'il ne peut en être impunément privé.

Jufques ici nous ne parlons que des appels en matiere civile; car, en matiere criminelle, les principes font bien différens. Et nous ne comptons en général, en matiere criminelle, que deux degrés de juridiction, puifque même l'appel des jugemens rendus par des Juges bannerets, eft porté recta au Parlement, fans même distinguer s'ils font préparatoires, interlocutoires ou définitifs, quand le crime mérite peine afflictive, fuivant l'article premier du titre des appellations de l'Ordonnance de 1670; article qui laisse cependant pour les autres crimes légers, & qui ne peuvent entraîner peine afflictive ou infamante, le choix aux Parties de fe pourvoir par appel ou au Parlement, ou aux Baillis & Sénéchaux. Les accufés peuvent donc, dans ce cas, être appelans au Sénéchal; mais la regle n'en eft pas moins certaine pour cela. Tout ce qu'on peut dire, qu'il faut "diftinguer, & que dans les crimes qui méritent peine afflictive, il n'y a jamais que deux degrés de juridiction ; qu'il en eft de même des autres crimes : mais que cependant il dépend des accufés de fuivre trois degrés, puifque l'Ordonnance leur en laiffe l'option, toutes les fois que le crime ne mérite pas peine afflictive.

En matiere criminelle, comme en matiere civile, on peut être appelant des premiers actes de la procédure, même de la permiffion d'informer, du décret

quel qu'il foit, de tout jugement préparatoire, inter locutoire ou définitif. C'eft fur quoi nous nous étendrons, en traitant les appels en matiere criminelle.

Il y a une forte d'appel en matiere criminelle qu'on appelle à minimá; c'eft celui que releve M. le Procureur Général dans les affaires qui ont pour cause des crimes qui méritent peine afflictive, lorsqu'il croir être en droit de réclamer à la Cour d'une peine trop légere qu'aura prononcé le premier Juge, & qu'il prétend faire condamner le coupable à une peine plus forte.

à

Ces fortes d'appels font toujours jugés à la Chambre Tournelle, feule compétente pour en connoître, tel point, que fi l'appel à minimá de la part du Procureur Général étoit incident à un procès pendant à une Chambre des Enquêtes, ce procès dès-lors ne pourroit être jugé qu'à la Tournelle.

Cet appel eft toujours néceffaire en grand criminel. Les Procureurs fifcaux des Seigneurs le relevent, ou doivent le faire, après des Sentences définitives du Juge du Seigneur. Il y a deux motifs également puiffans pour cela. Le premier, qu'un homme innocent pourroit devenir la victime de l'ignorance ou de l'impéritie d'un Juge banneret ; au lieu qu'on n'a pas cela à craindre lorfqu'une Cour Souveraine en a pris connoiffance. Le fecond, que plufieurs coupables ne feroient pas le plus fouvent affez punis, & qu'il eft de l'intérêt public que les crimes le foient à proportion de leur atrocité & de leur noirceur.

Auffi voit-on bien souvent qu'un prévenu, condamné devant le premier Juge à des peines capitales, est abfous ou moins puni en Cour Souveraine ; & qu'un autre abfous, ou légérement condamné par le premier Juge, eft puni de mort par les Souverains. Voilà qui fait fentir la néceffité qu'il y a que les jugemens des inférieurs ne foient pas exécutés fans être confirmés par les fupérieurs.

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En matiere criminelle, comme en matiere civile fl y a des appels de déni de renvoyer, d'incompétence; & alors, qu'il s'agiffe d'un grand ou petit criminel c'eft toujours à la Chambre Tournelle qu'ils doivent être portés. Les accufés, en cette partie, & en petit criminel, ne peuvent pas ufer de l'option qui leur est donnée par le premier article du titre des appellations de l'Ordonnance criminelle, par la raison qu'il n'y a que les Cours Souveraines qui puiffent fixer l'ordre des juridictions en toute matiere dans leur reffort.

Dans l'une & l'autre matiere on appelle appel ine cident, celui qu'une Partie releve dans le cours d'une instance, d'un Jugement ou Ordonnance dont il n'avoit pas appelé, & toujours c'eft pour lever l'obftacle que porteroit aux conclusions qu'il veut prendre, le Jugement ou Ordonnance que fon Adverfaire ne manqueroit pas de lui oppofer.

Outre les appels incidens, il y a des appels de pure précaution, qu'on appelle, en terme de pratique, des appels en tant que de befoin. Une Partie ne les releve de la forte que pour parer à certaines raisons ou exceptions, que fon Adversaire puiseroit dans le jugement dont il a appelé en tant que de befoin. Ce n'eft pas un appel proprement dit, qui cependant fauve bien fouvent les dépens; mais c'est un appel indéterminé, un appel que la Partie qui le releve croit inutile, & qu'elle ne releve que par pure précaution; car les précautions, en Cour Souveraine, ne doivent jamais être négligées.

Il y a encore des appels de taxe des dépens; mais quant à ceux-là, il n'eft pas queftion d'impétration: voilà pourquoi nous ne nous en occuperons point; ceux qui voudront s'inftruire à cet égard, peuvent voir ce que je dirai quand je traiterai des appels de taxe dans la feconde édition des Ordonnances mifes en pratique.

Ce n'eft que devant les Cours Souveraines que les

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